N°1 / Résistances au musée

« Résistance ». Éléments pour la muséohistoire d’une matière hautement dangereuse

Frédéric Rousseau

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La Seconde Guerre mondiale. Un passé très présent

Depuis la Libération[1], le continent européen s’est couvert de nombreux espaces muséaux[2] consacrés à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale[3]. Publié en 2007, un Guide touristique d’histoire militaire en Europe recensait près de 1200 musées consacrés à cette période ; pour la France on dénombrait alors environ 200 espaces de ce type qualifiés de mémoriaux, de musées, de centres d’histoire, etc. Depuis ce recensement, plusieurs établissements ont renouvelé leur exposition permanente (Limoges, Lyon) et de nouveaux espaces muséaux se sont ouverts à l’instar du Mémorial de l’Internement et de la Déportation Camp de Royallieu inauguré en 2008 à Compiègne ; d’autres évolutions sont annoncées pour les prochaines années. Tous ces musées ont en commun d’être des objets particulièrement vivants, leurs expositions évoluent, se complètent ou se transforment au gré des acquis de l’historiographie, au gré aussi d’éventuels changements de tutelle (voir les nombreux passages du statut associatif privé à celui de musée repris par les collectivités territoriales locales) mais aussi sous l’influence des régimes mémoriels qui dominent successivement les représentations du passé dans nos sociétés. Mais ce qui frappe de prime abord l’observateur, c’est l’extrême variété des traitements muséographiques de la Seconde Guerre mondiale. Les expositions diffèrent selon la localisation géographique des musées (zone urbaine ou rurale, voire montagnarde ; zone sud ou occupée, voire zone interdite), les spécificités de l’expérience locale de la guerre et les personnalités de leurs entrepreneurs ; certains ont fait le choix de se focaliser sur un aspect particulier, sur une bataille, comme en Normandie, ou sur un « grand homme », comme à Colombey-les-Deux-églises[4] ; en France, ils sont relativement nombreux à avoir axé plus spécifiquement leur narration sur la Résistance à l’occupation allemande et au régime de Vichy, ainsi qu’à sa répression ; en témoigne d’ailleurs souvent, mais pas toujours, la dénomination adoptée par ces lieux fréquemment intitulés « Musée de la Résistance et de la Déportation ». C’est à ces derniers que sont consacrées les lignes qui suivent, à ceci près toutefois qu’il ne pouvait être question d’aborder en quelques pages, ni tous les espaces produisant en France un récit centré sur la Résistance et sa répression (plus d’une soixantaine de sites recensés auxquels pourraient être ajoutés bien d’autres musées évoquant aussi, plus ou moins rapidement, cette dimension de la guerre), ni toutes les problématiques offertes à la muséohistoire de ces lieux d’histoire et de mémoires.[5] En conséquence, seul un certain nombre d’espaces muséaux — une quinzaine visités entre décembre 2009 et le printemps 2013 — composent le corpus analysé. Celui-ci, bien que très incomplet, apparaît suffisamment conséquent et hétérogène pour mener un essai d’analyse comparative ouvrant sur quelques problématiques clés. Précisément, considérant que s’il existe une Histoire du Temps Présent[6] cette dernière est assurément inséparable de Mémoires du Temps Présent, cet article se concentre sur le concept même de « résistance », un concept moins stable qu’il n’y paraît et mettant particulièrement en tension passés et présents, histoire et mémoires. Tout en comparant les différentes expositions entre elles, l’analyse confronte systématiquement les narrations muséales au savoir historien — ce qui est l’objet même de la muséohistoire —, le but étant de retrouver ce qu’il reste aujourd’hui de « la Résistance » française dans la mémoire muséale — partie intégrante de la mémoire sociale. Par-delà les différents usages muséaux du terme pouvant être répertoriés, il s’agit d’en repérer les lignes de force mais aussi les écarts pouvant exister d’un site à l’autre. Enfin soixante-dix ans après la Libération, derrière les figures d’un certain nombre d’acteurs de l’histoire, résistants, occupants, collaborateurs, ce sont autant de modèles et de contre-modèles — civiques et moraux — qui sont proposés aux publics. En cela, mais aussi parce qu’elles mêlent hypermnésies et amnésies, mises en valeur, réductions et quelques effacements, les expositions muséales de ce passé ne sont donc pas neutres ou sans effet politique ; au contraire, sous couvert de restitutions « scientifiques » du passé de plus en plus souvent cautionnées par des comités ad hoc où siègent des historiens « spécialistes », elles façonnent et diffusent non seulement des interprétations idéologiquement et politiquement engagées, mais aussi des messages porteurs de prescriptions normatives plus ou moins explicites, pour notre présent et notre futur ; c’est tout cela que la pratique de la muséohistoire peut dénicher au creux de questions aussi simples que celles-ci : qu’est-ce que résister et qu’est-ce qu’un résistant ?

