N°3 / XXe siècle : D’une guerre à l’autre ?

Une histoire de la Résistance en minuscule

Olivier Wieviorka, Histoire de la résistance. 1940-1945, Paris, Perrin, 2013, 574 p.

Frédéric Rousseau

Résumé

Olivier Wieviorka, Histoire de la résistance. 1940-1945, Paris, Perrin, 2013, 574 p.

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Tout historien s’intéressant aux sociétés en guerre à l’époque contemporaine ne peut que se sentir interpellé par le livre qu’Olivier Wieviorka a consacré à la Résistance. Des questions complexes et profondes y sont en effet abordées : pourquoi, dans une situation donnée, des hommes et des femmes se mobilisent-ils et passent-ils à l’action, pourquoi d’autres, au contraire, ne franchissent-ils pas ce seuil de l’engagement, ou pourquoi le font-ils à des degrés fort divers ? Quels sont les ressorts de l’obéissance et/ou de la soumission, ceux de la désobéissance et de la rébellion ? Avant d’y venir au travers de la lecture de l’Histoire de la résistance. 1940-1945 d’O. Wieviorka (OW), je commencerai par saluer une performance.

 

« Sans que la plume ne tremble »…

À coup sûr, l’écriture d’une synthèse sur un sujet aussi travaillé que l’est depuis soixante-dix ans la résistance au nazisme et au pétainisme constitue un redoutable défi pour tout historien. De ce strict point de vue, ce livre relève donc assurément de la performance. Son artisan a embrassé, en solitaire, une masse considérable de travaux scientifiques de toute nature pour livrer au grand public son Histoire de la résistance en près de six cents pages. D’ailleurs, les grands médias ne s’y sont pas trompés et quasi unanimement, ont salué cette « magistrale synthèse » ; l’ouvrage serait même appelé à devenir un « classique »[1]. C’est donc tout à fait sérieusement que cette recension aborde et discute cette « nouvelle » histoire de la Résistance, en minuscule[2] ; et pour paraphraser l’auteur, sans que la plume ne tremble[3] !

 

Procédé rhétorique, posture et rupture

Le fond est souvent inséparable de la forme, la composition de ce livre en apporte une éclatante démonstration. La thèse est construite autour d’un artifice rhétorique consistant à faire mine de devoir rectifier des affirmations qu’aucun historien sérieux ne formule ; cela peut expliquer le recours fréquent au pronom personnel indéfini permettant de désigner, pêle-mêle, tout le monde et personne : ainsi, peut-on lire des formules du type : « on prétend… », « on croit communément… »[4], etc. Qui est ce fameux « On » ? Mystère ! Depuis un tel surplomb embrumé, il est effectivement aisé de prétendre que tous ses prédécesseurs et collègues ont jusqu’ici failli à leur tâche d’ « historicisation ». Banal. Le procédé d’exposition de la thèse s’accompagne ensuite d’une mise en scène de l’auteur, par lui-même, en tant que redresseur de vérités, « d’écorneur de légendes », démolisseur de « mythes » et de tabous, briseur « d’images convenues » et « d’allégorie »[5], bref, en tant que vrai et premier professionnel ayant enfin osé défier une prétendue vulgate qui est, dans une très large mesure, redisons-le, une invention de l’auteur lui-même et de quelques autres[6]. Avec une touchante modestie, l’auteur enfile d’ailleurs la panoplie du glorieux révolutionnaire de juillet 1789 :

« Ces Bastilles mémorielles, écrit-il, furent d’autant plus difficiles à prendre que l’histoire de la résistance fut, de longues décennies durant, écrite par des hommes qui en avaient été, de près ou de loin, des acteurs. Ils se flattaient d’ailleurs de respecter la parole des témoins sans en contester les dires »[7].

La Bastille ! À ce jeu rhétorique, l’acteur auto-mis en scène est toujours gagnant : d’un côté, il est assuré d’être congratulé par tous ceux qui, à l’instar des principaux médias avides de nouveautés et de sensationnel, ont de plus ou moins bonnes raisons de saluer la (fausse) « révélation » sans prendre le temps d’en évaluer le bien-fondé ; de l’autre, s’il advient qu’il soit quelque peu discuté, voire objecté, alors il se drape dans sa dignité outragée et prend la posture du chercheur d’avant-garde victime d’historiens forcément aigris et dépassés. Bien sûr, les rares propositions de débat avec des pairs potentiellement objecteurs sont aussi consciencieusement esquivées ou écartées sur le registre du « je ne m’abaisse pas à débattre avec des historiens qui ne comprennent rien, etc. »[8] Le procédé est aujourd’hui bien rodé ; il est efficace ; il évite aux historiens preneurs de Bastilles imaginaires d’avoir à répondre sur le fond[9]. Je vais donc y venir en abordant pour commencer le problème soulevé par la définition de la Résistance retenue par OW.

 

Question de définition. Un besoin d’« estrangement » non satisfait

« L’estrangement me semble susceptible de constituer un antidote efficace à un risque qui nous guette tous : celui de tenir la réalité (nous compris) pour sûre »[10], Carlo Ginzburg.

Afin de bien situer les termes de la discussion, rappelons qu’il y a quelques années l’historien François Marcot[11], entre autres[12], avait proposé de distinguer une « Résistance-organisation » qui, précisait-il, « ne comprend de toute évidence qu’une toute petite minorité, et une Résistance-mouvement »[13], phénomène social beaucoup plus vaste…  ; on notera que cette citation colle bien mal avec l’histoire prétendument « mythifiée » qu’il s’agirait de redresser. Mais passons. Ceci posé, Marcot suggérait également, pour une bonne appréhension des différentes dimensions du phénomène (temporelles, spatiales, sociales et culturelles), de ne pas dénouer les deux résistances : « la Résistance-mouvement n’est nullement en marge de la Résistance-organisation : elle conditionne son existence », soulignait-il encore[14].

