N°1 / Résistances au musée

Morette, un musée de la Résistance de la première génération

fidélités, temporalités et épopées narratives

Charles Heimberg

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L’un des intérêts majeurs de l’analyse muséohistorique consiste à interroger les choix narratifs des musées d’histoire, à la fois les éléments retenus et ceux auxquels le récit a renoncé en fonction d’un faisceau de facteurs diversifiés, entre finalités générales et conditions particulières de transmission auprès des visiteurs. Cette analyse intègre également les temporalités des apparitions des musées d’histoire et de leurs évolutions. Les questions d’histoire, et de mémoires, se posent ainsi au cœur des musées de la Résistance, de leur première génération aux créations plus récentes, en passant par toutes les refontes dont ils ont été l’objet et qui restent parfois discrètes ou occultées dans les présentations.

L’analyse d’une mise en musée que nous proposons ici, à partir des problématiques de la didactique de l’histoire[1], se réfère à l’histoire enseignée et à apprendre, qu’il s’agisse de manuels ou d’autres ressources scolaires, ou de séquences élaborées par des enseignants. Elle affronte en effet des problèmes de construction narrative comparables à certains égards à ceux que rencontrent les musées d’histoire. La grammaire du questionnement de l’histoire scolaire examine ainsi une série de questions sur le monde d’hier ou d’aujourd’hui[2]. Elles concernent en premier lieu les échelles narratives, dans leurs trois dimensions temporelle, spatiale et sociétale. Or, chaque musée d’histoire inscrit sa propre narration dans une périodisation qui n’a a priori rien de naturel et qui résulte de choix, parfois implicites, parfois explicités. La démonstration d’Antoine Prost autour de la grève de 1936 en France montre la pluralité des significations qui se dégagent dès lors que l’on considère simultanément différentes périodes temporelles dans lesquelles inscrire les faits soumis à l’étude historique[3]. Elle nous rappelle que ces périodisations ne sont pas neutres. La question des échelles spatiales et de leur connexion est plus complexe encore, mais non moins pertinente, surtout lorsqu’il s’agit de conflits, et a fortiori de conflits mondiaux. Dans ce cas, la pluralité de focales d’observation permet aussi de mieux appréhender la complexité des situations et la diversité de leurs interprétations possibles. Les échelles spatiales jouent un rôle considérable dans les significations qui se dégagent de la visite des musées. De même, les échelles de la société, entre des regards surplombants et des regards d’en bas qui se croisent et se complètent au cœur des conflictualités sociales, enrichissent la narration du passé.

Sans évoquer toute la grammaire du questionnement scolaire de l’histoire, nous soulignons l’importance de la comparaison. Les musées d’histoire, comme les mémoires, constituent des présents des passés, inscrits dans le présent. En revanche, toute démarche d’histoire, surtout dans le contexte scolaire, constitue une tentative de reconstruction des présents du passé, cette fois-ci dans le passé. Il s’agit d’examiner les comportements et les choix des acteurs du passé en considérant en même temps leur propre champ d’expérience, situé dans leur passé, et leur horizon d’attente pour l’avenir, en termes d’espoirs et de projets ou en termes de craintes et d’appréhensions. Ce travail de décentration permet notamment d’éviter, ou de mieux contrôler, à la fois les anachronismes et les reconstructions téléologiques, c’est-à-dire surdéterminées par ce que l’on sait de ce qui est advenu par la suite à ces acteurs. Mais il ne mène pas pour autant à renoncer à la comparaison.

L’un des problèmes posés par la comparaison au sein des musées d’histoire concerne en particulier le temps représenté qui est l’objet de l’exposition, le temps représentant qui désigne l’époque de la conception de l’exposition et le temps contemporain de la visite. Toutefois, les expositions résultent souvent d’interventions et de refontes successives, parfois difficiles à reconstituer. C’est notamment le cas pour le Musée de Morette que nous allons évoquer.

Les finalités assignées aux espaces muséaux tendent parfois à écraser le temps et à favoriser des analogies qui sont mises au service de valeurs pour le présent qu’il s’agit de promouvoir, sans assurer pour autant la mise à distance que nécessiteraient la dimension historique de la narration et l’éloignement temporel des faits. L’assignation mémorielle « Plus jamais ça ! », typique des expressions du devoir de mémoire qui peinent à intégrer une dimension critique et de mise à distance suffisantes, en est une conséquence possible.

L’analyse muséohistorique a dès lors pour principal objectif de mettre à jour les contenus narratifs du musée d’histoire, entre ce qui est donné à voir et les mécanismes de pensée qui relient le passé au présent. Elle interroge ainsi ce à quoi est d’abord invité le public : un voyage dans la différence du passé autour de symboles forts, de lieux déterminés et significatifs ou encore de quelques personnages marquants ; ou une réflexion sur le présent et quelques problèmes qui le caractérisent ; voire peut-être un mélange des deux processus.

L’étude de cas que nous allons développer ici pose encore la question des acteurs de la construction muséale, puisqu’il s’agit d’un musée départemental de la Résistance de la toute première génération, mis en place sous l’impulsion directe des rescapés qui ont survécu à l’engagement dans le maquis des Glières de février-mars 1944. Il rend compte de leur propre récit, l’épopée narrative d’une « bataille » des Glières, d’un groupe militaire uni qui entendait « vivre libre ou mourir », qui a libéré une part de la France pour recevoir, par les airs, de quoi armer la Résistance intérieure et qui a affronté l’ennemi avant de décrocher et de subir une impitoyable répression.

Le site de Morette et le Musée départemental de la Résistance Haut-Savoyarde

Créé en 1964 sous l’égide des rescapés et de leur association, le Musée des Glières et de la Résistance, aujourd’hui Musée départemental de la Résistance haut-savoyarde, est situé à côté du cimetière des martyrs des Glières, devenu Nécropole nationale en 1984, dans la vallée du Fier. Il est installé dans un vieux chalet d’alpage construit en 1794, typique de ceux que les maquisards ont connu sur le Plateau. Il a été démonté et descendu en 1962 en vue d’un autre projet touristique, un musée de plein air, abandonné ensuite. Le Musée a ainsi pu s’installer dans ce chalet reconstruit juste à côté du cimetière en récupérant des objets qui étaient exposés au Château d’Annecy. Il est devenu départemental à partir de 1978[4].

Aujourd’hui, le site de Morette, qui comprend un lieu d’accueil récemment construit, est constitué de trois éléments : le cimetière-nécropole, avec ses 105 tombes, le Musée de la Résistance proprement dit, installé dans le fameux chalet d’alpage, et un Mémorial départemental de la Déportation, situé pour sa part dans un grenier d’alpage, datant de 1784, lui aussi démonté et ramené de la montagne, puis reconstruit et réaménagé. Ce mémorial a été créé en 1965, à l’initiative de l’Union nationale des Déportés, Internés et Familles de disparus (UNADIF)[5].

Au sous-sol du Musée de la Résistance, la crypte présente toutes les croix de bois qui avaient été placées au cimetière avant d’être remplacées par des croix de bronze, ainsi que diverses plaques commémoratives trop personnalisées pour être maintenues dans un cimetière à caractère militaire. Au rez-de-chaussée, l’exposition propose une histoire générale de la guerre et de la Résistance axée sur ce qui est advenu dans le département de la Haute-Savoie. À l’étage, c’est l’expérience des maquis des Glières qui est racontée. L’exposition se caractérise par une narration écrite et de nombreux documents d’époque, notamment des photographies. Elle ne propose pas de documents audiovisuels.