Le corpus

À titre indicatif, le corpus est présenté ci-dessous par ordre chronologique des années de création des expositions visitées. Il importe toutefois de ne pas sur-interpréter la portée explicative de ces dates car même entre deux refontes totales, nombre d’expositions permanentes sont l’objet d’ajouts et de retraits pouvant infléchir sensiblement le propos initial ; cela se vérifie particulièrement dans les établissements les plus « artisanaux » et les plus anciens, qui font régulièrement évoluer leur récit, notamment au fil des dons reçus, à mesure aussi des découvertes historiographiques et documentaires, sous l’influence également des traitements médiatiques (documentaires, magazines, films, etc.) qui à certains moments éclairent tel ou tel phénomène ; et enfin selon les attendus des discours associatifs et ceux d’autres réseaux de connaissance et d’expérience.

À plus d’un égard, cette présentation liminaire est trop succincte. Les musées retenus diffèrent en effet par leur localisation géographique mais aussi par leur histoire, leurs initiateurs, leurs inspirateurs, leur taille, leurs moyens, leur degré de fréquentation, leurs dates de fondation et/ou de re-fondation, leurs objectifs, leurs tutelles, leurs modes de gestion, leurs contraintes, etc., autant d’éléments susceptibles d’influer sur l’orientation du contenu d’une exposition à tel ou tel moment. Dans le cadre de cet article, il est impossible de renseigner tous ces points mais ponctuellement, on verra que certains de ces éléments ne sont pas sans influencer tel ou tel choix narratif.

Qu’est-ce que « résister » et qu’est-ce qu’un « résistant » ?

À ces deux questions simples de prime abord, peu d’espaces muséaux apportent une réponse concise et directe. Cela s’explique en partie par le fait que ces musées se sont d’abord construits comme des musées de l’entre soi dont la relative « communauté » d’expérience des entrepreneurs et de leurs premiers publics formée par les anciens résistants ne paraissait pas nécessiter d’avoir à définir le combat résistant. En outre, les premiers concepteurs d’exposition évitaient également tout risque de conflit interne. Mais cette imprécision tient tout autant au fait que ce que l’on appelle « la Résistance »[7] fut historiquement un phénomène nébuleux, multiforme, mouvant, évolutif ; ajoutons que depuis la Libération jusqu’à nos jours, la Résistance a été et demeure l’objet de nombreuses et parfois vives querelles d’interprétation[8] ; aujourd’hui, la réévaluation du rôle de Vichy et du sort spécifique des Juifs nourrissent souvent des narrations plus complexes, mais parfois moins lisibles aussi ; enfin, après soixante-dix ans de travaux académiques, certains aspects de « la Résistance » restent encore, pour partie, mal connus. Aussi, afin d’aboutir à une définition, il est souvent nécessaire de considérer l’ensemble des narrations développées par les différents musées ; et que constate-t-on ?