Avant d’aller plus avant, il est également nécessaire de bien s’entendre sur les termes utilisés par les uns et par les autres : la « Résistance-organisation » désigne les réseaux, les mouvements, les maquis, c’est-à-dire les groupes plus ou moins structurés, organisés et constitués pour agir en tant que tels contre l’occupant et Vichy. La « Résistance-mouvement » désigne quant à elle un mouvement social beaucoup plus large constitué de tous ceux, anonymes pour la plupart, qui par des actes individuels – souvent mais pas seulement –, ponctuels – fréquemment mais pas toujours –, ont tissé en dépit de tous les risques encourus un environnement de solidarité et d’entraide, de protection et de sauvetage sans lequel non seulement la Résistance-organisation elle-même mais des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants traqués n’auraient pu survivre.

D’entrée de jeu, à cette définition gigogne, finement ciselée par des années de recherches et de réflexions, et aujourd’hui assez communément admise par tous les historiens soucieux de restituer la complexité et l’étrangeté (selon « l’estrangement » de Carlo Ginzburg cité ci-dessus) d’un tel phénomène – pour nous aujourd’hui, certes, mais aussi pour la société de l’époque considérée –, est opposée cette virile sentence :

« Distinguer ne signifie pas pour autant confondre. C’est bien de la résistance-organisation que traite cet ouvrage, non de la résistance-mouvement. »[15]

Bien sûr… mais, à ceci près que la « confusion » dénoncée est pure invention, cas typique parmi d’autres, où la posture historienne peut déraper en imposture historiographique. Dès lors, ainsi arrimée à cette fausse affirmation, la justification du choix de ne traiter que de la Résistance-organisation s’en trouve considérablement affaiblie et peine à convaincre. D’autant que l’histoire proposée est à la fois suspicieuse et culpabilisatrice.

 

Questions et problèmes

1. Une histoire du soupçon et de la culpabilité

Cela fait déjà un petit moment que les socio-historiens ont admis que d’un milieu social à l’autre, d’un groupe à l’autre, d’un individu à l’autre, la palette des choix (ce qu’ils appellent dans leur jargon le champ ou l’horizon des possibles) offerts aux acteurs varie énormément. OW le sait. Il cite même Charles Tilly[16] dont il semble vouloir retenir le concept, utile en effet, de répertoire d’action, ce dernier exprimant l’idée selon laquelle, confrontée à une situation – ordinaire ou non – toute personne dispose de savoirs, de capacités, et donc de modes d’action et de réaction qui lui sont propres ; formulé plus simplement, cela signifie qu’un chef d’entreprise, un diplomate, un officier, un fonctionnaire, une femme célibataire, n’ont pas exactement les mêmes cartes en main pour affronter cette période qu’un ouvrier, un soldat du rang, un paysan, une femme chargée d’enfants ayant en outre son mari prisonnier. Dans le cadre de l’Occupation, et si l’on suit toujours OW, chaque individu disposerait ainsi « d’un répertoire de contestation » qui définirait « l’ensemble des moyens de revendication dont il dispose » et « l’entrée en résistance plaçait donc les individus dans une situation d’inégalité »[17]. Ce point de vue est largement partagé. Hélas, cette citation n’est qu’un leurre, car chapitre après chapitre, le propos structurant l’ouvrage s’en écarte inéluctablement. En somme, pendant la Seconde Guerre mondiale, le choix posé à tout un chacun entre mai-juin 1940 et le 8 mai 1945 se serait réduit à un choix on ne peut plus simple : « entrer en résistance » ou… pas ; tout individu aurait été libre d’accepter ou de refuser de participer à la lutte[18]. Énième avatar de la thèse culturaliste et controversée du « consentement », cette affirmation très discutable repose à la fois la question de l’autonomie de l’individu et celle de l’engagement, deux beaux objets pour les sciences sociales[19].

Contrairement à ce qui est encore avancé, personne aujourd’hui ne conteste le fait que de nombreux Français aient fait preuve « d’attentisme ». Comprendre et dire ce que put recouvrir cet « attentisme » est assurément compliqué. Autant que faire se peut, cela nécessite de pouvoir se représenter ce que furent pour des millions d’hommes et de femmes, et d’enfants (voir l’extrait du témoignage reproduit ci-dessous), le choc tellurique provoqué par la défaite militaire et l’effondrement de l’État en quelques semaines seulement, la débandade et la faillite d’une grande partie des élites[20], sans compter la trahison d’une partie des cadres du pays ; de prendre en compte l’ampleur des bouleversements existentiels générés par la perte durable de repères institutionnels, l’absence de près de deux millions d’hommes retenus prisonniers par l’ennemi, la division du pays, la présence de plus en plus pesante sinon menaçante de l’occupant et d’un régime aux abois ; d’entendre, enfin, les détresses occasionnées par les difficultés croissantes de la vie quotidienne, l’angoisse d’un lendemain durablement indéchiffrable…

 

Témoignage d’un enfant de l’exode

 

« Il fallut passer la nuit aux Andelys, les hôtels étaient pris d’assaut. […] Il n’y avait même pas de place pour mon frère et moi. Nous dormîmes dans la voiture, ce qui n’était pas plus mal.

