Avant la première guerre
Cette contribution a pour but de comprendre quand, comment et pourquoi Constantin Brunner en est venu à accorder une place au sionisme dans ses écrits et pour tout dire dans sa philosophie. Il lui a certainement fallu un certain temps avant d’en éprouver la nécessité, sans doute parce qu’il se sentait avant tout citoyen allemand, et que ce mouvement nationaliste juif lui paraissait étranger, voire même dangereux et déstabilisant pour chaque Juif allemand.
1912 : Brunner célèbre en août son 50e anniversaire. Il a acquis quatre ans auparavant une certaine renommée, comme philosophe et dans des cercles intellectuels, après la parution d’une œuvre importante, Von den Geistigen und vom Volk (Des hommes de l’Esprit et du Peuple), une analyse des facultés humaines dans la lignée de Spinoza. Comme ce livre est d’un accès difficile au grand public, il vient d’en donner un an auparavant un court résumé[1] dans les « Archives pour une philosophie systématique » (Archiv für systematische Philosophie).
1912 : les différentes nations européennes s’arment en vue de la guerre. De son côté, Brunner s’attache depuis peu à une tâche nouvelle, une vaste confrontation méthodique avec le soi-disant antisémitisme, qu’il considère comme le dernier avatar d’une haine très ancienne envers les Juifs, mais dont l’objectif politique récent est d’annuler les acquis de l’émancipation. En effet, depuis 1871 tous les Juifs du Reich disposent des droits civils et politiques, bien que pour l’essentiel la fonction publique, l’enseignement supérieur et l’armée leur demeurent fermés.
1912 : les Juifs allemands organisent la commémoration du décret d’émancipation (11 mars 1812), bien qu’il n’ait concerné que la Prusse sous l’ancienne Confédération germanique et que ses effets furent encore limités. Ils voyaient dans cet évènement historique la conséquence politique de l’idéal d’égalité universelle affirmé par l’État français. C’est à cet idéal que Brunner restera indéfectiblement attaché, et les Juifs libéraux organisés au sein de l’Union centrale demeureront le public-cible de ses écrits.
1912 : Bien que l’émancipation complète apparaisse encore à l’horizon de la majorité des Juifs allemands comme un objectif accessible et incarne leur perspective politique, leur situation au sein de la société s’est transformée depuis les années 80 du siècle précédent. « Antisémitisme » n’est pas seulement devenu le néologisme forgé par un journaliste[2], son concept représente une nouveauté politique d’une efficacité redoutable, un contenu « völkisch », à la fois nationaliste et non religieux, imprégné de la croyance superstitieuse aux traits inaltérables de la race. Ce n’est pas par hasard que cet éloignement de l’antijudaïsme chrétien traditionnel ait été l’œuvre de libres penseurs. Un livre écrit par un professeur d’université alors très influent, Eugen Dühring, a fortement contribué à cette réorientation : « La question juive, une question de race, de mœurs et de civilisation, avec une réponse d’importance mondiale. » Douze ans avant l’Affaire Dreyfus, ce livre fit grosse impression sur Theodor Herzl. Dühring désirait apporter à son analyse pseudo-scientifique une réponse tout aussi irréfutable. Il avait quasiment élaboré pour cela le programme théorique du futur mouvement « völkisch » : remettre en question le plus rapidement possible l’égalité de principe reconnue aux Juifs, leur imposer un droit distinct et des lois d’exception à caractère racial, afin d’en diminuer le nombre et l’influence, jusqu’à parvenir à leur exclusion complète. « La question juive est en elle-même une question sociale de première importance, à placer bien avant la question sociale générale ; car elle n’est pas seulement une question vitale pour la classe ouvrière montante, mais une question existentielle pour les peuples modernes. Se débarrasser du cauchemar juif est l’affaire des nations. »[3]
La majorité des Juifs allemands s’est organisée pour se défendre contre cette tendance dangereuse, qui est, dès 1893, représentée au Reichstag par 16 députés. La même année ces Juifs de tendance libérale ont fondé l’Union centrale déjà mentionnée, qui s’est donné pour premier objectif cette défense, devenue rapidement populaire sous le sobriquet « Anti-Anti » et qui remporta de grands succès. Un an à peine après sa création, son dirigeant, le Dr Eugen Fuchs, plaçait son rapport aux membres sous la devise : « C’est par la lutte que tu obtiendras tes droits. »[4] Et avec assurance, il ajoutait : « Ce n’est que si nous défendons l’égalité et l’émancipation, que nous pourrons nous en affirmer dignes. »
En parallèle, une réaction anti-émancipatrice se fit sentir dans de nombreux autres pays au cours de cette période 1880-1893. Cette histoire est suffisamment connue et bien documentée ; je n’en mentionnerai donc que quelques aspects significatifs du contexte dans lequel mûrirent les pensées de Brunner sur le sujet. En 1882, après les premiers pogroms qui mirent brutalement fin à une période de timide libéralisation dans l’empire russe, un médecin d’Odessa, Leo Pinsker, rédigea en allemand Auto-Emanzipation (Autoémancipation), l’« Appel d’un Juif russe à ses frères de race » (Mahnruf an seine Stammesgenossen von einem russischen Juden), ainsi que son sous-titre le précise ; notez bien ce tournant : « Stammesgenossen » (frères de race) et non pas « Glaubensgenossen » (coreligionnaires) comme à l’accoutumée. La réponse en Allemagne se fit un peu attendre, mais pas longtemps. En 1891, un jeune avocat, quasi de la génération de Brunner, diffusa, d’abord de façon anonyme, une série d’articles et de brochures sous des titres divers : « Sind die russischen Juden eine Nation ? » (Les Juifs russes forment-ils une nation ?)[5] ; « Was soll aus den russischen Juden ? » (Que vont devenir les Juifs russes ?) ; « Wohin mit den russischen Juden, Syrien, ein Zufluchtsort der russischen Juden ? » (Quelle destination pour les Juifs russes, la Syrie, refuge des Juifs russes ?). Que de points d’interrogation pour un problème qui n’était pas encore apparu à cette échelle ! Les Juifs allemands déjà intégrés en appelèrent tout d’abord à leur gouvernement, dans l’espoir qu’il organise à nouveau, comme l’avait fait Bismarck treize ans auparavant, un congrès international, ou qu’au moins il en soutienne le projet. Mais plus que le danger intérieur que l’on pensait encore maîtrisable, cette émigration de masse déjà amorcée suscita rapidement une vive inquiétude.
Au cours de ces années 1880-1893, sous la pression constante de l’émigration juive venue de l’Est (qui ne formait qu’une partie de l’émigration massive de diverses populations, dans et en dehors de l’Europe), les douleurs de l’enfantement d’un nouveau mouvement national se faisaient déjà entendre dans toute l’Europe centrale (Mittel-Europa), ce vaste espace entre l’Est et l’Ouest. Ce mouvement profondément atypique, dispersé, qui se cherche encore ses objectifs et ses moyens d’action, a trouvé son nom dès 1893, sous la plume d’un profond penseur viennois, Nathan Birnbaum (1864-1937) : le « sionisme ». « Nous devons gagner la confiance du gouvernement turc, qu’il est impardonnable de n’avoir pas recherchée jusqu’ici, car ce n’est qu’ainsi que nous pourrons espérer voir se développer la colonisation de la Palestine. »[6] Mais comment faire ? « Nous ne demandons pas l’indépendance politique pour les Juifs à établir en Syrie-Palestine ; nous ne demandons qu’une chose : que ceux-ci soient autorisés à voir en cette terre une véritable patrie (Heimat), et obtiennent pour cela des garanties légales nationales et internationales contre les expulsions à l’européenne. » Un projet national certes, mais à établir sur d’autres terres et totalement dépendant du jeu politique et des intérêts des grandes puissances. Ainsi s’ouvrait un tout nouveau chapitre dans l’histoire des Juifs, dans lequel nous nous trouvons encore aujourd’hui. Quatre années plus tard, ce projet est officiellement présenté à l’opinion publique par le 1er congrès sioniste.