Une première manière de réponse peut consister en une définition large comme celle proposée par le musée de Grenoble à ses publics scolaires : « Les résistants : ces Français, hommes et femmes, qui n’acceptent pas la défaite et le nazisme. Civils et militaires, les résistants se battent contre les nazis et les Français qui collaborent… »[9] ; au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon (CHRD), on peut lire : « Résister, c’est accepter de vivre dans l’illégalité et apprendre en conséquence à déjouer de multiples dangers » ; suit la liste des « dispositifs » censés « préserver » la vie du résistant… Toutefois, un dernier paragraphe élargit de façon sensible les contours de la notion de résistance : « Résister, c’est aussi porter aide et assistance aux personnes menacées et pourchassées, affirmant ainsi sans consignes particulières sa désobéissance à une loi ou à un ordre contraire à sa conscience. » La narration lyonnaise intègre donc à la Résistance toutes les actions individuelles ou collectives de sauvetage et prend du même coup ses distances avec une vision de la Résistance que l’on peut juger trop exclusivement institutionnelle[10]. Dans un tout autre style relevant davantage du folklorisme de la fin du XIXe siècle que de l’histoire telle qu’elle s’écrit aujourd’hui, le musée de Saint-Brisson propose un portrait-type du maquisard morvandiau : « Il est âgé de 20 à 22 ans. Il est originaire du Morvan, ou bien il réside en région parisienne, mais dans ce second cas, il connaît bien le Morvan. C’est probablement un jeune paysan, ou quelqu’un qui travaille dans une ferme. Il n’est pas habitué au confort, et donc il pourra s’adapter assez facilement à la vie du maquis… »  Denain précise : « Le mot résistance évoque souvent le combat sans uniforme avec arme. En fait la lutte contre l’occupant et les représentants de l’État français de Vichy ouverts à la collaboration avec l’ennemi a revêtu des formes multiples qu’il convient de ne pas sous-estimer » ; on le voit, contrairement à beaucoup d’idées reçues, les musées sont fort loin de réduire la Résistance à la lutte armée mais tâchent de restituer les différentes formes qu’elle a effectivement prise depuis juin 1940. D’un musée à l’autre, plusieurs types d’actions sont successivement énumérés et c’est au fil de sa visite que le visiteur voit la définition peu à peu se préciser et s’enrichir, se complexifier même : sont abondamment cités la propagande clandestine (tracts, graffitis, presse), les manifestations (Cahors, 14 juillet 1940 ; celles du 11 novembre 1940 dans plusieurs localités du Lot, celle de Compiègne rappelée à Royallieu, ou encore celle sur les Champs Élysées évoquée à Champigny, Royallieu et Toulouse ; la protestation émise par Paul Cazin le 11 novembre 1942 devant le monument aux morts de Millay dans la Nièvre, etc.), la transmission de renseignements, les sabotages et les actions armées ; Denain, Toulouse ou encore Champigny, ajoutent à ce répertoire d’actions la grève, comme celle déclenchée en mai 1941 par des mineurs du Nord. Mais cette grève était-elle une simple action revendicative corporatiste ou bien doit-on la considérer comme un des premiers actes de résistance ouvrière et… communiste ? Les avis divergent encore sur ce point[11]. Toulouse précise cependant que 244 de ces mineurs furent déportés à Sachsenhausen… ce qui de facto les intègre à l’histoire de la Résistance et de sa répression. Cahors rappelle quant à lui la grève des ouvriers de Figeac (22 octobre 1942). L’évocation, ou non, de ces grèves ouvrières et minières dans les musées de la Résistance relève de deux enjeux combinés : il s’agit en effet de magnifier ou au contraire de minorer la résistance ouvrière à l’occupant, et particulièrement des communistes, avant et après l’invasion de l’URSS ; nous allons y revenir. D’ores et déjà, il convient de garder à l’esprit que parmi ces différentes actions, certaines se prêtent plus facilement que d’autres à un traitement muséographique et jouissent donc d’une exposition plus large. Ainsi la plupart des musées exposent-ils des photographies spectaculaires d’ouvrages d’art (ponts, viaducs, voies) détruits ; souvent datées de juin-juillet 1944, elles sont indissociables de celles évoquant les parachutages, elles accréditent l’idée de l’importance de l’aide apportée aux Alliés par la Résistance dans la libération du pays et soulignent la reconnaissance de ce rôle par les alliés, ce qui, en somme, légitime l’action de la Résistance. L’activité de la presse clandestine est également très souvent illustrée ; dans ce dernier cas particulièrement, ce traitement privilégié renvoie tout d’abord à l’existence effective et très décentralisée d’une myriade de publications d’obédiences très diverses, mais aussi à la relative facilité avec laquelle ce type d’activité clandestine peut être mise en musée : issues de fonds privés ou départementaux, les collections de journaux sont souvent abondantes et autorisent la mise sur le même plan des différents courants d’opposition, ce qui est aussi une manière de gommer les profondes divergences qui les divisaient à l’époque ; de cette ample exposition ressort à la fois une impression de foisonnement et de multitude que l’on peut trouver assez peu proportionnelle avec l’impact effectif des publications clandestines, qui au demeurant reste difficile à évaluer ; il n’est pas rare que les présentations de la presse clandestine soient accompagnées de celles de différents objets tels que des presses, des jeux de caractères d’imprimerie, etc. (Champigny, Castelnau-le-Lez, Grenoble, Toulouse). On conçoit aisément qu’il soit moins évident et surtout moins spectaculaire d’évoquer la transmission de renseignements… Mais d’autres activités sont encore illustrées : ainsi celles des passeurs (Toulouse) ; des cartes retracent les filières d’évasion (Besançon, Cahors) ; les officines de fabrication de faux-papiers sont également évoquées (Besançon, Nantua).