Fatigué, énervé, quand nous pûmes manger quelque chose, je me mis à fondre en larmes. À mes parents surpris, je ne pus que dire que je pleurais sur la France, sur les malheurs de la France… ou quelque chose comme cela. Il faut dire que, même pour les enfants, c’était un choc incroyable de voir leur pays dans cette situation inimaginable… »[21]

 

 

Qui en effet pouvait prévoir ce qui est arrivé en 1940 ? Qui aurait pu prévoir qu’Hitler se retournerait quelques mois plus tard contre l’URSS, qu’il faudrait attendre décembre 1941 pour que le Japon projette les États-Unis (attentistes ?) dans la guerre, que les forces antinazies scelleraient enfin avec Staline l’alliance qu’ils lui marchandèrent si âprement en août 1939 ? Qui, franchement, avait été préparé à faire face à une telle situation absolument inédite dans sa soudaineté, son ampleur, sa durée, ses retournements ? Tant pour le chercheur que pour l’enseignant, la difficulté réside précisément dans l’appréhension différentielle des horizons d’attente (les capacités de se projeter vers le futur), des champs d’expérience (par exemple, s’agissant de la guerre, le champ d’expérience diffère très sensiblement entre le front et l’arrière) et des champs des possibles offerts aux contemporains. Toutefois, pour OW, les choses sont assez simples :

« La débâcle et ses principales conséquences – l’occupation de la zone nord et la naissance de l’État français – appelaient de toute évidence une réponse militaire que les pionniers n’imaginaient cependant pas formuler »[22].

On peine à discerner cette « évidence ». Cette pratique consistant pour l’historien à chausser les lunettes de 2013 pour apprécier les comportements de 1940-1945 porte un nom : l’histoire téléologique. Elle écrit faux avec du vrai.

En l’occurrence, tenter d’approcher au plus près la réalité de l’expérience des hommes et des femmes de cette période non-ordinaire, cela nécessite en premier lieu de considérer les engagements appelés « entrées en résistance » dans ce qu’ils ont d’absolument spécifique : dans la guerre de partisans, en effet, il n’y a pas de front et souvent pas d’échappatoire : c’est la victoire, ou la mort, ou la déportation et la mort lente… C’est donc tout d’abord à cette aune que ce type d’engagement doit être apprécié. Autant dire que, du point de vue des risques encourus, l’assimilation qui est parfois faite entre résistants de l’intérieur et soldats de la France libre est assez spécieuse[23], même s’il est vrai que de nombreux jeunes souhaitant rejoindre les FFL sont tombés dans les mailles de la Gestapo en voulant passer la frontière espagnole dans les Pyrénées et ont été déportés. Ensuite, cela nécessite encore d’essayer de restituer aussi finement que possible l’extrême variété des situations individuelles et collectives, familiales et professionnelles, matérielles et sociales. Enfin, de tenter de restituer ces engagements comme des processus inscrits dans des temporalités variables et qui, d’ailleurs, ne sont pas toujours linéaires, ni même toujours définitifs. À cet égard, mobiliser le concept du penser double si finement analysé par Pierre Laborie[24] et auquel il faudrait sans doute, dans certains cas, adjoindre un agir double, n’est pas inutile. Germaine Tillion, ethnologue, résistante, rescapée de Ravensbrück et inlassable chercheuse, ne disait d’ailleurs pas autre chose quand elle invitait les historiens à considérer, aussi, ceux qui ne disent mot mais n’en pensent pas moins[25]. Pour ne citer qu’un exemple, une telle attention aurait épargné à OW de s’étonner du fait que les premières réquisitions de travailleurs forcés « ne provoqu[èrent] pas instantanément de révolte »[26]

Hélas, au lieu de s’astreindre à une opération aussi délicate et, sans doute aussi, beaucoup plus incertaine en termes de dividendes médiatiques, OW a préféré emprunter au registre moral – et non éthique – pour mieux dénoncer du haut de sa chaire le « péché d’attentisme »[27] dont se serait montré coupable, selon lui, l’écrasante majorité des Français. Coupables qui s’ignoraient, les Français auraient aussi eu besoin « d’un commode alibi »[28]… Pourtant, aucune classe, aucun groupe, aucune communauté, y compris la plus menacée d’entre elles par les nazis et leurs zélés serviteurs, n’a totalement échappé à cette disposition d’esprit ici dénoncée comme un « péché d’attentisme »[29] ? Or, OW lui-même rappelle ailleurs que :

« loin de constater que l’État français menait une politique antisémite autonome, beaucoup de juifs crurent au départ qu’ils subissaient la pression de l’occupant »[30].

Ce n’est pas faux. Mais alors, si les juifs eux-mêmes crurent cela, comment les autres catégories de la population ne l’auraient-elles pas cru ? Une nouvelle fois l’historien prête un peu hâtivement aux hommes et aux femmes de l’Occupation son propre savoir sur Vichy, sur l’antisémitisme de l’État français et sur l’ampleur des crimes nazis. Pense-t-il sérieusement que les Français des « années sombres », une expression dont il raffole[31], avaient lu Raul Hilberg[32] ? Carlo Ginzburg, nous l’avons déjà souligné, appelle à penser « l’estrangement ». Tout cela suppose d’inscrire les prises de décisions des acteurs dans leur contemporanéité, pas dans la nôtre. À cet égard, et parmi de nombreux autres cas, le cheminement tragique d’une famille comme celle d’Hélène Berr est tout à fait symptomatique. Au-delà de l’émotion légitime qu’il suscite chez tout lecteur, le magnifique témoignage de cette jeune femme donne accès à un certain nombre de clés de compréhension des comportements de l’époque qu’OW, tout à son entreprise de dénigrement systématique, se refuse à exploiter[33].

 

Cette culpabilisation rétrospective et globale des Français de l’Occupation n’est certes pas nouvelle et a connu plusieurs formes successives depuis l’expression utilisée par l’historien états-unien Robert Paxton qualifiant au début des années 1970 les Français qui « ne mettent pas en doute la légitimité du régime [de Vichy] et ne font pas d’opposition active » de « collaborateurs fonctionnels »[34], jusqu’à la notion « d’accommodation » proposée par Philippe Burrin quelques vingt années plus tard mais parvenant, au final, à la même conclusion couleur de gris :

« il ne s’agit pas de noyer dans la catégorie générale de l’accommodation la notion de collaboration, qui en fut la manifestation la plus marquée – c’est en quelque sorte l’accommodation élevée en politique –, mais d’embrasser toutes les formes de l’adaptation pour distinguer leur gradation et cerner les spécificités, pour ressaisir la diversité des comportements et la complexité des motifs, pour restituer la vaste zone grise qui est, en fait, la tache de couleur dominante sur le tableau des années noires »[35].