L’exposition a été réaménagée dans les années 1990 par Michel Germain, un enseignant et un écrivain prolixe né en 1945, qui s’est beaucoup engagé pour faire connaître l’histoire de la Résistance à l’échelle de tout le département. Sa motivation provient du fait d’avoir été étonné de la rareté des travaux disponibles lorsqu’il a proposé à ses élèves de participer au Concours national de la Résistance qui avait alors pour thème : « Vous raconterez la Libération de votre ville ou de votre région », d’où son engagement dans ce travail d’histoire[6]. C’est à cette époque que l’espace a été étendu sur deux étages. Le rez-de-chaussée présente aujourd’hui des documents, comme par exemple des affiches, qui avaient été trouvés par les résistants, avec ce qui compose la construction narrative de Michel Germain, qui demeure en réalité mêlée à la présentation initiale des années 1960 et à une refonte de la fin des années 1970. Le premier étage présente surtout des éléments de la présentation initiale. L’ensemble a donné lieu à divers réaménagements partiels qui rendent difficile une lecture exacte des temporalités du Musée.

Le Mémorial de la Déportation situé juste à côté propose lui aussi une exposition réalisée à l’initiative de l’association qui l’a créé. Sa visite se conclut par une autre crypte rendant hommage aux disparus et mentionnant les camps où ils ont péri. Il présente donc un caractère solennel que suggère aussi sa fonction de mémorial, même s’il est constitué en grande partie d’un dispositif muséal et d’une narration du contexte et des circonstances de l’expérience de la déportation qui lui donnent aussi l’aspect d’un musée.

Nous reviendrons ci-après sur ces différents éléments de contenus.

Entre histoire et mémoires

L’analyse de la narration du passé dans tout musée d’histoire concerne en premier lieu la nature et les interprétations possibles des faits qui sont évoqués. Or, quand ceux-ci sont encore chargés soit d’une pluralité d’expériences, soit de contentieux, soit de mémoires plurielles et divisées, cela est rarement mis en évidence dans la présentation muséale. Ce silence ou cette discrétion s’observent dans toutes les générations de musées de la Seconde Guerre mondiale, soit sous la forme d’un récit apparemment consensuel, mais fortement organisé en fonction de finalités mémorielles, soit par le biais d’un discours interprétatif jamais présenté comme tel, mais donné à voir comme une simple description des faits.

Dans le cas qui nous intéresse, l’histoire et les mémoires des Glières présentent bien une certaine complexité. Le Plateau des Glières est un lieu de mémoire au double sens du terme : parce qu’il constitue une localisation saturée de mémoires reliée à la Seconde Guerre mondiale, à la criminalité de masse de l’occupant nazi et de la Milice française, mais surtout à la Résistance et à la Libération de la Haute-Savoie ; et au-delà de cette mémoire des lieux[7], parce qu’il a été investi comme symbole de la Résistance intérieure, et donc comme lieu de mémoire au sens de Pierre Nora[8], dans une perspective identitaire et nationale, ce dont témoignent notamment la construction, et l’inauguration en 1973 par André Malraux, du monument commémoratif d’Émile Gillioli[9].

Cette complexité est par ailleurs aussi celle des lieux eux-mêmes, lieux d’histoire et lieux de construction mémorielle, marqués par une configuration géographique de sites éloignés les uns des autres : le Plateau des Glières proprement dit, la Nécropole de Morette dans la vallée du Fier et, de l’autre côté du massif, la ville de Bonneville, siège d’un autre musée actuellement en cours de réélaboration.

Le Plateau des Glières pose la question de l’usage politique du passé. Il a été récemment investi et utilisé par le monde politique. Nicolas Sarkozy y est venu en tant que candidat, puis revenu en tant que président de la République dans le cadre d’une vaste opération de récupération guère appréciée par les milieux de la Résistance. De leur côté, des milieux progressistes, citoyens et résistants, ont protesté contre cette manipulation par des rassemblements sur le Plateau, ce qui n’a pas plu davantage à l’Association des Glières, malgré la présence de personnalités de la Résistance[10]. Ainsi, un Appel du 14 mai 2011 rappelait l’actualité du programme du Conseil national de la Résistance, fustigeait sa remise en cause systématique et appelait à une nouvelle Constituante. Il était signé, entre autres personnalités de la Résistance, par Stéphane Hessel, Daniel Cordier, Marie José Chombart de Lauwe, mais aussi Henri Bouvier, l’un des initiateurs du Mémorial de la Déportation de Morette[11]. Cependant, dans cette région haut-savoyarde conservatrice, la Résistance est célébrée dans sa composante gaulliste et militaire, même si l’Association des Glières s’en tient d’abord à une prétendue neutralité et à une unité revendiquée. Julien Helfgott, rescapé des Glières et président d’honneur, et le général Jean-René Bachelet, ont ainsi tenu cette année encore à faire une mise au point :

Ceux qui sont en charge de l’héritage du maquis des Glières se doivent de rappeler la déclaration commune signée le 31 août 2011 par 42 Rescapés alors encore en vie, toutes tendances politiques confondues : « Nous récusons à quiconque, d’ici et d’ailleurs, a fortiori représentant des générations nouvelles, le droit de s’exprimer en notre nom, de même que nous condamnons fermement l’organisation, au Plateau des Glières et à la Nécropole de Morette, de toute manifestation relevant du débat politique démocratique, qu’elle soit de soutien à l’action gouvernementale ou d’opposition. Le respect dû à ceux des Glières, dans la diversité de leurs origines et de leurs opinions, l’exige, sans qu’il puisse y être dérogé sous quelque habillage que ce soit. »[12] 

Enfin, les mémoires de la Résistance sont traversées par de multiples tensions, entre des associations d’anciens résistants, entre des courants de pensée ou d’action, voire entre des individus, souvent pour des questions de reconnaissance de ce qu’ils ont fait dans le passé, parfois aussi pour exercer davantage d’influence dans le présent. Ces tensions se sont parfois développées et continuent d’évoluer en fonction des qualifications mémorielles successives des crimes de masse de la Seconde Guerre mondiale, caractérisées dans un premier temps, jusqu’aux années 1980, par une mémoire national-patriotique et une mémoire politique-antifasciste ; puis marquées, sous l’effet d’une disqualification de ces premières tendances, par l’importance d’une mémoire communautaire, en particulier autour de la destruction des juifs d’Europe. Si une requalification est probablement en cours depuis quelques années, il subsiste néanmoins un relatif effacement contemporain de la mémoire de la Résistance même s’il est situé dans le contexte plus général du présentisme[13] et de l’affirmation des mémoires[14]. En outre, le paradigme de l’antifascisme a été remis en cause et assez largement remplacé par celui de totalitarisme dans l’espace public, dans le sens d’une certaine assimilation des crimes de masse fascistes, nazis et staliniens, ce qui n’aide pas beaucoup à comprendre le XXe siècle, mais ce qui ouvre surtout la voie à toutes sortes de révisions de l’histoire qui tendent à minimiser la nature et l’ampleur des crimes fascistes et nazis. Dans ces conditions, il est compréhensible que le paysage mémoriel de la Résistance ne se présente pas comme serein et apaisé, surtout en un temps où les derniers témoins sont en train de disparaître.