Une sociologie éclatée où le masculin l’emporte

Au travers de ces différentes évocations, ce sont différentes catégories de personnes qui apparaissent : ainsi les ouvriers et les mineurs à l’occasion des grèves évoquées. Mais aussi de nombreux militaires (particulièrement à Grenoble, Nantua, Morette), des intellectuels tels que Marc Bloch, le héros de la nouvelle exposition du CHRD de Lyon ; sont également mis à l’honneur des croyants — le rôle pionnier de l’équipe de Témoignage chrétien est souvent mentionné, ainsi à Champigny, Lyon. Grenoble indique que des « représentants des Églises prennent position contre la discrimination raciale ». Le visage rayonnant du futur abbé Pierre y est également exposé. Partout, les jeunes gens sont très majoritaires. Et cette surreprésentation souligne encore le faible nombre de figures féminines présentes dans ce panthéon. Aucune femme ne figure dans les organigrammes de la Résistance présents dans de nombreux musées. Somme toute, cette absence correspond à la réalité historique, les cas d’une Lucie Aubrac ou d’une Marie-Madeleine Fourcade étant tout à fait exceptionnels. Pour autant, affirmer que l’histoire de la Résistance dans les musées se résume à une histoire d’hommes serait certainement exagéré. Peu de musées ont oublié de faire une place aux femmes ; en cela ils sont en phase avec l’évolution de la société française pour partie acquise aux revendications féministes mais aussi avec l’historiographie qui a récemment éclairé et réévalué le rôle des femmes dans la société et particulièrement dans la Résistance[12]. Ceci étant, il reste à examiner précisément comment est exposé ce rôle dans les musées. Denain, pour sa part, rend un hommage appuyé aux « femmes dans la résistance » mais sur 115 visages de résistants exposés sur les panneaux présentant les « composantes de la résistance », on ne dénombre que… 5 visages de femmes ; Cahors appelle lui aussi à se souvenir des « femmes dans la Résistance : Elles furent 19, dans le Lot, à recevoir la Prestigieuse Médaille de la Résistance… 19 !! Mais elles furent 100 ! Mais elles furent 1 000 ! Mais elles furent bien plus encore, les femmes de chez nous, à se battre avec nous, pour nous, et, n’oubliez jamais… pour vous qui nous lisez, pour que nous soyons libres… aujourd’hui et… demain !… »[13] Fort peu sont citées en tant que membres actifs de réseaux ou maquis mais Grenoble perpétue le souvenir de Marie Reynoard, un moment chef de la section iséroise du mouvement Combat, et reconstitue son appartement, siège de la réunion fondatrice ; Limoges se souvient de Thérèse Menot, ou encore de Denise Decossas qui abrita dans son appartement une imprimerie clandestine ; Romans honore Paulette Seguret faite officier de la Légion d’honneur et décorée par le général de Gaulle pour ses actions dans la Résistance le 14 juillet… 1973 seulement. Tergnier est le seul à présenter une femme en arme : avec cette légende qui signifie à quel point ce type d’engagement resta exceptionnel : « cette femme armée et casquée symbolise le courage des femmes engagées dans la résistance » ; produisant un contraste saisissant, sa veste d’homme laisse apparaître une robe fleurie. Cette photographie laisse soupçonner le montage rétrospectif… Quoi qu’il en soit, en règle générale, les femmes de la Résistance apparaissent cantonnées aux tâches de liaison (Nantua ; Limoges se souvient de Gabrielle Sarre), d’infirmerie (Romans rend ainsi hommage à Odette Malossane, capturée à la grotte de la Luire et morte à Ravensbrück), de secrétariat (Daisy Martin et Geneviève Fassin-Rivière au CHRD de Lyon), de renseignement, de convoyage et de passage ; l’exposition de Nantua fait preuve d’originalité en mettant en scène une femme imprimeur. Mais peu après, une scène d’intérieur est reconstituée où l’on voit une femme qui tricote pendant qu’une autre règle un poste radio… Il est exact qu’un certain nombre ont concouru au ravitaillement des maquis ne dérogeant ainsi pas aux tâches dites « ménagères » ; la nouvelle exposition de Limoges précise à ce sujet : « Les femmes jouent un rôle essentiel dans la résistance maquisarde. Elles fournissent des repas chauds et entretiennent le linge, soutenant ainsi les jeunes recrues… » Au total, on le voit, ces représentations muséales restituent assez parfaitement « les formes prises par la Résistance des femmes [qui] reproduisirent dans l’ensemble la division sexuelle du travail »[14]. Limoges consacre d’ailleurs une part de sa toute nouvelle exposition