Sans doute, l’analyse de Paxton, comme celle de Burrin plus récente, ont-elles souffert d’avoir été précoces et de n’avoir pu bénéficier de la lecture des nombreux travaux produits ces dernières années et notamment des éclairages des sciences sociales[36]. OW n’a quant à lui pas cette excuse. Comme ses deux prédécesseurs, il homogénéise sensiblement l’ensemble de la société française à partir d’une catégorie générale, celle de « l’attentisme », qui n’exclut en définitive qu’une infime frange de la population, celle des résistants actifs et/ou armés d’un côté, celles des collaborationnistes et des collaborateurs de l’autre. Outrancièrement simplificatrice, cette catégorie n’éclaire pas notre appréhension du monde social en guerre. Revenons à cette remarque de bon sens émise par Pierre Laborie :

« Si tout ce qui n’est pas obéissance et soumission à l’occupant n’est pas résistance, ce qui n’est pas refus exprimé par une action de lutte n’est pas pour autant consentement, compromission ou complicité »[37].

On ne saurait mieux dire. D’ailleurs, et ce n’est pas le moins préoccupant, cette remarque vaut aussi – et ô combien ! – pour l’histoire de la Première Guerre mondiale. En fait, la charge dénonciatrice d’OW s’inscrit dans un mouvement beaucoup plus large et aussi beaucoup plus profond de suspicion récurrente consistant à rejeter sur les citoyens ordinaires la responsabilité collective des horreurs et des crimes du XXe siècle[38] et, pour ce siècle-ci, celle du taux de chômage, de la désaffection à l’égard du projet de construction européenne sans oublier le vote Front national… Mais restons un instant sur la question des catégories mobilisées dans ce livre car le problème est récurrent.

 

2. Des catégories sommaires pour une sociologie timorée

L’un des chapitres du livre est intitulé « Sociologies » ; cela part d’un bon réflexe, car trop d’études historiques se montrent, effectivement, peu soucieuses de situer socialement les acteurs sociaux qu’ils convoquent ; mais, hélas, que valent des catégories aussi englobantes, aussi homogénéisantes, aussi grossières, que : les communistes, les socialistes, les ouvriers, les paysans, les catholiques, les protestants, les juifs, les militaires, les femmes ? Autant de catégories molles et floues… D’ailleurs, dans ce tableau manquent encore les athées, les oisifs, les rêveurs, les rentiers, les homosexuels et sans doute quelques autres que j’oublie. Les indifférents, par exemple…

 

Un anticommunisme daté

S’agissant plus particulièrement des communistes, vingt-cinq ans après la chute du mur de Berlin et l’implosion du système soviétique, il est non moins frappant de voir à quel point ce livre exhale encore un petit fumet de Guerre froide. Sans surprise, on retrouve évidemment la figure désormais imposée de l’énième dénonciation décontextualisée de la signature du pacte germano-soviétique. Pêle-mêle est ensuite reproché aux communistes d’avoir tardé à entrer en résistance et d’avoir dans un premier temps privilégié la lutte syndicale et anti-pétainiste : la grève massive déclenchée par les mineurs du Nord en mai 1941 n’est tout d’abord pas mise au crédit de l’esprit de résistance des militants et militantes communistes – cette concession n’intervient que plus tard dans le livre, p. 103 – ; dans un second temps, leur est aussi reproché (après l’invasion de l’URSS par l’Allemagne) d’avoir mal choisi leurs modes d’action, les attentats individuels étant particulièrement décriés, j’y reviendrai. Les sinuosités, voire les contradictions du propos, donnent tout simplement le tournis : tantôt l’ampleur des arrestations des militants et des cadres est mise en exergue, tantôt l’atonie du Parti suscite l’étonnement réprobateur ; en même temps qu’est soulignée la rigidité des directives du Parti, on apprend qu’une « partie des cadres n’adhère pas à la ligne suivie »[39] ; parmi eux, sont cités Hafez à Nantes, Tillon à Bordeaux ; ces deux communistes lancèrent en effet des appels très précoces à la lutte contre l’occupant (17-18 juin 40, contemporains donc de celui du général de Gaulle) ; mais, toujours selon OW, Tillon ne se serait finalement pas démarqué des directives du Parti… Quel dédale ! On s’y perd. L’auteur précise encore que des milliers de militants quittèrent le Parti et attribue implicitement ces départs à un rejet du pacte germano-soviétique, pure spéculation ; bien d’autres raisons et motivations ont pu entraîner de tels départs, ne serait-ce que la chasse aux communistes déclenchée par Daladier et amplifiée par Pétain ; mais, aussitôt cette précision donnée, elle est aussitôt relativisée par l’insinuation que ces militants en rupture de parti n’auraient, en vérité, pas totalement coupé le « cordon » avec la direction du Parti[40]. Sans apporter encore la moindre preuve, leur loyauté aux mouvements et réseaux rejoints est ainsi mise en doute. Suspicion toujours.