Des enjeux d’interprétations

La visite des musées de la Résistance nécessite ainsi une prise en compte de ce contexte mémoriel et des problèmes qu’il soulève dans chaque cas particulier. Dans celui de Morette, les questions sont nombreuses et bien présentes dans l’espace public. Au-delà des usages politiques susmentionnés, elles concernent surtout le jugement des actions de cette époque à partir d’un regard décalé du présent. Le premier aspect, soulevé par l’auteur d’une thèse de doctorat à paraître qui multiplie les conférences publiques à ce propos[15], porte sur la manière de désigner les faits d’armes du maquis des Glières et les épopées narratives dont ils sont l’objet. Le second, récurrent depuis fort longtemps, et jamais vraiment dépassé, concerne l’exécution de 76 miliciens à la Libération. Dans les deux cas, les problèmes historiographiques soulevés sont complexes, et leur écho dans les enjeux du présent tout à fait significatif.

« Vivre libre ou mourir » était la devise là-haut. Elle affirmait un programme, mais elle traduisait aussi une situation de fait : déjà l’ennemi enfermait dans ce dilemme ceux qu’il appelait les « terroristes », car il leur refusait les droits de combattants quand la malchance les faisait tomber entre leurs mains. (…) « Nous sommes, disait Tom, le premier coin de France qui soit libre ». Cette pensée procurait à tous une sorte de joie profonde mêlée de fierté ; mais par ce qu’elle supposait d’audace autant que par ce qu’elle comportait de symbolisme, elle dictait une attitude et elle allait bientôt exiger un dévouement suprême. Les hommes de Glières le savaient bien, lorsque, réunis autour du drapeau, ils avaient juré de préférer la mort à l’asservissement. N’était-ce pas pour cela qu’ils étaient montés sur le Plateau ? N’était-ce pas cela le sens de leur audacieux rassemblement ? Oui, l’esprit qui avait inspiré le choix de cette devise et qui en aménageait l’application dans une vie fraternelle, ce fut tout Glières.

Mais dira-t-on, les événements ne comptent-ils pour rien ? (…) Auprès de la qualité des hommes et de la densité des âmes, les événements paraissent comme des accidents fortuits, qui auraient pu être autres sans que rien fût changé au fond des choses. On ne leur attribue toute leur valeur qu’en les situant dans l’atmosphère où ils ont été vécus.

De Glières, ce qu’il faut noter en premier lieu, c’est donc le sens. Il n’y a pas d’autre moyen de restituer aux faits et aux gestes leur dimension réelle. Et nous en avons assez dit pour montrer que le sens de Glières, c’est d’avoir donné une définitive manière d’être à la figure du maquisard idéal, tenace, obstiné, épris de liberté et de sacrifice.

Nous pouvons donc maintenant prendre sur les événements une vue exacte, et leur appliquer cette intime compréhension qu’ils exigent (…). »[16]

Cette déclaration de Pierre Golliet, rédigée peu de temps après les faits, nous montre à la fois la construction immédiate du récit d’épopée des Glières et son inscription consciente dans une dimension symbolique qui enrichit ce qui est exprimé et rend justice à la valeur de ce qui a été accompli[17]. Ce mécanisme a également dépendu, sur une bien plus vaste échelle, de l’écho du maquis des Glières sur les ondes de la BBC par la voix de Maurice Schumann, ou sur la radio suisse. Cette guerre psychologique et ces effets d’annonces qui ont préparé la Libération sont donc à prendre aussi en considération[18].

Parmi les éléments forts de cette construction d’une épopée narrative se trouve en tout premier lieu le fait d’avoir libéré une partie du territoire en pleine occupation allemande. La libération de la Haute-Savoie, quelques mois plus tard, par les maquisards eux-mêmes et avant l’arrivée des Alliés conforte bien sûr cette donnée. Et il y a en effet quelque chose de ce récit, et de la réalité qu’il recouvre, qui relève bien de la rupture et de la prise de risque, d’une sorte de défi à la barbarie assumé par ces jeunes gens qui se trouvaient dans le maquis et qui ont vécu quelques semaines avec la satisfaction d’avoir libéré un bout de France. Un tel défi nous place au cœur de la définition de la Résistance et de la complexité des situations dont elle rend compte[19]. Il peut nous rappeler à certains égards celui des Communards affirmant leur détermination bien que menacés par les Versaillais. Mais voilà que la controverse nourrie par Claude Barbier porte surtout sur le fait que ladite bataille des Glières ne serait qu’un mythe, et que les combattants du maquis ne seraient montés sur le Plateau que pour se cacher et échapper au STO. Même s’il est vrai que les rescapés de la Résistance ont usé et usent d’un langage militaire épique pour raconter leurs expériences, comme le montrent en général les musées de la Résistance de la première génération, et même si ces récits épiques qui se sont longtemps imposés dans l’espace public sont parfois éloignés des faits, il n’en reste pas moins que ce sont bien des combattants risquant leur vie qui ont subi l’attaque, et surtout la répression de la Wehrmacht et de la Milice à partir du 26 mars 1944, et que ce sont bien des victimes des nazis ou de la Milice qui reposent aujourd’hui au cimetière de Morette. Dès lors, le fait de déconstruire l’épopée narrative s’impose sans doute aux historiens, mais sans qu’il s’agisse pour autant de céder à des formes de banalisation ne pouvant plus rendre compte de la dynamique des événements.

Un épisode central de cette affaire porte sur les conditions dans lesquelles le décrochage a été décidé au soir du 26 mars 1944 :

Le capitaine Anjot, écrit Philippe Golliet dans l’ouvrage de 1946, sait qu’il a un répit jusqu’au lendemain matin. Il envisage la situation avec le sang-froid qui a toujours fait sa force. Pas de réserve pour rétablir le front ! Une résistance d’ensemble n’est donc plus possible (…). En passant chez Joubert, il lui expose la situation et lui demande son avis afin de contrôler la décision qu’il a prise. « Il me semble que l’honneur est sauf ». « Je le crois aussi », répond Joubert. C’était la question essentielle. Puisque Glières ne perdrait pas son sens, on pouvait lancer l’ordre de décrochage. Il était dix heures du soir[20].

L’honneur était donc sauf ! L’expression n’est évidemment pas à négliger dans cet univers mental militaire et de combat. Mais sans doute fallait-il encore construire une épopée narrative pour qu’il le soit vraiment. L’enjeu était toutefois aussi ailleurs : il consistait à donner à voir, sur une plus large échelle, une France de l’intérieur qui luttait et qui résistait les armes à la main.

Une déclaration analogue se donne à lire la même année dans le premier numéro du bulletin de l’association des Glières :

Il ne faut pas qu’on puisse dire du Bataillon des Glières, qui a été dans notre pays le premier grand rassemblement armé, qu’il survit. Il faut qu’il vive de sa victoire, d’une victoire qui doit être d’autant plus éclatante parce qu’elle a montré au peuple de chez nous qu’on ne tue pas l’âme française en voulant l’asservir, mais qu’au contraire elle se révèle quand on veut l’asservir.[21]

L’un des aspects discutés de l’épopée narrative des Glières concerne le 26 mars 1944 et le hameau de Monthiévret[22]. Un livre récent examine les faits et remet en cause la stratégie militaire, et même en filigrane l’unité des maquis[23]. Il décrit une certaine diversité, liée à la montée sur le Plateau début mars d’hommes provenant des maquis de la région du Chablais et du Giffre aux idées réputées plus marquées à gauche. L’ouvrage reconstruit ce qui s’est passé au hameau dans l’après-midi du 26 mars : non pas une longue bataille, mais un accrochage avec les Allemands qui a fait deux morts et un blessé grave dans la section Saint-Hubert[24]. Il rend compte du récit de l’un des rescapés, André Gaillard, venu planter une croix à l’endroit du drame à la fin de sa vie. Précisons aussi que l’un des deux auteurs, Jean-Claude Carrier, est le fils de Claude Carrier, compagnon de la Libération qui a été tué quelques semaines avant l’affaire des Glières ; il mène un combat pour la reconnaissance de la figure de son père dans l’histoire et les mémoires de la Résistance en Haute-Savoie.