à « la mode et aux magazines féminins », ce qui tranche quelque peu par rapport à l’exposition antérieure[15]. Au CHRD de Lyon, c’est à une femme, Andrée Gaillard, « 4 ans en 1940 », qu’il revient d’évoquer le « rationnement »… Est-ce encore le fruit du hasard ou la pesanteur de nos représentations genrées ? Et puis les femmes apparaissent surtout sous le statut de victime ; ainsi à Cahors, où le martyre des femmes résistantes arrêtées est amalgamé à ceux des femmes déportées pour motif racial et des victimes civiles de la barbarie nazie (Oradour-sur-Glane) ; à Cahors également, sont assez lourdement commémorées les « Femmes de fusillé, mères de fusillé, filles de fusillé, Qui sait leurs cauchemars tout au long d’une vie ? Qui peut imaginer l’atroce déchirure qu’elles portent au cœur, encore aujourd’hui ? Femmes de déporté, mères de déporté, filles de déporté… […] Femmes de combattants, mères de combattants, filles de combattants… » Par ailleurs, Cahors se distingue par l’hommage rendu aux médecins qui ont aidé la Résistance ; ce musée est encore l’un des seuls, avec celui de Saint-Brisson et celui de Limoges, à saluer expressément l’aide cruciale apportée à la Résistance par les paysans… Celui de Saint-Brisson, dans le Morvan, fait une brève allusion aux « campagnes » devenues lieux de refuge pour des réfractaires au STO, des résistants en fuite et les familles juives traquées ; concernant ces dernières, le musée s’approprie d’ailleurs le terme de « justes » pour qualifier de façon générique les sauveteurs de Juifs dans leur ensemble, ce qui témoigne de la place acquise dans la mémoire du second conflit mondial de cette figure créée en 1953 par l’État d’Israël et plus généralement de la destruction des Juifs d’Europe de plus en plus fréquemment évoquée au travers du camp devenu emblématique de cette tragédie, Auschwitz-Birkenau[16]. De fait, plusieurs musées de facture récente rendent hommage aux Justes de leur département : Limoges pour la Haute-Vienne, Grenoble pour l’Isère ; ce dernier est aussi celui qui fait la plus large place aux hommes et aux femmes, ces « justes » sans doute à jamais méconnus et qui, sans être titulaires du titre honorifique décerné par l’Institut Yad Vashem de Jérusalem ont néanmoins œuvré à titre individuel ou au sein d’organisations telle que la Cimade, au sauvetage des Juifs traqués en leur donnant refuge ou en facilitant leur mise à l’abri hors du territoire — la France est avec l’Italie l’un des pays à avoir la proportion la plus forte de Juifs survivants[17]. Dans le prolongement de l’analyse de ces éléments narratifs, on peut encore se demander si les Juifs pour leur part sont uniquement représentés en tant que victimes. De ce point de vue, une inflexion se fait jour dans les musées dits de seconde génération ayant refondu leur exposition dans les années 1980-90 pour inscrire également des Juifs dans la Résistance et ne pas les cantonner au seul statut de « victime passive ». C’est notamment le cas à Grenoble et à Besançon. Dans un panneau intitulé « Tous unis dans un combat commun » le second cite des ouvriers, des femmes, des intellectuels, des Juifs, des étrangers. Ces derniers sont notamment évoqués à Nantua, ou encore à Lyon qui rappelle le souvenir des FTP-MOI du groupe Carmagnole sans toutefois indiquer explicitement le rôle éminent joué par les Juifs[18]. L’exposition de Grenoble est encore plus précise sur ce point et titre : « Être Juif et
résister. Directement issues de la communauté juive, des organisations, nombreuses en Isère, peuvent être regroupées selon trois objectifs : l’aide sociale et le secours aux enfants, la sauvegarde de la religion, de la tradition et de la mémoire juive et la lutte armée… » Un peu plus loin, le musée évoque les FTP-MOI : « (Francs tireurs et partisans-Main d’œuvre immigrée). Issue du Parti communiste […]. En août 1942, les FTP-MOI sont organisés en vue de la lutte armée (sabotage, guérilla urbaine) […]. Sont principalement composés de combattants polonais, hongrois, roumains et italiens, pour la plupart juifs. […] Le groupe Liberté, à Grenoble, est l’auteur d’un nombre impressionnant d’attentats et de sabotages, tout particulièrement de septembre 1943 à mars 1944. ». L’exposition rappelle entre autres l’engagement de Nelly Waltzman, née en Belgique de parents juifs polonais ou encore celui de Marianne Cohn, militante des Jeunesses sionistes de la zone sud et fusillée en juillet 1944 (également commémorée à Morette)… Résistantes, juives et femmes.