Une nouvelle fois, comme s’il était impossible d’être communiste en dehors du Parti, ou d’être communiste tout en contrevenant aux consignes de sa direction, la catégorie mobilisée homogénéise le groupe décrit et s’avère impuissante à rendre compte de la variété des façons « d’être communiste ». S’il en était besoin, le cas emblématique du libérateur de Limoges, illustre pourtant suffisamment cette réalité : le communiste Georges Guingouin appelle en effet à la lutte dès août 40 et prend le maquis dès avril 41… Mais cela ne suffit pas ; le fait qu’il aurait conservé la confiance de ses supérieurs lui ôterait tout vrai mérite[41]. Le PCF ainsi décrit est un parti parfaitement homogène, monolithique, et les positionnements comme les choix de ses membres sont réduits à ceux de sa direction. Une telle assignation à une ligne de conduite univoque de milliers d’hommes et de femmes communistes ayant eu des trajectoires variées est également problématique. Elle empêche la prise en compte, d’une part, des contraintes spécifiques pesant alors sur les militants et sympathisants pourchassés depuis septembre 1939, et, d’autre part, des contraintes « ordinaires » pesant sur tout un chacun en cette période non ordinaire structurée par la défaite, l’effondrement des institutions républicaines, l’Occupation, les restrictions, sans oublier la peur. Contrairement à ce que croit OW les conflits de loyauté ne se réduisent pas au (faux) débat entre obéissance ou désobéissance aux directives du Parti. Aussi étonnant que cela puisse paraître, les communistes, eux aussi, sont alors des enfants, des parents, des époux, des travailleurs…

Dénigrement encore et toujours :

« Au début de 1941, la presse communiste, jusqu’alors d’une discrétion de violette, assortit ses attaques contre Vichy de piques contre l’Allemagne nazie »[42]

« Discrétion de violette » ! Quelle adorable expression. Mais s’agissant de la presse communiste, on est tenté de la retourner : pourquoi ne pas évoquer, par exemple, la brochure attribuée à Georges Politzer, philosophe, d’origine juive hongroise, proche de la direction du PCF ? Intitulée Révolution et contre-révolution au XXe siècle, il s’agit pourtant d’une verte réponse au discours de Rosenberg prononcé devant l’Assemblée nationale. Rédigée en décembre 1940-janvier 1941, et tout en étant une ode à Staline et à l’URSS, cette critique en règle du nazisme, et particulièrement de son racisme a circulé à partir de mars 1941[43]… C’est vrai que le rappeler obligerait à dénoircir le tableau !

 

Les mots pour dire les attentats individuels (communistes) : un cas de relativisme rampant

Selon OW qui, page après page, ne cesse de stigmatiser l’attentisme des Français et l’entrée tardive des communistes en résistance :

« plusieurs formes d’actions se révélaient problématiques, à commencer par l’exécution de soldats isolés. Préconisée par la mouvance communiste à partir du mois d’août 1941, cette méthode choqua profondément une frange du monde catholique… »[44]

Que la pratique de ces attentats ait été problématique, cela ne fait guère de doute. Mais dans ce cas précis, le choix des mots ne mérite-t-il pas une attention redoublée ? Or, comme le montre la citation ci-dessous, différents termes sont tour à tour utilisés pour (dis)qualifier les attentats :

« le 21 août 1941, un jeune communiste, Pierre Georges (Fabien), assassina ainsi un aspirant de la Kriegsmarine pris au hasard, Alfons Moser, à la station Barbès-Rochechouart. Le 20 octobre suivant, un commando envoyé à Nantes, composé notamment de Gilbert Brustlein et de Spartaco Guisco, exécuta le chef de la Feldkommandantur de Loire-Inférieure, le lieutenant-colonel Karl Hotz. Le lendemain, Pierre Ribières abattit à Bordeaux le conseiller juridique de l’Administration militaire, Hans Gottfried Reimers »[45].

Les mots ont un sens et sont porteurs à la fois d’un contexte et d’un point de vue. Chacun d’entre eux postule un univers[46]. Et sauf à considérer que les mots sont interchangeables, que tout se vaut, « assassiner », « exécuter », « abattre », ce n’est certainement pas la même chose. Alors, pourquoi ce brouillage des images et des sens ? On se souvient que l’occupant et Vichy désignaient systématiquement les patriotes résistants sous le vocable stigmatisant de « terroristes », ou encore que le général SS Stroop ne voyait dans les jeunes insurgés juifs du ghetto de Varsovie que des « bandits » qu’il convenait d’exterminer. Employer le verbe « assassiner » pour qualifier l’acte de Pierre Georges, cela revient à criminaliser cet attentat, à le mettre sur le même plan que les crimes de la Milice, de la Gestapo ou de la SS. Ne pouvant imaginer qu’un historien que l’on a vu si attentif à son vocabulaire ne fasse pas la différence, il faut donc supposer que le choix de ce terme lui paraît pertinent et participe de son entreprise de dénigrement systématique de la Résistance en général, de la Résistance communiste en particulier. Toutefois, et en définitive, le fait que le verbe « assassiner » n’ait pas été conservé pour dis(qualifier) les deux autres cas cités témoigne aussi d’un relativisme rampant mal assumé.

 

3. Le faux atout maître. D’une historiographie à l’autre, les fausses « querelles de chiffres »[47]

Comme d’autres historiens avant lui, OW abaisse au terme de son réquisitoire ce qu’il considère sans doute, et à tort, comme étant l’atout maître censé emporter définitivement l’adhésion. Il croit pouvoir clore le débat en avançant le chiffrage de l’engagement résistant. Il a d’ailleurs raison puisque ce procédé fascine les médias[48]. S’agissant de la Grande Guerre, on se souvient que les taux effectivement très faibles de désertion et d’insoumission sont depuis plus de vingt ans avancés comme autant de preuves définitives du « consentement » des sociétés européennes à la guerre, à sa durée, à ses formes, à sa violence. C’est la thèse défendue par les historiens culturalistes de la Grande Guerre emmenés par Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker[49].

Tout à son entreprise de minimisation, OW estime quant à lui que « l’armée des ombres a au total rassemblé de 300 000 à 500 000 hommes et femmes ». Il semble que les historiens soient à peu près d’accord sur cette estimation chiffrée de la « Résistance-organisation » même si, on l’a vu, François Marcot et d’autres contestent cette approche profondément réductrice. Mais en tout état de cause, de quoi témoigne in fine le chiffre retenu par OW ?