En fin de compte, l’épopée narrative des Glières ne consiste donc pas seulement à évoquer un affrontement militaire, mais également à s’en tenir strictement à un récit unitaire de la Résistance. Ces deux éléments relèvent en effet du fameux « sens des Glières » déjà évoqué, d’un aspect légendaire qu’il s’agit absolument de préserver. Ils revêtent aussi, comme nous l’avons vu, une dimension symbolique qui, à l’époque, s’est exprimée avec force sur les ondes de la BBC ou en Suisse voisine. Et ils ne peuvent pas être compris aujourd’hui sans tenir compte des armes qui avaient été parachutées sur le Plateau par les Alliés, qu’il fallait préserver et qui nécessitaient de faire bonne figure pour montrer que la Résistance était capable d’en faire bon usage[25].

Une autre question conflictuelle concerne l’épuration haut-savoyarde et les 76 miliciens exécutés en août 1944 au Grand-Bornand. Cette affaire est l’objet d’attaques récurrentes dans la région, surtout dans les milieux catholiques, le caractère abusif de cette mesure prise à l’encontre de jeunes gens présentés comme égarés (sic) étant régulièrement dénoncé. Elle a donné lieu tout récemment à deux publications justifiant d’un point de vue historique, et à partir de nombreux documents, la légitimité du procès et des exécutions compte tenu de la situation de l’époque et des crimes qui avaient été commis[26]. Un cimetière de la Milice se trouve encore « quelque part sur la commune du Grand-Bornand », selon l’expression de Michel Germain dans son ouvrage, mais sans qu’une explication soit fournie au promeneur qui passerait par là. Quant à la présentation des faits, elle passe d’abord, et on le comprend bien, par l’histoire de la Milice haut-savoyarde, installée à Annecy dans une villa de l’avenue des Marquisats, et par l’évocation de ses nombreuses exactions criminelles.

Sur toutes ces questions, l’actuelle Association des Glières[27] veille avec attention et ne laisse rien passer. Elle entend défendre la vérité et l’exemplarité des Glières, « celle d’un véritable drame classique – unité de temps, de lieu et d’action – avec ses héros et sa devise : “Vivre libre ou mourir”, dans un site sublime ».[28]

Les strates de lecture d’un musée-témoin

Après avoir mis en évidence cette affirmation d’une épopée narrative, avec ses exigences épiques et unitaires, mais aussi la nécessité de la soumettre à une critique historique, la question se pose de savoir quel est son statut dans la mise en musée des Glières. Les travaux de Marina Guichard-Crozet sur la construction de la mémoire résistante du Plateau des Glières[29] soulignent à ce propos les étapes qu’ont représentées la création du musée en 1964, l’inauguration du Monument Gillioli par André Malraux en 1973 et l’institutionnalisation de 1998, date à laquelle tout le site s’est retrouvé sous la gestion du département de la Haute-Savoie, par le biais du service Mémoire et Citoyenneté du conseil général.

Sur le Plateau des Glières, la fiche d’information qui est distribuée à l’accueil paraît encore assez conforme à l’épopée narrative, mais non sans une certaine modération : « Le 26 mars 1944, une attaque massive ne mobilisant pas moins de 10 000 hommes est menée par les troupes allemandes et les miliciens français. Les moyens mis en œuvre sont complètement disproportionnés. Après avoir procédé à un repérage offensif à Monthiévret, les maquisards reçoivent l’ordre dans la soirée de décrocher ». Avec un peu plus loin une formule qui en résume bien d’autres, mais qui ne correspond pas complètement aux données historiques : « La Bataille des Glières est, dès le début, le symbole de la Résistance française. »[30]

Mais qu’en est-il du Musée de Morette ? Dans la mesure où c’est un musée de la première génération et qu’il émane des rescapés et de leurs associations, nous y retrouvons sans surprise la même épopée narrative, mais rien qui permette vraiment de bien connaître et de mieux comprendre les controverses que nous avons évoquées et ce qu’elles mettent en jeu.

Les musées d’histoire produits par les acteurs de l’histoire sont forcément marqués en tout premier lieu par l’expression de leur mémoire. Une construction mémorielle se donne ainsi à voir, truffée d’une intention d’histoire sous la forme d’un récit qui vise à proposer un contexte et un déroulement, un déclenchement et une issue. Dans le cas de Morette, ce paradoxe fonctionne pleinement, mais il faut toutefois bien distinguer les trois étages du chalet : ainsi, le sous-sol se présente comme un lieu de recueillement, le rez-de-chaussée plutôt comme un lieu d’histoire et le premier étage comme le lieu d’expression de la mémoire des acteurs.

Ces trois étages constituent des temporalités bien visibles du musée, alors que d’autres, liées à des interventions partielles sur les contenus narratifs, demeurent cachées. Ils correspondent à des temps représentants, à des moments de création, distincts sans que rien ne l’indique aux visiteurs. Bien que marqués par une forte dimension civique, les contenus et les narrations qu’ils proposent n’évoquent jamais explicitement des enjeux du présent. Ainsi, si la comparaison est toujours possible, elle se situe alors dans la pensée du visiteur, dans les commentaires des enseignants ou des guides, et passe ainsi par le prisme de l’évocation de l’action et du sacrifice des maquis.

De la crypte du sous-sol, un rescapé, Alphonse Métral, disait encore il y a quelques années qu’il y régnait « une atmosphère de silence et de recueillement sans qu’il y ait besoin d’un gardien (…) »[31] Il lui semblait aller naturellement de soi de la laisser ouverte au public même si la négociation avait été parfois difficile avec les familles qui avaient dû enlever leurs inscriptions personnelles du cimetière militaire pour les mettre dans cette crypte.

Un enchevêtrement de mises en musée narratives

Mais nous allons surtout évoquer ici les expositions des autres étages en nous demandant quelles sont les modalités qui organisent leur narration et les rendent ou non accessibles à des publics qui ne sont pas érudits et dont une bonne part est scolaire. Dès lors, comment simplifie-t-on les récits des faits du passé ? Comment les rend-on accessibles au plus grand nombre ? C’est là une question centrale pour la conception de tout musée d’histoire, même si ce n’est pas la seule qui se pose ensuite à ses visiteurs.

En 1977, Julien Helfgott, de l’Association des Rescapés de Glières, lui apportait déjà une réponse en ces termes dans un document interne :

« Nous avons déjà exposé les conditions dans lesquelles cette action indispensable de rénovation a été engagée et les objectifs recherchés. Vous en connaissez les principes essentiels : faire surgir les “temps forts” de notre grande aventure en essayant de trouver une traduction pouvant être perçue par un public jeune et non informé. Pour cela, nous avons utilisé des documents photographiques dont la vaste échelle fait surgir des détails jusqu’alors passés inaperçus : les textes sont brefs. »[32]

Ce témoin qui a été l’un des instigateurs du musée évoquait ainsi le rôle de l’image comme vecteur de la simplification de la narration du passé, mais aussi comme une source possible d’informations inédites. Il parle probablement ici des très belles images du maquis qui sont tirées d’un corpus de photographies que le résistant Raymond Périllat avait réussi à cacher et à récupérer. Elles se retrouvent aussi bien au cœur du musée, au premier étage, que dans les principales publications consacrées à l’histoire des Glières.