Avant même cet évènement, et notamment au cours de sa préparation, plusieurs oppositions se sont déjà manifestées dans différents milieux juifs. Dans tous les pays où l’émancipation s’était concrétisée, la majorité des Juifs se montre très méfiante à l’égard du projet, tant pour des raisons religieuses que politiques. Le sionisme, qui ambitionne de s’exprimer au nom du « peuple » juif, a aussitôt rabaissé ses opposants en les qualifiant d’« antisionistes ». La pression sociale qui s’exerce sur les Juifs se transforme aussitôt en tensions et en oppositions entre eux. Le judaïsme, considéré d’un point de vue religieux, s’était organisé d’abord pour se défendre d’ennemis extérieurs, les antisémites ; par contre, quand quelques années plus tard Max Nordau publie son livre Der Zionismus und seine Gegner (Le sionisme et ses adversaires)[7], ceux qu’il nomme ainsi sont exclusivement des Juifs. Aucune expression ne fut assez méprisante pour les déshonorer : « assimilateurs », apostats, renégats ou traîtres. Même le vocabulaire le plus odieux des antisémites leur fut immédiatement appliqué : « Le Youpin est antisioniste ! Nous le connaissons depuis longtemps, et nous avons toujours été saisis de dégoût, dès que nous le regardions, dès que la vie nous amenait près de lui ou à son contact. […] Or voici qu’apparut le sionisme – Juif et Youpin furent obligés de prendre position. Et maintenant, pour la première fois, le Youpin a rendu au Juif un service d’une grandeur inespérée. Le Youpin se détache de la communauté, le Youpin est – antisioniste ! »[8] Il nous faut garder à l’esprit cette agressivité du nationalisme juif, si l’on veut comprendre les réactions suscitées quand, quelques années plus tard, la Fédération sioniste pour l’Allemagne tenta de s’emparer de la direction des communautés. Sans ce rappel la position de Brunner, vue d’aujourd’hui, serait tout à fait incompréhensible.
Sous le choc de cette insulte de « Youpin », lancée par le journal sioniste Die Welt, le critique viennois Karl Kraus écrivit un petit pamphlet intitulé « Une couronne pour Sion »[9], dans lequel il avançait que le slogan « Dehors les Juifs ! » trouverait immédiatement un appui enthousiaste auprès des antisémites aryens. Celui-ci ne se fit pas attendre. Au lendemain du 1er congrès sioniste, le théologien protestant et professeur à l’université de Bâle Friedrich Heman écrivit L’éveil de la nation juive ou La voie vers la solution définitive de la question juive[10]. Il y déclare « que d’une part les peuples seront heureux d’être débarrassés des Juifs et de leur concurrence dans leurs pays respectifs et que, d’autre part, les grandes puissances salueront comme une heureuse solution d’un problème difficile, qu’un État juif se crée en Palestine et que les Juifs soient disposés à l’y établir. »[11] Selon lui, on avait commis après la Révolution française l’erreur de croire « à l’établissement de droits humains universels ». Heman s’en prit violemment aux cinq grands rabbins allemands qui avaient mis en garde contre la tenue du congrès, à ceux que Herzl avait traités de « rabbins protestataires » (Protestrabbiner) et Nordau de « comédiens »[12]. Cet antisémite officiel et de bon aloi fut accueilli avec empressement par les sionistes. Il put ainsi quelques années plus tard et sous le patronage de Nordau clarifier encore sa position : « L’antisémitisme restera ancré dans le peuple aussi longtemps qu’il y aura des assimilateurs en Allemagne. C’est dans la nature de la chose. Si des Chinois de Kiao-Tchéou [aujourd’hui Qingdao] ou des Nègres du Cameroun voulaient se donner de l’importance (sich aufspielen) en se faisant passer pour des frères allemands, alors un anti-mongolisme ou une anti-négritude s’empareraient du peuple allemand comme dans la libre Amérique. Car la nature humaine est partout la même. Dès qu’on la blesse, elle réagit partout de même. Les différences nationales ou de race ne sont que des éléments naturels, que l’on ne peut pas ignorer. »[13]
Je n’ai fait jusqu’ici qu’esquisser le climat dans lequel Brunner se forgea son concept de la haine des Juifs dès avant la Première Guerre mondiale. À cet égard, le 1er congrès sioniste doit être considéré comme un important repère, tout au moins en ce qui concerne ses répercussions en Allemagne. Sur le plan international, Herzl est parvenu à faire connaître sa solution de compromis : l’exigence en Palestine d’un foyer reconnu en droit public. Les sionistes annoncent partout que le judaïsme ne doit plus être regardé désormais comme une religion, mais davantage comme l’expression d’une nation unitaire, d’une communauté de souche, d’une race, ainsi que l’on disait alors communément. Ceci ne pouvait que susciter une opposition chez les Juifs allemands. Moins de deux mois après, la réaction vint, sans ambiguïté, de l’Union centrale (CV) : « Un renforcement du sentiment d’un peuple juif et de la conscience d’être un peuple me sont inconcevables, car depuis la destruction de l’État juif je ne connais pas de peuple juif ni de principe de nationalité. Je ne connais qu’une communauté de foi juive et je veux donc que se renforce la fidélité à la communauté confessionnelle, sans que cela porte atteinte à la fidélité à la patrie. »[14] La ligne de partage est dès lors nettement tracée.
Le coup de force sioniste et ses conséquences
Dans les premières années de son existence, les efforts diplomatiques du mouvement sioniste restent sans succès, et les tentatives des sionistes de prendre pied dans les communautés échouent. Leur objectif y semble dans l’ensemble trop illusoire et utopique face à la réalité allemande. Toutefois, en 1903, après le pogrom de Kichinev, le gouvernement britannique s’était dit favorable à tout plan « qui améliorerait la situation de la race juive ». En 1907, le congrès quitta Bâle pour La Haye, en vue de peser sur la conférence de la Paix ; la révolution des « Jeunes Turcs » suscita de nouveaux espoirs en 1908 ; en 1909, pour la première fois, le congrès se tint à Hambourg. C’est ainsi que, lors des élections communautaires de 1910 en Allemagne, une véritable opposition se fit jour autour de la question nationale juive. En septembre de cette année-là, la Journée des délégués sionistes proclama sa volonté de se positionner de façon tranchée, de telle sorte que « le caractère national de notre mouvement soit souligné sans ambiguïté et trace une différence de principe entre le sionisme, le mouvement du peuple juif, et toutes les autres organisations juives »[15]. Blumenfeld, le dirigeant de la jeune génération, souligna « le tragique effrayant [des Juifs allemands] d’être obligés de penser dans une langue impropre à leurs facultés créatrices. Pour les connaisseurs, la force indestructible et l’expression propre du sang juif s’y frayaient cependant un passage, malgré toutes les tentatives d’oppression. […] Un nouvel état de conscience se formait en eux, l’idée du sionisme politique. […] Car seul celui qui vit selon son propre droit et sa propre loi, dans son propre pays, est un homme libre. Voilà comment on pourrait exprimer ce nouvel état de conscience »[16]. Comment Brunner aurait-il pu se rallier à une telle vision ? Blumenfeld mettait l’accent sur une « manière propre » (Sonderart) qui devait lui paraître bien étrange : « Le sang commun détermine les mêmes capacités créatrices, la même manière de penser et de sentir. » Comment Brunner aurait-il pu s’identifier à un mouvement qui prétendait rassembler tous ceux « qui s’étaient échappés de l’assimilation pour se sauver dans le judaïsme, et étaient devenus ainsi aptes au combat contre la culture de leurs maîtres à penser » ?