Quantifier l’opposition, la rébellion, la dissidence, la mutinerie, la révolution, est toujours un exercice délicat pour un historien. Il ne s’agit donc pas de critiquer l’imprécision du chiffrage proposé ; en soi, il fournit un ordre de grandeur et c’est déjà beaucoup. Pour autant, même en acceptant de limiter le peuple résistant à 400 000 comme nous y invite OW – ce qui représente un engagement pour cent, un pour quarante si l’on considère la population âgée de 18 à 60 ans, sensiblement plus si l’on soustrait encore les 1,8 million de prisonniers de guerre composés d’hommes en âge et en capacité de se battre –, cette proportion effectivement minoritaire ne doit pas être faussement interprétée. Car la question de savoir s’il s’agit d’un phénomène minoritaire ne se pose même pas. En réalité, ainsi que l’a souligné l’historien André Loez dans ses travaux récents consacrés aux mutins de 1917, toute mobilisation, toujours et partout, relève de l’exception numérique[50]. La Résistance ne pouvait être qu’un phénomène minoritaire. Il n’y a pas lieu de s’en étonner, encore moins de s’en offusquer ou de s’en moquer. Une remarque similaire peut être formulée concernant le réfractariat au STO, une majorité estimée à trois quarts ayant esquivé le départ forcé en Allemagne sans pour autant rejoindre un maquis[51]. Cela fait tout de même un réfractaire-maquisard sur quatre[52]… Précisément, les historiens qui comme Loez sont particulièrement bien au fait des acquis des sciences sociales[53] situent « le niveau ordinaire des mobilisations sociales à l’époque contemporaine, y compris lorsqu’il est moins coûteux de protester et d’agir » entre un pour quinze ou un pour vingt. Dans ces conditions, la lecture qui est faite de ce phénomène minoritaire que fut la Résistance est assez dépassée. Durant l’occupation nazie, la mobilisation des Français, y compris dans le format le plus réducteur retenu par OW, fut en réalité assez similaire à celles observées en France depuis 1789. En revanche, si l’on y ajoute la frange la plus active de la Résistance-mouvement, la Résistance fut effectivement un des plus grands moments de mobilisation sociale et citoyenne qu’ait connu la France contemporaine. Ajoutons encore que le caractère minoritaire de la Résistance n’en fait pas pour autant un phénomène minime. Loin de là. À l’inverse, l’ampleur de cette auto-mobilisation ne signifie pas que la Résistance, seule, aurait été capable d’inverser le cours de la guerre et de libérer la France.

Un mot encore concernant « l’antisémitisme » de la Résistance. S’agissant d’une question aussi sensible, OW rappelle que la Résistance étant l’émanation de la société, elle en partage ses préjugés à l’égard des juifs ; c’est incontestable. Il rappelle ensuite que :

« De nombreux résistants, enfin, ne percevaient ni la singularité ni la gravité de la menace. Fidèles à la conception égalitaire de la République, ils refusaient d’établir une distinction, et a fortiori une hiérarchie entre les victimes, à l’heure où la France entière subissait le joug de l’occupant. »[54]

Nous sommes également d’accord sur ces deux points complémentaires. Cependant, ces considérations ne font pas dévier l’auteur de sa trajectoire de dénigrement. Et c’est arcbouté sur les travaux peu nuancés de l’historienne Renée Poznanski qu’il fustige cette conception républicaine de la société :

« Du coup, en optant pour la prudence, "les mouvements de Résistance renonçaient à exercer un rôle de direction idéologique ou spirituelle sur la question de l’antisémitisme, préférant se plier aux tendances qu’ils soupçonnaient d’être fortement ancrées dans l’opinion". »[55]

Le plus curieux en cette affaire, si l’on peut dire, c’est qu’OW admet un peu plus loin que les juifs ayant rejoint mouvements, réseaux et les formations de la France libre n’auraient pour leur part « jamais tenté d’infléchir la politique de leurs mouvements dans le sens d’une action visant à sauver les juifs »[56].

Cela peut signifier deux choses : tout d’abord, qu’un certain nombre de juifs de cette époque partageaient la conception républicaine et universaliste de la société et que cette conception structurait en grande partie la Résistance ; ensuite, que les juifs ayant rejoint les rangs de la Résistance ne se reconnaissaient aucunement dans l’assignation identitaire strictement communautaire que voudrait leur imposer, à une distance de soixante-dix ans, l’historien de 2013. OW poursuit :

« Le gros de la communauté juive, en revanche, échappa à la mort en se cachant, grâce à l’aide apportée par des milliers de Français »[57] ; « […] la majorité des juifs furent secourus par des gens ordinaires que révoltait le sort réservé à ces hommes, à ces femmes et à ces enfants. Pour la France, le mémorial israélien de Yad Vashem a distingué environ 2 000 Justes des nations, mais ce titre n’honore qu’une minorité des milliers d’anonymes qui aidèrent les proscrits à se dissimuler ou à franchir la frontière franco-suisse. Ne forçons cependant pas le trait en assimilant les juifs à des mineurs incapables de prendre leur destin en main. Beaucoup se sauvèrent eux-mêmes, en mobilisant leurs relations familiales, professionnelles ou amicales pour se mettre à l’abri, en zone libre souvent, dans la zone d’occupation italienne à partir de novembre 1942, voire en Suisse… »[58]

Force est de constater que, même sur cette question, l’habituel procédé rhétorique est toujours à l’œuvre. OW ne précise évidemment pas qui aurait assimilé « les juifs à des mineurs incapables de se prendre en main ». Il évoque ensuite l’étude effectivement très éclairante que Nicolas Mariot et Claire Zalc ont récemment consacrée aux juifs lensois et en retient ceci :

« Plusieurs juifs lensois payèrent par exemple des passeurs pour s’enfuir au pays de Calvin sans que des organisations ne les épaulent. »