Les intitulés des chapitres de l’exposition font alterner d’une part les informations sur la guerre en zone sud ou en France, et d’autre part celles qui concernent le département de Haute-Savoie : « La guerre 39-40 » ; « Les Hauts-Savoyards dans la guerre » ; « Le Général de Gaulle et la France libre » ; « La zone libre » ; « “La relève” des prisonniers » ; « L’occupation italienne » ; « La Résistance de 1940 à 1943 », puis, « La Résistance en Haute-Savoie sous les occupations italiennes et allemandes de novembre 42 à août 44 » ; « La Haute-Savoie en état de siège » ; et enfin « Glières 1944 » avec une forte rupture marquée par la montée de l’escalier.[33]

Ils donnent des indications fortes sur la structure de la narration. Par exemple, les guillemets qui sont associés au terme de « relève » des prisonniers expriment l’effet du chantage et du mensonge par lesquels les forces d’occupation promettaient la libération de prisonniers en échange de départs suffisamment nombreux pour le travail en Allemagne. En outre, le jeu des échelles narratives finit par attirer l’attention des visiteurs sur une histoire de la guerre et de la Résistance dans le département de la Haute-Savoie, la dimension internationale et les relations avec Londres n’étant pas oubliées. Cette dynamique correspond sans doute à un enjeu de reconnaissance. Et pour ce faire, l’exposition présente une alternance de textes, d’images et de documents historiques.

L’objectif assigné à la Wehrmacht, peut-on lire au rez-de-chaussée, n’est pas atteint et le département restera en zone non occupée jusqu’en novembre 1942, donnant à la Haute-Savoie une position privilégiée qui expliquera en partie la force de la Résistance qui s’y développera.

La singularité de la Haute-Savoie est ici double : non seulement par le fait de s’être libérée avant l’arrivée des Alliés, mais aussi par le fait d’un état de siège qui va s’imposer pendant de longs mois en 1944 et susciter toutes sortes d’actes de terreur et de gestes criminels.

Le témoignage récent d’Alphonse Métral déjà mentionné[34] illustre à sa manière la difficulté de lire la narration du Musée de Morette dans la réalité des temporalités successives de ses transformations : « Il y a eu toujours une petite transformation, précise-t-il, c’est allé de transformations en transformations ». Par ailleurs, ses commentaires sur le vif insistent sur des personnalités ou des images fortes comme le rassemblement d’Annecy lors de la visite de Pétain, la capitulation morale et politique des parlementaires français ou la propagande du régime de Vichy. Il insiste tout particulièrement, par exemple, sur l’importance du poème de Martin Niemöller (« Lorsque les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste… », etc.).

Au premier étage, après tout un secteur qui évoque les luttes du maquis et la répression, avec une maquette du Plateau des Glières, le visiteur finit par découvrir les thèmes du grand parachutage et de la Libération, « la Haute-Savoie [étant] le premier département libéré par lui-même ».[35] C’est d’ailleurs une partie de l’exposition qui inspire beaucoup de commentaires à Alphonse Métral, tant il est sensible à la nécessité de marquer le caractère exceptionnel de ce qui s’est passé aux Glières :

« Glières, première bataille de la Résistance », parce que la bataille des Glières se situe pendant l’hiver 1943-1944 donc du 31 janvier au 26 mars. Beaucoup d’autres grands maquis en France se sont constitués aussi, mais après, mais beaucoup après le débarquement de Normandie, mais c’est pour la première fois en France en février-mars 1944, l’armée allemande s’est trouvée opposée à une unité militairement organisée pour lui faire face. C’est la raison pour laquelle on a tenu à bien souligner que l’épopée des Glières était la « première grande bataille de la Résistance ».

Le témoin évoque alors les photographies de Raymond Périllat avec beaucoup d’émotion. Certes, un panneau précise à ce propos, qu’« évidemment, les photos ont été prises surtout par beau temps. Mais, en fait, les beaux jours furent rares ». Mais Alphonse Métral souligne à juste titre que l’œuvre du résistant et photographe du Grand-Bornand rend compte de manière exceptionnelle de l’expérience du maquis. La preuve en est qu’elles lui font revenir bien des souvenirs. Ainsi reconnaît-il ce chauffeur de taxi de Paris arrivé sur le plateau après avoir organisé un détournement de glycérine, des trains destinés aux Allemands étant partis grâce à lui avec leurs citernes remplies d’eau. Tout comme la représentation de l’Hôtel de France d’Entremont, là où Tom Morel a trouvé la mort, lui inspire le récit de cette expédition punitive, après qu’un chef des Groupes mobiles de réserve (GMR) du régime de Vichy n’ait pas tenu parole en faisant arrêter un médecin du maquis.

La visite commentée de l’exposition par le témoin fait également resurgir les éléments-clés de l’épopée narrative. Il mentionne par exemple :

Le fait emblématique de tout ce qui s’est passé dans le département puisque nous avons vu dans la première partie de cette visite qu’il y avait les deux organisations distinctes : FTP et Armée secrète. Or, sur le Plateau des Glières, ces deux organisations se sont rejointes. Les FTP ont rejoint les camarades de l’AS aussi. Voilà, il y a eu une unité qui était importante.

En outre, précise-t-il, « il est évident que la raison d’être de Glières, c’était de réceptionner le parachutage que les Alliés avaient promis à la Résistance du département ». Et non pas d’installer un réduit de Résistance sur le Plateau. Enfin, un autre panneau qu’il qualifie de capital concerne l’ordre de repli de tout le dispositif de décrochage, donné le 26 mars au soir par le capitaine Anjot, dont le manuscrit est reproduit et exposé. On retrouve ainsi quelques points forts de l’épopée narrative des Glières qui rejettent d’emblée les questions critiques qu’elle peut poser : l’unité de ceux qui se trouvaient sur le Plateau, la justification de leur présence ponctuelle par la réception des parachutages alliés et le fait que l’ordre de décrochage ait été décidé dans l’honneur, après avoir tenté de repousser les assaillants, mais sans parler pour autant d’une « bataille » des Glières.

La narration muséale évoque ensuite la traque, la répression et les martyrs des Glières pris par la Milice ou par les Allemands. Elle intègre le rôle de l’aide britannique et se poursuit jusqu’à la libération de la Haute-Savoie. Enfin, des portraits des martyrs sont présentés à la sortie, avec une demande expresse de ne pas les photographier, ce qui donne un caractère sacralisé à cette conclusion de l’exposition.

À propos de ces photographies qui relèvent de la toute première muséographie, Jacques Golliet, un des principaux animateurs de l’Association des Glières dans les années 1990, s’est d’ailleurs demandé ce qu’il fallait en faire :

Il y avait une espèce de colonne sur laquelle les gens ont mis les photos, ont apporté les photos de leurs morts. Donc ces photos maintenant les voilà. Ce sont des photos qui ont été apportées par les familles. Ils ont tenu à ce qu’elles soient affichées, donc il n’est pas question d’y toucher. Cela dit je trouve que c’est très bien que ça existe, mais je ne sais pas où il faut le mettre. Ce n’est pas forcément ici.[36]

Dans un entretien avec Marina Guichard-Crozet, Michel Germain[37], qui dit avoir admiré le livre des témoins publié en 1946, explique pourquoi il ne s’agissait pas encore d’histoire et en quoi cette histoire devait donc être construite, ce à quoi il a voulu contribuer avec ses nombreux ouvrages, mais aussi avec son travail narratif au rez-de-chaussée du musée. Il explicite en même temps le fait d’avoir voulu redonner une histoire à toute la Résistance du département, mais aussi restituer le contexte plus global dans lequel tous ces événements se sont déroulés. Apparemment, c’est bien le cas, mais sans que l’on sache exactement ce qui a été introduit de nouveau par rapport à l’exposition antérieure. Il insiste également sur son refus de toucher quoi que ce soit au premier étage, partie de l’exposition qui émane directement des acteurs et rend compte de leurs expériences. Et l’on ne peut qu’abonder dans son sens. Par ailleurs, il revendique une méthode de travail qui consiste à toujours faire relire au témoin ce que l’on va publier le concernant, et à ne le publier que s’il l’accepte.