Ainsi tout avait été préparé pour la division interne des Juifs allemands. L’historien Jehuda Reinharz la décrit comme suit : « À partir de la fin 1912, le combat entre sionistes et antisionistes devint sans cesse plus aigu. Le camp libéral [l’Union pour le judaïsme libéral, 1908 – Verein für das liberale Judentum] entra ouvertement en conflit avec les sionistes, qu’il considérait comme un élément perturbateur. En octobre 1912, un groupe de libéraux fonda l’Association du Reich pour la lutte contre le sionisme (Reichsverband zur Bekämpfung des Zionismus), qui dès décembre prit le nom de “Comité antisioniste” (Antizionistisches Komitee). Ce dernier apparut vite comme le porte-parole de tout le libéralisme judéo-allemand. »[17] À ma connaissance les publications de ce comité n’ont pas été étudiées jusqu’ici. Dans la première d’entre elles, plusieurs articles de la Jüdische Rundschau et le programme du sionisme allemand qui venait de paraître furent violemment attaqués.
Aux yeux des Juifs allemands libéraux l’idée d’un peuple juif n’est que le fruit de l’imagination, totalement incapable d’attirer en Palestine les Juifs de tous les pays. Les auteurs des Cahiers antisionistes ajoutent même : « […] c’est bien l’idée de la race que les sionistes ont empruntée aux courants nationalistes. Dès ses débuts, le concept de peuple du mouvement sioniste était complètement et exclusivement rempli de l’idée de la race. Cette idée tout à fait superstitieuse, produit d’un dogmatisme arrogant et de l’égoïsme le plus trouble, qui considère la vie humaine comme prédéterminée par le sang, et que ni la volonté ni l’adaptation au cours des siècles ne peuvent rien contre les prétendues dispositions innées de la race, qui ne voit de salut que dans le maintien d’une race pure, cette théorie absurde contredite par l’histoire et la pratique humaine, dut effectivement être conservée assez longtemps pour entraîner une pure exclusion des Juifs de tous les autres peuples. Et c’est en cela, dans ce fantasme de la force bienfaisante de la pureté absolue de la race, que repose jusqu’aujourd’hui la très dangereuse similitude de la doctrine sioniste avec celle des antisémites. »[18]
L’importance que Brunner accordera dans son premier « livre juif » à la théorie raciale, alors en plein débat, nous contraint à un léger détour vers les « scientifiques » qui y ont le plus contribué. Il les a quasi tous lus avec la plus grande attention. Le plus influent d’entre eux s’appelle Ignaz Zollschan ; les 500 pages de son ouvrage Le problème de la race[19] furent l’amorce de sa brillante carrière. Inspiré par le sionisme, il avait tenu à préciser en sous-titre : « considéré en particulier selon les fondements théoriques de la question raciale juive ». Jusqu’en 1925 le livre connut cinq rééditions. Zollschan partageait la plupart des préjugés raciaux et des clichés de son temps issus de la colonisation, l’idée de races supérieures et inférieures dont le croisement était néfaste. Il aurait seulement voulu les appliquer à l’avantage des Juifs[20]. Continuateur de Chamberlain, il écrivait : « L’histoire fournit de nombreux exemples de l’impossibilité, en cas de croisement accompli de différentes nations de races étrangères, de parvenir à un État porteur d’une culture vivante, même si chacune de ces nationalités possédait pour elle-même de hautes capacités. Et c’est là le véritable noyau de toute théorie raciale. Le livre de Chamberlain Les fondements du XIXe siècle[21] a été attaqué avec plus de virulence que tout autre, et à bon droit dans la majorité des cas. Mais la clé de voûte de son système, à savoir l’accent mis sur l’effet ennoblissant de la pureté raciale et l’effet dévastateur du chaos racial, est incontestablement solide. »[22] Indirectement Brunner ne lui répond-il pas dans son livre : « La théorie raciale n’est jamais innocente sur le plan scientifique, en vérité elle n’est pas même une théorie, mais elle deviendra bien une pratique, et quelle pratique ! »[23] Un philosophe comme Brunner ne pouvait pas prendre au sérieux cette pseudo science dilettante : « Misérable jugement des plus instruits ! Quels ingrédients ne mettent-ils pas dans leur cuisine, et quelle étonnante capacité n’ont-ils pas d’y ajouter avec le même sérieux du bien-fondé et de l’absurde, et de continuer à vivre ainsi instruits ! »[24] Après la guerre, les conceptions de Zollschan se radicalisèrent encore. En annexe à son dernier livre, il ajoute un texte plus court, « La voie du maximalisme », dans lequel il décrit la déclaration Balfour et les résolutions de la conférence de San Remo comme la lourde mais unique tâche historique du peuple juif. Zollschan partageait en cela les vues de Jakob Klatzkin, le grand théoricien du sionisme, selon qui il était inutile de revendiquer un nationalisme juif diasporique et d’agresser les Juifs qui n’en voulaient pas. Mais comme Klatzkin, il soutenait dans les pays de l’« Exil » l’érection d’« un ghetto volontaire », cette « forme héroïque d’existence » dans une séparation et un déracinement voulus. Klatzkin exigeait des Juifs cheminant dans la diaspora « l’interdiction de cultiver la langue du pays et la reconnaissance de former un corps national étranger, au risque même de se voir privés des droits civils »[25]. Le livre de Klatzkin cité et admiré par Zollschan avait un caractère presque suicidaire : « En tant que corps étranger, nous revendiquons une situation d’exception, avec tous ses avantages et ses inconvénients. Nous respectons le droit de la nation du pays à protéger son individualité völkisch contre les étrangers (Volksfremde). »[26] Et ceci paraissait au même moment que le Programme du NSDAP (parti national-socialiste des travailleurs).
Après la première guerre
La haine des Juifs et les Juifs, la première intervention importante de Brunner dans cette problématique, ne put paraître qu’à la fin du premier conflit mondial. Le sionisme avait déjà pris place dans son jugement, mais seulement d’un point de vue général, en nette opposition à l’émancipation, dans la perspective de laquelle il continuait à se situer. Il avait attentivement lu Zollschan ; il devait s’expliquer plus tard avec Klatzkin. Il n’attendait encore aucune suite concrète à la déclaration Balfour. Les deux préfaces qu’il écrivit pour les éditions de 1918 et 1919 se préoccupaient essentiellement de la situation allemande. Il jugeait donc ainsi le mouvement national juif : « Le sionisme et la haine des Juifs sont étroitement liés, comme la cause et l’effet. Le sionisme est la fausse réactivité des Juifs, la chute du Juif dans la théorie raciale de la haine des Juifs – de ces Juifs qui ne peuvent pas se rendre compte que l’émancipation ne se fait que lentement et jamais sans reculs ; des reculs qui trouvent leur justification et leur nécessité psychologique et historique dans la nature humaine. »[27] Pour Brunner, il n’existe qu’un seul moyen de s’y opposer : la lutte politique. Le sionisme représentait, selon lui, une espèce de fuite en avant vers un lieu où « la continuation et la régénération de la communauté de sang » (Zollschan) se produiraient. Cette « communauté de sang » ou cette « action de son sang propre » ne formaient à ses yeux que l’indice d’une superstition scientifique moderne[28].