C’est exact, mais très insuffisant. Quel dommage que cet exemple ne soit pas davantage commenté. C’était une bonne occasion d’illustrer une réalité sociale contrastée que la catégorie englobante et homogénéisante – « les juifs » – occulte totalement. C’est un fait observable et en l’occurrence fréquemment observé que, face aux difficultés et aux menaces, le champ des possibles est un peu plus ouvert pour certains que pour d’autres. Ce n’est faire injure à personne que de dire que tout le monde n’a évidemment pas la capacité de payer un passeur ou des faux-papiers. Les réponses apportées à la menace nazie ne relèvent pas seulement et simplement d’un choix entre fuir et ne pas fuir. Elles ne relèvent pas davantage de je ne sais quel « atavisme » particulier aux juifs comme cela a pu être hélas également formulé par le passé[59]. Non, ce que montre l’étude de cas micro-sociologique de Mariot et Zalc, c’est bien la capacité différentielle des juifs lensois à prendre conscience du danger et à s’enfuir[60]. En cela, ils ne diffèrent aucunement des autres citoyens. Les plus fortunés d’entre eux, ou encore les personnes seules et non chargées de famille, disposaient de moyens matériels et d’une autonomie supérieurs. Cela ne signifie pas pour autant que les moins fortunés aient forcément été les moins capables d’apprécier la menace à sa juste mesure ni de tenter quelque chose pour se mettre à l’abri. La réalité complexe est effectivement complexe à appréhender…

En définitive, ce que montre avant tout cette histoire de la Résistance en minuscule, c’est qu’un historien disposant d’une documentation considérable et souvent impeccable peut fort bien écrire un livre faux. À dire vrai, ce n’est pas une consolation, on le savait déjà.

 


[1] Conclusion de la recension de Jean-François Muracciole, « Quand l’historien "écorne les légendes" : la Résistance selon Olivier Wieviorka », Critique, novembre 2013, p. 914.

[2] Olivier Wieviorka a le souci du détail, et prend soin de se démarquer jusque dans l’écriture du mot désignant son objet : il écrit « résistance » avec un r minuscule. C’est son droit. Toutefois, ce n’est qu’en entrant dans l’ouvrage que cette révolution orthographique se découvre ; la quatrième de couverture sacrifie quant à elle à la tradition historiographique et laisse apparaître la « Résistance » avec son R majuscule coutumier. Si cela ne participe pas de la volonté de dénigrement, on se demande pourquoi l’auteur a laissé le mot « Libération » et l’expression « Révolution nationale » en majesté ; sans doute un oubli…

[3] Olivier Wieviorka, Histoire de la résistance 1940-1945, op. cit., p. 18. [Les notes suivantes indiqueront OW pour la référence de cet ouvrage.]

[4] OW, respectivement, pp. 16 et 482.

[5] OW, p. 16.

[6] À ce titre, l’ouvrage d’Olivier Wieviorka apporte une nouvelle illustration de la dérive parfaitement décrite par Pierre Laborie, Le Chagrin et le venin. La France sous l’Occupation, mémoire et idées reçues, Paris, Bayard, 2011.

[7] OW, p. 17.

[8] Pour un exemple récent, la réaction argumentée de François Marcot à ce livre est parue dans la revue Le Débat ; mais le « débat » n’en est pas pour autant ouvert : François Marcot, « Comment écrire l’histoire de la Résistance ? », Le Débat, 2013/5, n° 177, pp. 173-185.

[9] Aux spécialistes de la l’histoire de la Grande Guerre cette (im)posture en rappelle d’ailleurs une autre présentant des caractéristiques en tout point similaires. Rémy Cazals, « 1914-1918 : oser penser, oser écrire », Genèses, n° 46, mars 2002, pp. 26-43. Voir aussi le dernier numéro de la revue Agone, « L’ordinaire de la guerre », n° 53, 2014.

[10] Carlo Ginzburg, « L’estrangement » in À distance. Neuf essais sur le point de vue en histoire, Paris, Gallimard, 2001 [1996], p. 36.

[11] François Marcot, « Pour une sociologie de la Résistance : intentionnalité et fonctionnalité », Le Mouvement social, n° 180, juillet-septembre 1997 ; « Résistance et autres comportements des Français sous l’Occupation », in François Marcot et Didier Musiedlak (dir.), Les Résistances, miroir des régimes d’oppression (Allemagne, Italie, France), Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2006 ; « Les résistants dans leur temps », in François Marcot, avec la coll. de Bruno Leroux et Christine Lévisse-Touzé (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance. Résistance intérieure et France libre, Paris, Robert Laffont, 2006.

[12] Pour une conceptualisation du phénomène : Pierre Laborie, Les Français des années troubles. De la guerre d’Espagne à la Libération, Paris, Seuil, « Points histoire », 2003 [2001].

[13] C'est moi qui souligne.

[14] Pour une exposition plus précise de sa définition de la Résistance, voir la réaction de François Marcot à ce livre, François Marcot, « Comment écrire l’histoire de la Résistance ? », in Le Débat, n° 177, art. cit.

[15] OW, p. 16.

[16] Charles Tilly, La France conteste, de 1600 à nos jours, Paris, Fayard, 1986. Depuis la réflexion s’est affinée : voir Mark Traugott (éd.), Repertoires & Cycles of Collective Action, Durham et Londres, Duke University Press, 1995 ; Lilian Mathieu, Comment lutter ? Sociologie et mouvements sociaux, Paris, Textuel, 2004 ; Éric Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 2005.

[17] OW, pp. 120-121.

[18] OW, p. 111.

[19] André Loez, Nicolas Mariot (dir.), Obéir-désobéir. Les mutineries de 1917 en perspective, Paris, La Découverte-CRID 14-18, 2008.

[20] Marc Bloch, L’Étrange Défaite, Témoignage écrit en juillet-septembre 1940, préface de Stanley Hoffmann, Paris, Gallimard, Folio, 1990. Pour un point de vue différent voir Jean-François Muracciole, Les Français libres. L’autre Résistance, Paris, Tallandier, 2009, p. 107.