La présentation du rez-de-chaussée comprend des documents qui étaient déjà là avant le travail de Michel Germain, des affiches, des fac-similés que les membres de l’Association des rescapés avaient récupérés au fur et à mesure de leur publication. La construction narrative de l’auteur concerne donc surtout l’organisation des thématiques, avec les hésitations déjà mentionnées, la rédaction de quelques panneaux et la mise en forme générale.

Michel Germain confie aussi qu’il n’est pas particulièrement compétent dans le domaine des armes et que la fascination qu’elles exercent souvent sur de jeunes visiteurs ne le met pas à l’aise. À tel point qu’il aurait bien voulu pouvoir mettre au point une sorte d’« iceberg de la Résistance » pour « montrer au fond que les types armés, les maquisards qui portaient les armes, ça représente très peu de chose par rapport à l’ensemble de la Résistance ». Il pose ainsi la question de la figure essentialisée du résistant en armes qui ne rend pas justice à la multiplicité des formes de résistances et de leurs relais. Certes, ces combattants armés ont pris de grands risques et ce sont eux qui sont apparus au grand jour au moment de la Libération. « Mais les combats de la Libération dans ce département comme ailleurs n’auraient pas pu avoir lieu s’il n’y avait pas eu tout ce substrat de la population, et ça, c’est difficile à mettre en musée. »

Autre problème de la construction narrative, bien connu dans le domaine de la didactique de l’histoire, « c’est qu’on est confronté à cette dualité de la thématique et de la chrono ». Ainsi, Michel Germain a voulu insister sur des thématiques et « c’est pour ça qu’on a l’impression qu’on revient par moments en arrière ». Par exemple, le récit revient sur la Résistance en Haute-Savoie dans le cadre des occupations italienne et allemande, alors que la Résistance en France avait déjà été évoquée juste dans la salle précédente. Et il aurait fallu évoquer davantage les premiers camps de réfractaires pour comprendre ce qui pouvait se passer dans les groupes de maquisards.

L’une des manières de parer à cette difficulté de la construction narrative réside dans la présentation de chronologies. Celle du premier étage, qui porte spécifiquement sur les Glières, est d’autant plus intéressante qu’elle n’évoque que des pertes ennemies et s’arrête à l’ordre de décrochage du 26 mars pour ne plus évoquer ensuite que le regroupement de forces de l’Armée secrète le 8 avril suivant. Précisons toutefois que le travail de Michel Germain, d’une manière générale, reste attaché à la prévalence d’un déroulement chronologique.

Par ailleurs, il est bien conscient que la construction muséale de Morette reste trop figée, n’intègre pas assez de mouvements. Elle est pourtant nécessaire dans la perspective de la disparition des derniers témoins. En effet :

Moi, je dis toujours, c’est un mur, on monte des murs contre l’indifférence, l’oubli et le révisionnisme qui sont les trois dangers qui menacent notre mémoire collective au fond.

Côtoiement et réception

Nous n’analyserons pas en détail ici le Mémorial départemental de la Déportation qui se trouve également sur le site de Morette, à côté du Musée de la Résistance, mais d’une manière séparée. Il propose une histoire générale de la déportation, présente des images assez crues et s’inscrit clairement dans une perspective mémorielle. Une citation d’Albert Camus, « Qui répondrait en ce monde à la terrible obstination du crime, si ce n’est l’obstination du témoignage » se donne à voir en entrant dans l’exposition. Et à la sortie, une série de croix désignent les différents camps nazis alors que sont inscrits les noms de celles et ceux qui, pris dans le département, ne sont pas revenus de la déportation. La croix désignant le camp d’Auschwitz est ornée d’une étoile. Mais la référence aux victimes juives reste allusive dans ce lieu qui différencie peu les processus de concentration et d’extermination. Un entretien avec deux anciens concepteurs de cette exposition, qui ne sont pas les mêmes que pour le Musée voisin, est également archivé au service Mémoire et Citoyenneté du conseil général. Il s’agit d’Henri Bouvier et de Jean Ouvrard[38]. Henri Bouvier y précise que « notre idée à nous, c’était de rappeler le souvenir des copains. C’était axé… ce n’était pas un devoir de mémoire, si vous voulez, dans le sens de la mémoire actuelle. Non, c’était un hommage aux copains, c’était un geste de fraternité si vous voulez. » C’était une manière de faire en sorte qu’ils aient eux aussi une tombe. Mais par la suite, « les gens manifestaient un tel intérêt que ça nous a amenés à réfléchir sur la nécessité d’être quand même plus explicites dans notre affaire ». Il a donc fallu évoluer vers un musée, mais un musée qui n’en restait pas moins un mémorial et qui avait notamment pour fonction de bien faire distinguer les Allemands et les nazis en ne prolongeant pas les haines.

La question de la réception du Musée et de ses contenus est par ailleurs importante. Or, il apparaît que le Musée de Morette a connu d’emblée un certain succès. Par exemple, un rapport de gestion de 1966, pour une époque située bien avant celle qui a vu s’intensifier le succès du tourisme mémoriel, évoque déjà 30000 visiteurs, soit 200 par jour pour quelque 150 jours d’ouverture estivale, auxquels il faut encore ajouter 2 à 3000 enfants ou jeunes gens venus en groupes. « Il est donc certain que le Musée est un lieu très visité et qu’il a un rôle éducatif et de propagande incontestable à jouer. » Ce même document nous apprend aussi que le gardiennage des lieux nécessite des moyens dont la structure ne dispose pas encore et que les deux lieux, musée et mémorial, se côtoient ainsi sans être pour autant coordonnés.

Les archives du conseil général détiennent par ailleurs deux livres d’or très intéressants, remontant respectivement à 1978 et à 1998-2000. Les propos qu’on y lit s’en tiennent en général aux objectifs d’hommages et de perpétuation de la mémoire que les concepteurs ont eux-mêmes mis en avant. Ils expriment aussi, pour beaucoup d’entre eux, une forte émotion. Leur lecture implique de se demander qui peut en être l’auteur, personnalité politique ou simple visiteur, témoin de cette époque sombre ou jeune visiteur, public local ou touriste étranger, etc. Elle ne permet pas toujours de savoir dans quelle mesure l’écriture de ces propos découle d’un formatage constitué à l’avance par un sens commun relatif au « devoir de mémoire »[39] (« Ce musée nous permet de garder tout ce qui s’est passé en mémoire. Il faut se souvenir et ne pas oublier le passé pour informer les générations suivantes. N’OUBLIONS JAMAIS », 7 mai 2000) ou s’il est le résultat direct de ce que chaque auteur a ressenti au cours de la visite (« C’est très émouvant », 24 juin 2000). Mais il apparaît quand même que le registre émotionnel qui est adopté par de nombreux commentaires rend compte de l’effet suscité par la découverte des lieux et de leurs contenus. Par ailleurs, une étude plus approfondie et systématique permettrait peut-être de mettre en évidence ce qui distingue ces propos à vingt années de distance, dans un rapport temporel avec l’époque des faits différent d’un cas à l’autre. Par exemple, quand une visiteuse écrit que « c’est avec émotion que je me suis recueillie me ramenant trente années en arrière » (21 juillet 1978), qu’en aurait-il été il y a quinze ans, et qu’en serait-il aujourd’hui ?