Comme Brunner avait donné auparavant un « court résumé » de son vaste traité théorique de 1908, il retravailla son concept de la « haine des Juifs » dans un aperçu synthétique auquel il donna volontairement un mystérieux titre en hébreu : Memscheleth sadon. Ce « Règne de l’arrogance », ou « Empire du mépris », selon sa propre traduction allemande (Die Herrschaft des Hochmuts), représenterait, espérait-il, son « dernier mot à propos de la haine des Juifs et des Juifs », une haine issue des limites générales de la faculté humaine de jugement. Valable d’égale façon pour Juifs et non-Juifs, dans la vision humaniste du philosophe. L’orgueil, le mépris arrogant, est le plus grand danger qui guette une société, le premier des sept péchés capitaux. Brunner, qui se définit à présent comme athée et « Ex-Judeus » (puisque athée), a cependant emprunté son titre à une prière du Nouvel-an juif, pour en faire le fondement d’une éthique de la responsabilité personnelle permanente. On la trouve exprimée dans la dialectique particulière du Talmud. Par exemple dans le traité Rosh Hashanah : « L’homme sera jugé chaque jour, car il est dit : Tu le visites chaque matin. (Job, 7,18a). Et Rabbi Nathan dit : L’homme sera jugé à toute heure, car il est dit : À tout instant, Tu le mets à l’épreuve. (Job, 7,18b). »[29] Ainsi s’explique sa condamnation du sionisme comme réponse erronée à l’arrogance des antisémites. « Le sionisme est une erreur, aussi fatale que l’assimilation ; voilà ce qu’il faut dire, quelle que soit la célébrité que ces deux notions ont déjà acquise. L’émancipation donnait aux Juifs le devoir de s’auto-émanciper, de se sortir de l’isolement, et ce devoir, ils l’ont confondu avec celui de s’assimiler. »[30] Brunner regardait le sionisme comme une fuite vers de nouvelles illusions. « Les Juifs doivent tous sortir de leur ghetto et ne peuvent tomber ni dans la confusion d’avant le sionisme, ni dans le désespoir d’après le sionisme, d’après l’énorme et inévitable désillusion ; et de la même façon, ils se garderont de toute interprétation erronée de l’émancipation, dont la vérité n’est pas que les Juifs s’assimilent, deviennent entièrement indistincts des non-Juifs, mais qu’ils soient généralement reconnus dans leur particularité, et qu’eux-mêmes se perçoivent dans la véritable singularité de leur être. Celle-là, les Allemands d’origine juive ne doivent pas l’abandonner davantage que les autres Allemands ne doivent abandonner la leur. »[31] En écrivant cela, Brunner demeure encore dans des considérations internes à l’Allemagne. Mais il est plus surprenant qu’il compte désormais – est-il le premier Juif allemand non sioniste à le faire ? – la « question arabe » parmi les principaux obstacles à l’avenir des Juifs par la colonisation de leur terre ancestrale : « Sion doit être recherchée partout dans le monde sauf en Palestine, là où les sionistes la cherchent. Cette Sion-là n’est plus, et il ne devrait demeurer que la Sion spirituelle, que l’esprit du judaïsme – et que peut l’esprit protecteur du judaïsme pour ces Juifs “protégés” dans le désert calcaire qui appartient d’ailleurs depuis bientôt 1 300 ans aux Arabes syriens ? »[32]
Le tournant politique de Brunner
Il est même peu vraisemblable que Brunner ait pu prévoir que cette question serait au centre du prochain congrès sioniste. Cette première rencontre d’après-guerre, d’après la Déclaration Balfour et la Conférence de San Remo, aurait dû arrêter une attitude commune à l’égard de la puissance mandataire et des Arabes de Palestine. Avec la Fraction démocratique récemment constituée, Jakob Klatzkin (en compagnie de qui Brunner s’invitera plus tard chez Yahvé[33]) avait écrit une série de thèses et de recommandations pour un programme d’action. En tête des principes affirmés on pouvait lire ceci : « La politique sioniste ne doit pas se laisser égarer par la confiance en l’honnêteté des promesses impérialistes et dans la persistance des acquis diplomatiques. Sa politique extérieure ne doit pas se placer sous le signe d’une alliance avec le pouvoir illégitime dominant mais avec les instances légitimes du peuple dominé, du peuple arabe. Le peuple juif ne peut arriver en Palestine en ennemi du peuple arabe, mais davantage en ami et en allié dans la lutte pour la libération de l’Orient. L’alliance avec le peuple arabe doit constituer la position fondamentale, à partir de laquelle doit se concevoir la future politique étrangère du sionisme. »[34] Ce congrès se déroula à Karlsbad en septembre 1921 et fut le lieu de vives discussions. La résolution pour une entente pacifique avec les Arabes laissa rapidement place à d’autres priorités : l’attitude envers l’Angleterre, l’élargissement de l’Agence juive et l’organisation de l’économie locale juive en Palestine mandataire. Brunner de son côté se consacra à des travaux plus pressants. Après la parution en 1921 de son troisième ouvrage important, Notre Christ ou la nature du génie, il parut douter un instant de l’orientation de son travail futur. Le livre traitait autant de sa théorie philosophique de l’esprit que de la perception du Christ par les Juifs et les chrétiens, une préoccupation très ancienne, qui l’avait poussé à ajouter à son livre sur La haine des Juifs et les Juifs un dernier chapitre, le fameux « Discours des Juifs : Nous voulons son retour ! », mal articulé au restant de l’ouvrage. Aucun livre de Brunner ne témoigne à ce point de la profusion et de la diversité des pensées qui lui traversaient l’esprit que ses Écrits de l’ermite Constantin Brunner, ce collage de trois parties disparates, dont la dernière lui fut manifestement dictée par l’actualité et publiée aussitôt. En effet, le 20 avril 1924, le général Ludendorff et les chefs nazis célèbrent à Weimar le 35e anniversaire d’Hitler (alors enfermé après son putsch manqué), et en mai leur parti engrange ses premiers succès en Thuringe à l’occasion des élections au Reichstag. C’est donc très intentionnellement que Brunner fait imprimer en tête du livre : « Rédigé en juin et juillet 1924. » L’accent est ainsi mis sur le danger croissant qui menace le pays et les Juifs, « comme si toute l’Allemagne était devenue un Ludendorff et un Judendorf »[35]. Brunner y attaque violemment ces « jeunes gens obsédés par les Juifs (Judenverrückt) », et qui tenaient leur combat pour « idéal et héroïque ». En marge de mon exemplaire, une main anonyme a noté : « Il ne te lit quand même pas. Il ne lit que les “Protocoles des Sages de Sion” et d’autres écrits semblables. »
Et cependant l’attitude de Brunner à l’égard de l’antisémitisme ne changea pas, elle s’exprima même de façon plus ferme et plus radicale. « Je ne veux pas prendre en considération les “solutions”, que les antisémites et les sionistes prétendent apporter à la “question juive”. Il n’existe pas de question juive, mais uniquement une question des antisémites, de l’injustice faite aux Juifs par la haine qu’on leur porte et de la source de cette haine. Cette haine des Juifs ne pourrait être exclue du monde qu’avec les Juifs eux-mêmes ; et effectivement les solutions des antisémites comme celles des sionistes veulent précisément les exclure du monde pour les précipiter dans une sorte de néant, dans la mesure où tous les deux veulent sortir ceux qui sont d’origine juive de leurs peuples respectifs pour les transformer en Juifs au sens politique, comme s’ils appartenaient encore toujours au peuple des Juifs. »[36] Jamais la formulation de Brunner n’avait été aussi concise. En ce qui concerne la colonisation de la Palestine, il franchit encore un pas, probablement dû à la résistance nationaliste des Arabes et aux réactions qu’elle provoque en Allemagne, particulièrement dans les cercles sionistes. Il écrit : « Ils [les Juifs] ne forment pas un peuple particulier ; et même s’ils en étaient un, ils ne pourraient pas l’être, car un peuple suppose un État et un pays. Dans cette ancienne petite relique qu’est la Palestine, il n’est quand même pas possible d’ériger un État moderne pour 16 millions de Juifs ! La Palestine n’est pas plus grande que ma province natale du Schleswig-Holstein, et de loin moins fertile ; elle ne compte aujourd’hui que 750 000 habitants. Elle peut d’autant moins former un État des Juifs, qu’elle ne leur appartient pas. La Palestine appartient aux Arabes syriens, et si les Juifs voulaient la leur enlever – je combattrais aux côtés des Arabes ! » Cette étonnante prise de position parmi les Juifs libéraux allemands – je n’en connais pas d’exemples comparables – ne doit pas s’interpréter à mon avis comme une provocation, mais comme l’expression d’une pensée rigoureuse.