[21] Jean-Jacques Becker, Un soir de l’été 1942… Souvenirs d’un historien, Paris, Larousse, 2009, p. 47.

[22] OW, p. 68. C'est moi qui souligne.

[23] Ce que confirme l’étude nuancée de Jean-François Muracciole, Les Français libres, op. cit., p. 267.

[24] Pierre Laborie, Les Français des années troubles, Paris, Desclée de Brouwer, 2001, pp. 34-37.

[25] Germaine Tillion faisait en effet remarquer que l’employé ou l’ouvrier devant faire vivre sa famille avec sa paie « était ligoté sur place mais n’en pensait pas moins », Le Nouvel Observateur, 31 mai-6 juin 2007, cité in Pierre Laborie, Le Chagrin et le venin, op. cit., p. 261.

[26] OW, p. 210.

[27] OW, p. 104.

[28] OW, p. 46. L’armée aussi, OW, p. 198.

[29] Nicolas Mariot, Claire Zalc, Face à la persécution. 991 juifs dans la guerre, Paris, Odile Jacob-Fondation pour la Mémoire de la Shoah, 2010. O. Wieviorka connaît l’existence de cet ouvrage mais n’en tire aucun profit.

[30] OW, p. 425.

[31] J’ai relevé 53 occurrences de l’expression « l’armée des ombres ». Heureusement qu’il s’agit de démythifier !

[32] Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d’Europe, traduit de l’anglais par Marie-France de Paloméra, André Charpentier et Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Gallimard, Folio, 2006 [1985].

[33] Hélène Berr, Journal, préface de Patrick Modiano, Paris, Tallandier, 2008.

[34] Robert Paxton, Vichy France. Old Guard and New Order 1940-1944, New York, Columbia University Press, 1972, p. 235 ; traduction française : La France de Vichy, Paris, Seuil, « Points histoire », 1999 [1997 et 1972], pp. 287-288 ; passage commenté par Pierre Laborie, Le Chagrin et le venin, op. cit., p. 76, note 21.

[35] Philippe Burrin, La France à l’heure allemande, 1940-1944, Paris, Seuil, 1997 [1995], pp. 8-9.

[36] On note toutefois que dans les différentes rééditions de son ouvrage, Paxton n’est jamais revenu sur ce point.

[37] Pierre Laborie, Le Chagrin et le venin, op. cit., p. 261.

[38] On retrouve ici le procès intenté aux sociétés de 1914-1918 désignées coupables d’avoir « consenti » à la guerre, à sa violence et à sa durée, la guerre étant vécue comme un gigantesque laboratoire d’où serait advenu Auschwitz et ses cheminées. Voir le dossier de ce numéro d’En Jeu.

[39] OW, p. 52.

[40] OW, p. 48.

[41] OW, p. 53.

[42] OW, p. 54.

[43] Je remercie Jacques Aron pour avoir attiré mon attention sur ce point.

[44] OW, p. 123. C'est moi qui souligne.

[45] OW, p. 143. C'est moi qui souligne.

[46] Jorge Luis Borges, Le Rapport de Brodie, nouvelles traduites de l’espagnol par Françoise-Marie Rosset, Paris, Gallimard, 1972 [1970], « Préface », p. 8.

[47] OW, p. 436.

[48] OW n’ a pas toujours ce souci du dénombrement ; ainsi, évoquant les juifs ayant rejoint la résistance ou la France libre, il se montre plutôt vague : « nombre de juifs qui par ailleurs luttèrent… ». Cela fait combien ? OW, p. 237.

[49] Stéphane Audoin-Rouzeau, Annette Becker, 14-18, retrouver la guerre, Paris, Gallimard, 2000.

[50] André Loez, 14-18. Les Refus de la guerre. Une histoire des mutins, Paris, Gallimard, « Folio », 2010, pp. 200-201.

[51] Sur la question des maquis en général et celui des Glières en particulier, je renvoie à la recension des ouvrages de Claude Barbier par Charles Heimberg dans ce volume (p. 167) et à la mise au point précieuse de Jean-Marie Guillon,  « De l’histoire de la Résistance à l’histoire des Glières, un enjeu scientifique et symbolique », postface de la réédition du livre publié par l’association des Glières, Vivre Libre ou Mourir. Plateau des Glières, Haute-Savoie 1944, 2014 [1946].

[52] OW, p. 214.

[53] Mancur Olson, The Logic of Collective Action. Public Goods and Theory of Groups, Cambridge (États-Unis), Harvard University Press, 1965 ; Mark Lichbach, The Rebel’s Dilemma, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1995 ; Daniel Cefaï, Pourquoi se mobilise-t-on ? Les théories de l’action collective, Paris, La Découverte, 2007.

[54] OW, p. 230.

[55] OW, p. 233.

[56] OW, p. 237.

[57] OW, p. 234.

[58]    0W, p. 237.

[59] Henri Michel, Le Monde juif, janvier 1968, p. 6.

[60] Nicolas Mariot, Claire Zalc, Face à la persécution. 991 juifs lensois dans la guerre, Paris, Odile Jacob-Fondation pour la mémoire de la Shoah, 2010 ; Claire Zalc, Tal Brittmann, Ivan Ermakoff et Nicolas Mariot (dir.), Pour une microhistoire de la Shoah, Paris, Seuil, 2012.

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Résistance et Libération en Haute-Savoie

Charles Heimberg

Cette recension reprend tout ou partie de deux billets publiés en janvier et mars 2014 sur http://blogs.mediapart.fr/blog/charles-heimberg, consulté le 24 mai 2014.   Claude Barbier, Le Maquis de Glières. Mythe et réalité, Paris, Perrin, 2014, 480 p. Claude Barbier, Crimes de guerre à Habère-Lullin, Saint-Julien-en-Genevois, La Salévienne, 2013, 450 p.

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