Que faire d’un musée-témoin ?

Le Musée départemental de la Résistance haut-savoyarde du site de Morette se présente donc comme un musée de la première génération, avec une superposition de temporalités narratives, et comme un vecteur de la mémoire collective d’aujourd’hui et de demain. C’est un musée-témoin qui laisse peu d’espace à l’initiative des visiteurs, quelles que soient les tentatives de ses animateurs pour le rendre attractif par des visites-découverte au cours desquelles, par exemple, il faut chercher « un message codé grâce à des indices et des énigmes disséminés dans le musée » ou des objets « à l’aide de photos indices »[40]. C’est aussi un musée qui n’explicite pas les liens avec le présent, laissant les visiteurs les établir eux-mêmes à travers l’hommage rendu à la Résistance haut-savoyarde, dans une version d’abord militaire. Mais c’est un lieu qui mérite d’être préservé pour la richesse et l’authenticité des informations auxquelles ses contenus nous donnent accès. C’est un lieu où la dimension de témoignage l’emporte assez largement sur la relative vétusté de l’organisation muséale.

Il est toutefois dommage que les visiteurs n’aient pas accès à certaines informations non seulement sur l’histoire du musée, de sa création et de ses restructurations, mais surtout à propos d’une série de questions historiographiques que pose l’histoire des Glières, même dans sa version d’épopée narrative.

Pour reprendre les deux aspects qui nous paraissent prioritaires dans le cadre d’une analyse muséohistorique, les temporalités et la comparaison, il apparaît en effet que le Musée de Morette ne laisse rien voir ou presque de sa propre histoire. Certes, il paraît difficile de reconstituer avec minutie l’histoire des transformations successives de son exposition. Cependant, une explicitation minimale organisée en distinguant les trois étages et leurs traits particuliers, en incluant des éléments de chronologie, permettrait de clarifier les contenus proposés et d’enrichir leur compréhension. Quant à la comparaison, elle concerne par exemple la notion d’engagement. Elle mène, autant que faire se peut, à tenter aujourd’hui de reconstruire les présents du passé, c’est-à-dire l’univers mental et la situation exceptionnelle, avec ses incertitudes et ses risques, dans lesquels les combattants des Glières ont accompli ce qu’ils ont accompli. Cette question cruciale reste en effet relativement absente.

L’image du mur contre l’indifférence, l’oubli et le révisionnisme qu’utilise Michel Germain est sans doute pertinente. Elle mériterait d’ailleurs d’être présentée aux visiteurs et discutée avec eux comme telle. Mais elle n’est pas incompatible pour autant avec le fait de leur rendre accessibles diverses questions de fond qui méritent une réflexion collective non seulement parmi les historiens, mais aussi dans l’espace public. Ces questions concernent notamment le fait de savoir ce à quoi l’épopée narrative du Plateau des Glières rend justice ; le rôle des populations civiles et leurs relations avec les maquis ; une analyse critique des stratégies militaires relatives à toute l’histoire des Glières, entre réduit et guérilla, en fonction aussi des parachutages et de ce que les acteurs pouvaient en attendre ; la connaissance de la complexité des structures de la Résistance et de leur unification au-delà d’une unité rétrospectivement affirmée pour le cas des Glières qui n’a plus ni la même nécessité, ni le même sens aujourd’hui ; l’histoire de la construction de la mémoire des Glières et les différentes strates temporelles observables au fil de l’exposition ; le sens du combat des maquisards tel qu’il se comprend aujourd’hui, non seulement en termes de liberté, mais aussi en termes d’égalité (de droits sociaux) et de fraternité.

Le Musée de Morette touche forcément ses visiteurs par l’authenticité de sa présentation, de ses contenus et des acteurs qu’il incarne. Tout cela mérite vraiment d’être préservé. Mais il deviendrait plus intéressant encore en étant mis en lien avec ces éléments de complexité et de controverses historiographiques dont la prise en considération ne peut que rendre le passé plus intelligible.

 


[1] Nous en avons esquissé les grands traits dans « Visiter Clio : pour une analyse didactique de récits muséaux d’histoire », in Frédéric Rousseau (dir.), Les présents des passée douloureux. Musées d’histoire et configurations mémorielles. Essais de muséohistoire, Paris, Michel Houdiard Éditeur, 2012, pp. 17-51.

[2] Charles Heimberg et Valérie Opériol, « La didactique de l’histoire. Actions scolaires et apprentissages entre l’intelligibilité du passé et la problématicité du monde et de son devenir », in Marie-Laure Elalouf & al. (dir.), Les didactiques en questions. État des lieux et perspectives pour la recherche et la formation, Bruxelles, De Boeck, 2012, pp. 78-88. Résumé disponible sur http://www.unige.ch/fapse/edhice/docref.html (consulté le 3 juin 2013).

[3] Antoine Prost, « Les grèves de mai-juin 1936 revisitées », Le mouvement social, 3/2002, (no 200), pp. 33-54, disponible sur : www.cairn.info/revue-le-mouvement-social-2002-3-page-33.htm (consulté le 2 juin 2013).

[4] Nous reprenons ici des éléments de Charles Heimberg, « L’usage du pathos et les “leçons du passé” dans quelques musées de la Résistance et de la Déportation », in Julien Mary, Frédéric Rousseau (dir.), Entre Histoires et Mémoires : la guerre au musée, les musées de guerre. Essais de muséohistoire 2, Paris, Michel Houdiard éditeur, 2013 (sous presse).

[5] Voir http://www.culture74.fr/patrimoine-bati/proprietes-departementales/204-le-site-de-morette ; http://www.123savoie.com/article-70590-1-cimetiere-de-morette.html, consultés le 4 juin 2013 ; et Jean-Bernard Challamel & Jean-Pierre Ginestet, Morette, site de nature et lieu d’histoire, Les Cahiers du Musée du Pays de Thônes, n° 4, 2007. Pour les ouvrages qui ont marqué la construction mémorielle du lieu, voir surtout Louis Jourdan-Joubert, Julien Helfgott & Pierre Golliet, Glières. Première bataille de la Résistance. Haute-Savoie, 31 janvier-26 mars 1944, réédition de l’ouvrage publié en 1946 par l’Association des Rescapés de Glières, Annecy, Association des Glières / Pour la mémoire de la Résistance, 1993 ; et Michel Germain, Glières. Mars 1944. « Une grande et simple histoire », Montmélian, Éditions La Fontaine de Siloé, 1994.

[6] Déclaration dans le cadre de la journée d’études du réseau Memorha du 24 octobre 2012 à Annecy sur La Seconde Guerre mondiale : regards croisés sur les mises en récit. Michel Germain a publié de nombreux ouvrages aux Éditions La Fontaine de Siloé, dont Histoire de la Milice (1997), Mémorial de la Déportation (1999), La Libération d’Annecy. Soixantième anniversaire de la Libération d’Annecy (2004), Mémorial de la Seconde Guerre mondiale (2009). Il a aussi dirigé le CD-Rom Résistance en Haute-Savoie que le conseil général du département a publié en 2006.