La reprise de la croissance de l’économie allemande à partir de 1924, après l’acceptation du plan de financement américain Dawes – un crédit international à hauteur de 800 millions de Mark-or – produisit une certaine détente politique, qui permit à Brunner de revenir un moment à sa doctrine fondamentale. Il avait déjà fait, avec Amour, mariage, homme et femme[37] une étonnante exploration dans le domaine des relations entre les sexes. En 1928 parut Matérialisme et Idéalisme[38], un essai de la synthèse qu’il recherchait entre l’entendement matérialiste des choses et l’univers idéal des concepts, notion sous laquelle il condensait « le rapport particulièrement complexe entre l’expression langagière et le contenu de pensée », selon son propre vocabulaire, rapport qu’il développe aussi dans les notes libres des Extraits de mon journal, publiés un an auparavant. Dans cette période particulièrement féconde, la « question juive » avait été quelque peu négligée, bien que son Journal y consacre une vingtaine de pages sous le titre « Ceux d’origine juive »[39]. Il y exprime une fois de plus ses réticences envers l’usage peu clair du mot « Juif ». « Juif [par contre] désigne un peuple, un peuple d’exception par l’importance qu’il a pour notre civilisation […] Mais ce peuple-là n’existe quand même plus ; et dans la mesure où l’on impose ce nom comme nom de peuple à ceux qui sont Juifs d’origine, on leur impose – par le nom tout au moins – de s’exiler de tout autre peuple. Voilà ce que voudrait bien faire la haine des Juifs – et pas seulement par le nom : exclure ceux qui sont d’origine juive de leurs peuples véritables, les priver de leurs patries et en refaire le peuple-non-peuple fantomatique du ghetto. Les sionistes ont soulagé les antisémites d’une grande partie de ce travail ; et s’ils peuvent bien transformer les Juifs d’origine en peuple juif, ils font aussi tout leur possible pour les sortir de leurs patries et les reconduire au ghetto. »
Agir au quotidien
Sous l’influence de la pensée de Brunner, trois hommes appartenant au cercle de ses amis et admirateurs publièrent en 1928 un petit pamphlet au titre sans équivoque : « Rompre avec le sionisme »[40]. Bien que l’on remarque des nuances entre les contributions des trois auteurs, le ton général demeure la défense et l’approfondissement de l’émancipation, même pour l’avenir des Juifs d’Europe orientale. Ernst Pinner écrit dans sa postface : « L’autre obstacle à l’émancipation [en dehors de la difficile intégration des Juifs orientaux] apparaît comme au moins aussi dangereux : son propre nationalisme. Celui-ci ne s’oppose naturellement pas aux intérêts de l’État, mais il handicape intérieurement les Juifs dans leur travail sincère pour l’émancipation et mine ainsi l’efficacité de ce travail. Il ne s’agit pas de recommander ici une espèce d’hyper-patriotisme [allemand] ridicule ou de fermer les yeux sur l’antisémitisme, ni de ces tentatives indignes de complaisances douteuses, ni de toutes ces attitudes que les sionistes attribuent généralement aux prétendus assimilateurs. […] On peut comprendre la dignité de ceux qui disent ne pas vouloir fréquenter des hommes qui ne veulent pas de nous. Mais cette attitude en société ne doit pas être transposée à l’encontre de l’État. L’État, ce ne sont pas les autres, même s’ils en forment la majorité. Nous sommes aussi une partie de cet État, et il nous appartient aussi. L’émancipation n’est pas une question de relations sociales, mais une question de droit. Et pour son droit, il faut, il est indispensable de lutter. »[41]
Nous approchons ainsi des dernières interventions publiques de Brunner en Allemagne, avant que les nazis n’y prennent le pouvoir. En 1930, avec la publication d’un nouveau « livre juif », Brunner réagit rapidement au brusque changement des directives sionistes sur le plan international. Le 16e congrès, qui avait tenu ses travaux à Zurich en 1929, avait décidé de la création d’une Agence juive, « représentative du judaïsme mondial » et avait résolu dans ce but de l’ouvrir aux non-sionistes. Un accord officiel fut conclu avec des personnalités connues qui n’appartenaient pas au mouvement. Des désordres se manifestèrent aussitôt en Palestine dans les milieux arabes qui exigeaient un système de gouvernement parlementaire ; une crise s’ouvrit dans le mouvement sioniste. Le livre de Brunner pourrait donner l’apparence d’une réponse à l’ouvrage programmatique de Klatzkin Crise et décision au sein du judaïsme[42]. Bien plus qu’une réfutation tardive d’un ouvrage du début des années vingt, il traite de la préoccupation de Brunner devant l’élargissement de la propagande sioniste et de ses effets sur des hommes et des femmes qui auraient dû, selon lui, donner priorité à l’émancipation dans leur propre pays. « Nous ne traiterons pas seulement des péchés du sionisme, mais de la responsabilité conjointe des partis non sionistes au sionisme, et quasiment d’une sorte de sionisme de tous les Juifs… », écrit-il dès l’introduction[43]. Le titre se comprend donc aisément : les Juifs allemands doivent remplir complètement leurs devoirs, pour pouvoir exiger en contrepartie de l’État d’être reconnus dans tous leurs droits et pleinement défendus. Brunner reproche essentiellement à ceux qui collaborent au sionisme « leur immaturité politique ». « On ne doit évidemment pas exiger de façon générale plus de maturité politique ni plus de patriotisme des citoyens d’origine juive que de ceux de toute autre origine. Mais il faut cependant attirer l’attention sur le danger qui pèse sur ceux d’origine juive et sur aucun des citoyens d’une autre origine ; c’est l’étape transitoire de leur émancipation qui en décide ainsi. »[44] Dans cette analyse, Klatzkin ne fournit qu’une illustration permettant d’éclairer l’opposition fondamentale entre émancipation et sionisme. Il n’aurait pu choisir meilleur interlocuteur que son « petit lutin », comme il l’appelle, que son « petit Juif du ghetto ».
En même temps que son livre, Brunner écrivit une lettre à Klatzkin, dans laquelle on peut lire : « Toi frère Klatzkin, tu es certainement convaincu de ta position et tu appartiens aux meilleurs et aux plus sincères sionistes ! Mais meilleurs sont les sionistes et les antisémites, et plus dangereux sont-ils pour la vie des Juifs ; et les meilleurs parmi les sionistes sont encore plus dangereux pour les Juifs que les meilleurs parmi ceux qui nous haïssent (car le sionisme ne désigne rien d’autre que le danger et le malheur que les Juifs sont pour eux-mêmes depuis près de deux mille ans – le néologisme étranger “sioniste”, traduit en allemand, signifie : gardien du malheur pour les Juifs). Celui qui l’ignore encore, peut l’apprendre dans mon livre qui vient de paraître Des devoirs des Juifs et des devoirs de l’État. »[45]
Mais ce livre ne semble pas encore suffisant à Brunner pour atteindre un large public de Juifs et de non-Juifs et en appeler à leur conscience civique. Il concrétise donc un an après un projet qu’il caresse depuis longtemps : dresser un impressionnant parallèle entre la chasse aux sorcières, un fantasme aujourd’hui disparu, et la chasse aux Juifs, un fantasme encore bien vivant. Il espère faire comprendre ainsi à tous que l’Inquisition n’a disparu qu’avec la disparition de la croyance superstitieuse aux sorcières et autres créatures diaboliques, mais que la persécution des Juifs ne survit par contre que grâce à la croyance générale en des Juifs fictifs et imaginaires. Et une fois encore, Brunner implique aussi les Juifs dans la responsabilité de cette survivance. Pour lui, le nationalisme juif en fait partie. « C’est l’incroyable audace du sionisme : bien qu’il n’existe pas, il prétend apporter par son existence le bonheur aux Juifs qui souffrent ; il arrive à faire ce que je n’arrive pas à comprendre et que je devrais donc, béat d’admiration, apprécier davantage, – il arrive à désincarner les Juifs et à dévisser leur âme juive de leur corps pour la transporter dans un foyer plus chaleureux – à l’exemple de cet homme qui ronflait tellement fort, qu’il fut obligé, sur les conseils de son médecin, de louer une chambre loin de son habitation, afin de pouvoir enfin dormir en paix. »[46] Et, faisant allusion aux résolutions du dernier congrès sioniste de 1929, Brunner ajoute : « Les Juifs peuvent donc dormir en paix. Le même docteur, qui apaisa les souffrances de notre ronfleur, un certain docteur Weizmann[47], a loué une chambre pour l’ensemble des Juifs, sans doute un peu petite et un peu chère, mais suffisamment loin de leur foyer, une magnifique situation et quelques Arabes pour la cure d’amaigrissement des patients – bref, le plus désirable et le plus chaleureux des foyers. »
En août 1931 un article de Brunner parut encore dans les Annales prussiennes, « De la nécessaire auto-émancipation des Juifs allemands », sa dernière intervention publique dans son pays[48]. Il y décrivait encore le « séparatisme sioniste » comme le principal danger pour l’émancipation, en soulignant qu’il ne parlait pas particulièrement « des Juifs sionistes, mais du sionisme latent de ceux qui ne se considéraient pas comme sionistes ». Une réponse parut dans le journal de l’Union centrale (CV) sous la plume de son idéologue la plus marquante, Eva Reichmann[49]. Elle écrivait : « On n’est pas Juif au sens völkisch, parce que l’on ressent son être judéo-allemand, le fait de faire partie de son environnement allemand tout en étant différent de lui, comme positif et valant d’être vécu ; parce que l’on se reconnaît dans cette étonnante communauté de destin, rabaissée et relevée, mille fois anéantie et toujours ressuscitée. » Brunner n’avait pas mis en cause l’existence d’une « communauté de destin », mais la collaboration de non-sionistes de l’Union centrale à une politique qu’il jugeait d’autant plus dangereuse que les nationaux-socialistes « völkisch » gagnaient rapidement du terrain. Et tel était bien le cas. À l’analyse politique de Brunner, Eva Reichmann opposait des considérations psychologiques à propos d’une indéfinissable altérité.
D’inquiétants compromis
Ce que Brunner observait avec inquiétude, c’était le rapprochement des thèses sionistes et nationales-socialistes, leurs convergences dans un vocabulaire commun ; ils s’affirmaient tous deux en véritables défenseurs nationalistes de leurs peuples respectifs. Cette tendance qui s’emparait déjà des confrontations publiques apparut sans détours dès que les nazis parvinrent au pouvoir. Déjà en 1932, Robert Weltsch, rédacteur en chef influent du Jüdische Rundschau, déclarait : « Les Juifs… forment… un incomparable “Hapax legomenon”[50] de l’histoire universelle… Le sionisme est très conscient de vouloir accomplir une tâche historique sans précédent. Il en appelle à la compréhension et à l’aide des peuples, qui eux-mêmes souffrent de la question juive. […] Le sentiment qu’il éprouve pour sa propre nationalité, pour la valeur irremplaçable de la communauté de sang qui détermine la nature la plus profonde avec tous ses impondérables, rend précisément le Juif national capable de comprendre le vrai sentiment national en tant que tel. […] Ce n’est que si l’on parvient à insérer les Juifs dans l’État comme un groupe caractéristique, sans le blesser intérieurement, que la vie commune des Allemands et des Juifs sera sainement possible dans le Reich futur, quelle que soit la forme qu’il prendra. Peut-être suffit-il pour cela d’un peu plus de confiance en soi de part et d’autre. »[51]
Quand Hitler devint chancelier, la presse sioniste développa une vaste campagne dans le but de démontrer que les sionistes étaient les seuls interlocuteurs juifs fiables, avec lesquels un accord politique pouvait être conclu, une sorte de concordat juif. Vingt éditoriaux du journal sioniste furent édités sous forme de livre. Dans sa préface, Robert Weltsch écrivit : « Dans un monde qui se présente en opposition totale au libéralisme, cela n’a pas de sens de vouloir vivre en Juif “libéral”. Il convient de bâtir du nouveau. La condition première d’une telle reconstruction est de connaître la réalité. […] Nous tenons pour infructueux de vouloir rejeter sur d’autres la responsabilité de nos amères expériences ; il est bien plus important de reconnaître la nôtre, car là où nous avons failli, nous devrions pouvoir y remédier nous-mêmes. Les évènements n’ont fait de nous des Juifs qu’au sens formel ; faire de ce judaïsme une réalité intérieure est notre affaire. Ces articles veulent y appeler. »[52] Le cours des choses entraîna les sionistes à se faire accepter « des instances responsables du nouvel État allemand ». Weltsch : « Un principe du sionisme fut toujours la volonté de prendre pleinement en considération les difficultés du monde non juif résultant de la question juive et de faire des Juifs un partenaire de négociation, qui, en édifiant une nouvelle vie juive, apporterait aux autres peuples une aide active au règlement de “leur” question juive. » On voit immédiatement à quelle distance nous nous situons déjà du combat des Juifs émancipés, cible privilégiée des nazis. Lorsque, en juin 1933, une discussion s’engagea dans les milieux juifs autour de l’idée d’une « nouvelle émancipation » sous l’hégémonie nationale-socialiste, Brunner avait déjà dû chercher refuge en Hollande pour assurer sa sécurité.
Avec quel malin plaisir les nazis n’ont-ils pas dû lire cette série d’articles de propagande sioniste dans lesquels les soi-disant « assimilateurs » de l’Union centrale, la majorité organisée des Juifs allemands, était traitée avec un tel mépris : « Les Juifs allemands dans leur grande majorité cherchaient leur salut dans l’assimilation et avaient coupé derrière eux tous les ponts avec le judaïsme. Le sentiment d’appartenance historique fut miné, le mur de séparation entre les Juifs et leur environnement sembla devenu invisible. De nombreux Juifs, en parvenus rassasiés, ne voulaient plus avoir affaire avec les choses juives, pour ne plus rappeler les différences qui les distinguaient de leur entourage. […] Les Juifs allemands, dans la croyance injustifiée en leur supériorité intellectuelle, vivaient en vérité dans un monde complètement fictif et irréel. Et avec cela il fallait que, dès l’apparition du sionisme, l’on niât avec arrogance tout rapport avec la nationalité juive et la Palestine. La responsabilité la plus lourde et la plus tragique des Juifs allemands résidait dans le fait qu’ils ne voulaient pas voir la question juive. On entendait sans cesse cette phrase banale : il n’y a pas de question juive, et sans cesse des dirigeants à courte vue cherchaient à faire croire que quelques petites brochures apologétiques permettraient progressivement de tout régler. Des milliers, peut-être des millions de Marks d’argent juif furent probablement gaspillés de cette façon, non pour une cause juive d’avenir, mais pour s’illusionner et se faire plaisir à soi-même. […] Si l’on avait consacré ne fût-ce qu’une partie de l’argent dépensé en pure perte pour l’inutile “propagande défensive” à des entreprises constructives en Palestine, alors des centaines et des milliers de Juifs obligés d’émigrer trouveraient aujourd’hui un appui. »[53]
Il n’entre pas dans notre propos d’approfondir ici toutes les contradictions internes du monde juif. Des textes de Brunner, publiés après-guerre dans son Testament spirituel, témoignent du profond ébranlement qu’il vécut en ces jours tragiques : « À présent je suis atteint (Jetzt bin ich gebissen) », écrivit-il au début d’un article entamé le 6 mars après les élections au Reichstag et achevé en exil à La Haye en juin 1933[54].