[7] D’après l’heureuse expression d’Anne Sgard. Voir son texte « Mémoires, lieux et territoires », In Rodolphe Dodier & al. (dir.), Territoires en action et dans l’action, Rennes, PUR, 2007 (une version de cette communication est disponible sur halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/32/51/30/PDF/Memoires_et_territoires_version_def.pdf, consulté le 7 juin 2013).

[8] Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1984-1992 (1997 en trois volumes en édition Quarto).

[9] Voir Pierre Golliet, « Monument aux Glières, La Haute-Savoie du pétainisme à la Résistance », Cahiers des amis du Val de Thônes, n° 1, Thônes, 1994.

[10] Voir le collectif Citoyens et Résistants d’hier et d’aujourd’hui et son site http://www.citoyens-resistants.fr/. Voir aussi l’ouvrage publié en 2010 aux Éditions de la Découverte par ce Collectif : Les jours heureux. Le programme du Conseil national de la Résistance de mars 1944. Comment il a été écrit et mis en œuvre, et comment Sarkozy accélère sa démolition.

[11] Voir http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-media4ewepart/article/140511/creer-cest-resister-resister-cest-creer-lappel-, consulté le 11 juin 2013.

[12] La tribune républicaine, 20 mai 2013, disponible sur http://www.latribunerepublicaine.fr/Actualite/Fil_Infos_regionales/article_1738441.shtml, consulté le 10 juin 2013.

[13] François Hartog, Régimes d’historicité, Présentisme et expériences du temps, Paris, Le Seuil, 2003. Le présentisme concerne une société où le présent prend toute la place au détriment du passé et de l’avenir.

[14] Yannis Thanassekos, « Pluralité de mémoires, pluralité de musées », Le cartable de Clio, Lausanne, Antipodes, n° 11, 2011, pp. 24-32.

[15] Claude Barbier a soutenu en novembre 2011 à la Sorbonne une thèse de doctorat intitulée Des événements de Haute-Savoie à Glières, mars 43-mai 44, action et répression du maquis savoyard. Mais une simple recherche sur internet montre l’écho de plusieurs conférences et de leurs effets d’annonces dans la région sans véritables développements scientifiques.

[16] Louis Jourdan-Joubert & al., Glières…, op. cit., pp. 16-17. Extrait d’un texte d’introduction de Pierre Golliet intitulé « Le sens de Glières ».

[17] On en retrouve encore tout l’esprit dans le film de Denis Chégary, Vivre libre ou mourir, Annecy, Élan production, 2004, qui est diffusé dans les espaces mémoriaux des Glières.

[18] Voir Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La Bataille des Glières et la guerre psychologique, réédition d’un article de 1975 dans la Revue d’histoire de la Seconde Guerre mondiale, publié en 2004 par l’Association des Glières pour la mémoire de la Résistance, avec une postface de Jacques Golliet, Montmélian, Éditions La Fontaine de Siloé, 1994. Voir aussi, du même auteur, « Glières », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 45, 1995, pp. 54-66, disponible sur : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1995_num_45_1_3382, consulté le 10 juin 2013.

[19] Voir surtout les travaux de Pierre Laborie (Le chagrin et le venin. La France sous l’Occupation, mémoires et idées reçues, Montrouge, Bayard Éditions, 2011) et de François Marcot (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2006.

[20] Louis Jourdan-Joubert & al., Glières…, op. cit., p. 129.

[21] Messages de l’Association des rescapés du Plateau des Glières, n° 1, juillet 1945, disponible sur http://www.glieres-resistance.org/Message-la-revue-de-l-association , consulté le 12 juin 2013.

[22] Dénommé aussi Montiévret suivant les sources.

[23] Voir Robert Amoudruz & Jean-Claude Carrier, Dimanche fatal aux Glières, 26 mars 1944, Bière & Divonne-les-Bains, Cabédita, 2011.

[24] Ce qui n’est d’ailleurs pas contredit aujourd’hui par le site de l’Association des Glières qui évoque les victimes de ce dimanche : « 26 mars, à Montiévret (section Saint-Hubert), 3 morts : André Guy (« Chocolat »), Jaccard (« Bifin ») tués à leurs postes de combats et Paul Lespine grièvement blessé par les Allemands (fait prisonnier, il sera exécuté quatre jours plus tard) », voir http://www.glieres-resistance.org/Nombre-des-victimes, consulté le 14 juin 2013.

 

[25] Cet aspect a été finement analysé par Jean-Louis Crémieux-Brilhac. « L’épisode est limité, mais symbolique », souligne ainsi l’auteur dans la conclusion de son article de 1995 dans Vingtième Siècle, art.cit.

[26] La Résistance en Haute-Savoie et la Cour martiale du Grand-Bornand (23-24 août 1944), sans lieu ni date, « signé par l’ensemble des Associations de Mémoire de la Résistance et de la Déportation en Haute-Savoie, réunies en comité » ; et Michel Germain, La vérité vraie sur le procès de la Milice et des miliciens au Grand-Bornand du 19 au 24 août 1944, Montmélian, Éditions La Fontaine de Siloé, 2012.

[27] L’Association des Rescapés des Glières a été fondée en 1944. Dès 1988, l’Association du Plateau des Glières la complète, qui ne comprend plus seulement des rescapés. Enfin, l’Association des Glières pour la mémoire de la Résistance, est fondée en 1998. Voir http://www.glieres-resistance.org/Histoire-de-l-Association, consulté le 14 juin 2013.

[28] D’après la page d’accueil du site de l’Association des Glières pour la mémoire de la Résistance. Voir : http://www.glieres-resistance.org/Glieres, consulté le 12 juin 2012.

[29] Voir notamment son article sur « Les trois temps de la construction de la mémoire des Glières. Les associations d’anciens résistants et la fabrique de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale », Cahiers du Centre d’études d’histoire de la défense, Paris, Ministère de la Défense, n° 28, 2006, disponible sur : www.fondationresistance.org/documents/dossier_them/Doc00031.pdf, consulté le 12 juin 2013.

[30] Document du conseil général de Haute-Savoie, sans date, reçu au Plateau des Glières en 2012.

[31] D’après un entretien avec Alphonse Métral, l’un des principaux rescapés des Glières, décédé en 2009, réalisé quelques années auparavant par Marina Guichard-Crozet en parcourant avec lui l’exposition de Morette. Archives du service Mémoire et Citoyenneté du conseil général de Haute-Savoie.

[32] Fonds Helfgott, Ibid.

[33] Ces intitulés se distinguent très légèrement d’une version retrouvée aux Archives du service Mémoire et Citoyenneté et diffusée comme document d’accompagnement en 2011.

[34] Alphonse Métral, Entretien…, op.cit. La forme orale a été conservée dans cette transcription d’entretien.

[35] En Corse, la Libération a pourtant eu lieu en automne 1943, même si des troupes italiennes y ont aussi participé.

[36] Entretien avec Jacques Golliet réalisé par Marina Guichard-Crozet, Archives du service Mémoire et Citoyenneté du conseil général de Haute-Savoie, sans date.

[37] Entretien avec Michel Germain réalisé par Marina Guichard-Crozet, sans date, ibid.

[38] Réalisé le 10 octobre 2008 par Anouck Richard, ibid.

[39] Voir Sébastien Ledoux, Le « devoir de mémoire » à l’école. Essai d’écriture d’un nouveau roman national, Saarbrücken, Éditions universitaires européennes, 2011.

[40] Programme des Journées du Patrimoine de Pays et des Moulins, Morette, Culture74.fr, 15-16 juin 2013

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Une mémoire écrasée par l’évènement du 6 juin 1944

Brice Pascal

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