Je terminerai cette contribution sur quelques considérations au départ d’un questionnement presque rhétorique de Lothar Bickel, l’exécuteur testamentaire de Brunner. Dans sa préface au livre posthume L’homme démasqué, ce fidèle disciple du philosophe écrivait : « Sa vie durant, Brunner n’a pratiquement pas modifié sa position sur la prétendue question juive. Même dans le présent ouvrage il voit la solution du problème dans une assimilation radicale des Juifs. Nous pouvons cependant supposer que Brunner, s’il avait vécu la création d’un État juif indépendant, rendu nécessaire par le déracinement d’une grande partie de la judéité européenne et rendu possible dans une nouvelle configuration historique, l’aurait saluée avec joie. Il est cependant certain qu’il se serait encore efforcé de convaincre les Juifs vivant et continuant à vivre en dehors d’Israël de la nécessité d’une complète assimilation. Sans doute aurait-il cependant tenu compte du fait que les Juifs ont aujourd’hui le choix, soit de s’assimiler à la nation dans laquelle ils vivent, soit de s’enraciner en Israël. »[55]
Il est toujours risqué de formuler de telles suppositions. Selon ses principes universalistes, Brunner aurait certainement pris acte de la naissance d’un nouvel État, qui aurait les mêmes problèmes à résoudre que ceux existant. Si Israël entend s’assurer un avenir de paix pour ses citoyens et avec ses voisins, les leçons de l’histoire, et pas seulement de l’histoire des Juifs, vaudraient pour lui aussi. Dans ce beau livre introduit par Bickel, un véritable traité sur le peuple, l’État et la démocratie, Brunner écrit : « L’Allemagne est encore bien jeune. »[56] Bien plus jeune encore est Israël, et d’autant plus menacé par un patriotisme arrogant. À la place de la « teutomanie » qu’il redoutait, n’aurait-il pas inventé le mot « judomanie » ? Et n’aurait-il remplacé « national-allemand » par « national-juif » ? N’aurait-il pas transposé ainsi pour Israël sa réflexion si juste sur l’Allemagne ? Israël est bien la preuve que, comme au temps de Brunner, il n’existe pas de question juive qui puisse être « résolue » par la séparation des peuples ; les questions mal posées sont des pièges fatals. L’émancipation et la tolérance, malgré toutes leurs limites bien mises en évidence par Brunner, restent pourtant la meilleure solution possible aux conflits sociaux. Avec cette restriction sur laquelle il insistait : « L’émancipation étatique, d’une remarquable structure anatomique, ne suffit pas, si la fonction physiologique est en défaut ; seule la complète immersion dans l’organisme qu’est le peuple produit la vraie vie et la liberté. »[57] Mais qu’arrive-t-il si la société se bloque et s’y refuse ? Il ne reste alors pour Brunner que le long travail de « modification » de la nature humaine, de la nature de l’« animal dénaturé avec sa demi-raison et sa demi-folie ».
Pour conclure
Combien Brunner est resté fidèle à ses fondements universalistes, voilà ce qui se constate aisément à sa réaction au moment où fut évoquée pour la première fois avec un certain réalisme la possibilité d’un État des Juifs en Palestine. C’était peu avant la Déclaration Balfour du 2 novembre 1917. Sans doute était-il au courant des tentatives sionistes de persuader à la fois l’Allemagne et l’Angleterre d’accepter un protectorat sur la Palestine. Dans la première préface à La Haine des Juifs et les Juifs, il écrivait en septembre 1917 : « S’il devait se produire que la guerre secouât à ce point le caléidoscope que dans l’image du monde apparaisse en effet un nouvel État juif en Palestine, alors il y aurait dorénavant dans le monde deux sortes de Juifs, les Juifs de Palestine probablement moins juifs que ceux en dehors de la Palestine, – car ils se seraient retirés de leur combat dans le monde ; n’ayant pu s’imprégner de la profondeur de leur destin, ils ont voulu le déterminer eux-mêmes. Le destin n’arrive pas comme on l’appelle. Eh bien non – les nouveaux Juifs protégés et privilégiés en Palestine seront quelque chose de pire qu’un “peuple juif”. »[58] Son diagnostic s’est révélé tragiquement juste.
[1] « Kurze Rechenschaft über die Lehre von den Geistigen und vom Volk » (1911), in : Constantin Brunner, Kunst, Philosophie, Mystik, Zurich, Humanitas Verlag, 1940.
[2] Il fut forgé en 1879 par le publiciste Wilhelm Marr (1819-1904).
[3] Eugen Dühring, Die Judenfrage als Racen-, Sitten- und Culturfrage. Mit einer weltgeschichtlichen Antwort, Karlsruhe et Leipzig, Reuther, 1881, p. 154.
[4] Eugen Fuchs (1856-1923), Bericht der Rechtsschutz-Commission über ihre bisherige Tätigkeit, erstattet in der ordentlichen Versammlung vom 16. April 1894, Berlin, 1894 (Rapport d’activité de la commission de protection juridique, présenté à l’assemblée générale ordinaire du 16 avril 1894).
[5] Die Menorah, hebdomadaire, Hambourg, 27 mars 1891.
[6] Nathan Birnbaum, Die nationale Wiedergeburt des jüdischen Volkes in seinem Lande, als Mittel zur Lösung der Judenfrage, Vienne, 1893, p. 39 (La renaissance nationale du peuple juif dans son pays, comme moyen de résoudre la question juive).
[7] Max Nordau, Der Zionismus und seine Gegner, ein Vortrag, 3e édition, Berlin, 1905.
[8] Theodor Herzl (Benjamin Seff) : Mauschel (Youpin), in Die Welt, n° 20, 15 octobre 1897.
[9] Karl Kraus, Eine Krone für Zion, Vienne, Verlag Moriz Frisch, 1898. Reproduit dans : Karl Kraus,
La littérature démolie, traduit de l’allemand par Yves Kobry, précédé d’un essai de Elias Canetti, Paris, Rivages poche, 1993.
[10] Friedrich Heman (1839-1922), Das Erwachen der jüdischen Nation oder Der Weg zur endgültigen Lösung der Judenfrage, Bâle, P. Kober, 1897.
[11] Ibid, p. 9.
[12] Die Welt, 6 août 1897, p. 8.
[13] Dr F. Heman, Was soll man vom Zionismus halten ? Gedanken eines Nichtjuden (Que penser du sionisme ? Réflexions d’un non-Juif), in : Emil Kronberger, Zionisten und Christen, Leipzig, M. W. Kaufmann, 1900, p. 54. L’auteur mentionne ici l’expédition coloniale allemande de 1897 en Chine et sa colonie africaine.
[14] Eugen Fuchs, « Enquete über den Zionismus », Berliner Vereinsbote, 24 décembre 1897, in : Eugen Fuchs, Im Deutschtum und Judentum, Gesammelte Reden und Aufsätze (1894-1919), au nom de la CV, édité par le Dr Leo Hirschfeld, Kaufmann, Francfort s. M., 1919, p. 228.
[15] Kurt Blumenfeld, « Deutscher Zionismus », Jüdische Rundschau, 2 septembre 1910. Repris dans le recueil : Zionistische Betrachtungen, fünf Aufsätze von Kurt Blumenfeld (Considérations sionistes, cinq articles de K. B.), Berlin, 1916.
[16] Kurt Blumenfeld, Fünf Aufsätze, op.cit., p. 11.
[17] Jehuda Reinharz, Dokumente zur Geschichte des Deutschen Zionismus, Tübingen, J.C.B. Mohr, 1981, p. 125.
[18] Schriften zur Aufklärung über den Zionismus, n° 1: « Zionistische Taktik » (La tactique sioniste), herausgegeben vom Antizionistischen Komitee, Berlin, (1912?), p. 17. Le second « écrit pour éclairer le sionisme » aura pour titre « Der Zionismus, seine Theorien, Aussichten und Wirkungen » (Le sionisme, ses théories, ses perspectives et ses effets), (1912-13?), p. 17.
[19] Ignaz Zollschan, Das Rassenproblem, unter besonderen Berücksichtigung der theoretischen Grundlagen der jüdischen Rassenfrage (Le problème de la race, considéré en particulier selon les fondements théoriques de la question raciale juive), Vienne, Leipzig, Wilhelm Braumüller, 1909.
[20] Voir à ce sujet, dans des éditions sionistes : Max Besser, Die Juden in der modernen Rassentheorie, Jüdischer Verlag, 1911 ; Alexander Schueler, Der Rassenadel der Juden (la noblesse de race des Juifs), Jüdischer Verlag, 1912.
[21] Houston Stewart Chamberlain, Die Grundlagen des neunzehnten Jahrhunderts (1898), Munich, F. Bruckmann, 1909 (9e édition).
[22] Zollschan, op.cit., p. 261.
[23] Constantin Brunner, Der Judenhass und die Juden, Im Auftrag des International-Constantin-Brunner-Instituts, mit einem Vorwort von Hans Goetz, herausgegeben von Jürgen Stenzel, Berlin-Vienne, Philo, 2004, p. 56.
[24] Ibid, p. 63.
[25] Jakob Klatzkin, Krisis und Entscheidung im Judentum. Der Probleme des modernen Judentums, Berlin, Jüdischer Verlag, 1921 (2e édition), cité par Zollschan.
[26] Jakob Klatzkin, Krisis und Entscheidung im Judentum. Der Probleme des modernen Judentums, Berlin, Jüdischer Verlag, 1921 (2e édition), cité par Zollschan.
[27] Der Judenhass und die Juden, op.cit., p. 91.
[28] Zollschan avait adopté la théorie néo-Lamarckienne de Richard Semon (1859-1918), dont le livre Die Mneme als erhaltendes Prinzip im Wechsel des organischen Geschehens (La mnémè comme principe de stabilité dans la transformation des processus organiques) avait paru en 1904. Voir à ce sujet : Veronika Lipphardt, Biologie der Juden, Jüdische Wissenschaftler über “Rasse” und Vererbung 1900-1935, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2008.
[29] Der Babylonische Talmud, ausgewählt, übersetzt und erklärt von Reinold Mayer, Munich, Goldmanns Gelbe Taschenbücher, 1963, p. 532 (Le Talmud de Babylone, traduit et commenté par Reinhold Mayer, traduction française : J. A.).
[30] Constantin Brunner, Memschelet sadon. Letztes Wort über den Judenhass und die Juden, Berlin, Verlag Neues Vaterland, 1920, p. 97.
[31] Ibid, p. 98.
[32] Ibid, p. 108. Brunner oppose « Schutzgeist » (esprit protecteur) à « Schutzjuden » (Juifs protégés ou nantis de privilèges), notion très familière aux Juifs. L’article « Judenschutz » du Jüdisches Lexikon (tome III, 1927) définit ainsi le type de protection que les autorités civiles accordaient sous l’Ancien Régime aux Juifs en tant que particuliers ou communauté.
[33] Voir plus loin Des devoirs des Juifs et des devoirs de l’État.
[34] Voir plus loin Des devoirs des Juifs et des devoirs de l’État.
[35] Constantin Brunner, Vom Einsiedler Constantin Brunner, Mein Leben und Schaffen, Unsere scholastische Bildung, Das Unglück unseres deutschen Volkes und unsere Völkischen, Potsdam, Gustav Kiepenheuer Verlag, 1924, p. 97. La troisième partie, traduite et présentée par moi a paru chez Didier Devillez Éditeur, Bruxelles, 2008, en collaboration avec Mémoire d’Auschwitz ASBL, sous le titre : Le malheur de notre peuple allemand et nos « Völkisch », un philosophe allemand de l’antisémitisme, du nazisme et du sionisme.
[36] Constantin Brunner, Vom Einsiedler Constantin Brunner, Mein Leben und Schaffen, Unsere scholastische Bildung, Das Unglück unseres deutschen Volkes und unsere Völkischen, Potsdam, Gustav Kiepenheuer Verlag, 1924, p. 97. La troisième partie, traduite et présentée par moi a paru chez Didier Devillez Éditeur, Bruxelles, 2008, en collaboration avec Mémoire d’Auschwitz ASBL, sous le titre : Le malheur de notre peuple allemand et nos « Völkisch », un philosophe allemand de l’antisémitisme, du nazisme et du sionisme.
[37] Constantin Brunner, Liebe, Ehe, Mann und Weib, Potsdam, Gustav Kiepenheuer Verlag, 1924.
[38] Constantin Brunner, Materialismus und Idealismus, Potsdam, Gustav Kiepenheuer Verlag, 1928.
[39] Constantin Brunner, Aus meinem Tagebuch, Potsdam, Gustav Kiepenheuer, 1927, p. 248.
[40] Fritz Blankenfeld, Kimchi (Emil Grünfeld), Ernst Ludwig Pinner, Los vom Zionismus, Francfort s. M., J. Kaufmann Verlag, 1928.
[41] Ibid. Postface, sur la question des Juifs orientaux en particulier, p. 63.
[42] Jakob Klatzkin, op. cit.
[43] Constantin Brunner, Von den Pflichten der Juden und von den Pflichten des Staates, Gustav Kiepenheuer, Berlin, 1930, p. 7. Ce livre a été traduit et présenté par moi sous le titre Des devoirs des Juifs et des devoirs de l’État, Bruxelles, Éditions Aden, 2011.
[44] Ibid, p. 123.
[45] Constantin Brunner, lettre à Jakob Klatzkin, 1930, Brunner-Institut.
[46] Constantin Brunner, Höre Israel und Höre Nicht-Israel (Die Hexen), Gustav Kiepenheuer, Berlin, 1931, p. 30. Ce livre, traduit et présenté par moi, a été publié sous le titre Écoute Israël, Écoute aussi Non-Israël (Les sorcières), Didier Devillez Éditeur, Bruxelles, 2011. L’ouvrage contient aussi La nécessaire auto-émancipation des Juifs allemands, dont il sera question plus loin.
[47] Haim Weizmann (1874-1952), président de l’organisation sioniste de 1920 à 1929, fut le principal artisan de son élargissement à de non-sionistes.
[48] Preußische Jahrbücher, August-Heft 1931, repris dans : Constantin Brünner, Vermächtnis (Testament spirituel), Martinus Nijhoff, Den Haag, 1952, p. 114.
[49] « Leben oder Untergang ? Eine Antwort an Constantin Brunner » von Dr Eva Reichmann-Jungmann, dans le Central-Verein-Zeitung, 16 octobre 1931, p. 495. Voir aussi : Avraham Barkaï, “Wehr Dich!”, Der Central-Verein deutscher Staatsbürger jüdischen Glaubens 1893-1938, Munich, C. H. Beck, 2002, p. 243.
[50] Exemple unique.
[51] Robert Weltsch, « Judenfrage und Zionismus », dans : Klärung. Zwölf Autoren und Politiker über die Judenfrage (Éclaircissements. Douze auteurs et politiciens à propos de la question juive), Berlin, Verlag Tradition Wilhelm Kolk, 1932, cité dans Robert Weltsch, An der Wende des modernen Judentums, Tübingen, J. C. B. Mohr (Paul Siebeck), 1972.
[52] « Ja-sagen zum Judentum, eine Aufsatzreihe der Jüdischen Rundschau zur Lage der deutschen Juden » (Affirmer le judaïsme, une série d’articles de la Revue juive sur la situation des Juifs allemands), Berlin, Verlag der Jüdischen Rundschau, 1933.
[53] Ibid. « Deutsche Juden und Palästina », 28 mars 1933, avant même le boycott des commerces juifs du 1er avril.
[54] « Am 6. März », dans : Vermächtnis, op. cit., p. 49.
[55] Constantin Brunner, Der entlarvte Mensch, herausgegeben und eingeleitet von Lothar Bickel, La Haye, Martinus Nijhoff, 1951, p. VI.
[56] Ibid, p. 131.
[57] Ibid, p. 143.
[58] Constantin Brunner, Der Judenhass und die Juden, Oesterheld & CO, Berlin, 1918, p. XXXI. On ignore pourquoi Brunner n’a pas repris la dernière phrase dans la réédition de 1919.