Question de datation : les « entrées en résistance » 

Quelles que soient les formes revêtues concurremment et/ou successivement par la Résistance, on retiendra également leur grande concordance avec l’agenda de la guerre mondiale scandé par de « grandes dates-clés » telles que celles du 18 juin 1940, du 22 juin 1941, du 6 juin 1944, etc. Nettement, la datation des « entrées en résistance » constitue le premier point délicat de toute exposition : en effet, les repères chronologiques retenus (ou pas) structurent le contenu du récit muséal ; et tout dépend si l’on aborde la résistance « d’en haut », c’est-à-dire du point de vue des institutions ou des organisations que sont notamment les partis, les syndicats, l’armée ou des mouvements progressivement institutionnalisés comme celui de la France Libre, ou « d’en bas », c’est-à-dire du point de vue des individus, des groupes plus ou moins informels souvent révélés à eux-mêmes, progressivement, par les circonstances. Au-delà des liens évidents pouvant exister entre les multiples formes de résistance et l’agenda de la guerre mondiale, quelle place est faite aux uns et aux autres[19] ? Très clairement, l’intégration au petit groupe héroïque des « premiers résistants » n’est pas sans portée politique et sociale durant les décennies qui suivent tant l’antériorité du geste se révèle gage de capital symbolique, social et politique pour l’après-guerre[20]. De ce point de vue, la prime est emportée par les Français Libres et leur chef. Dans la mémoire française telle qu’exposée dans les musées visités — comme d’ailleurs dans nos manuels scolaires —, l’Appel du 18 juin 1940 marque généralement la date du refus premier, significatif et public de la défaite et de l’Occupation, « l’aube de la Résistance » selon les termes employés à Nantua ; Cahors affiche l’Appel à l’extérieur près de l’entrée. Grenoble qui cultive son approche didactique précise : « Les FFL [sont] des résistants français qui se battent contre l’Allemagne à l’extérieur de la France » ; « Des quatre coins du monde, des Français rallient la France Libre »… Au passage, notons que Champigny se distingue en mettant sur le même plan l’Appel du 18 juin et l’appel du Parti Communiste français (PCF) lancé au « Peuple de France » en juillet 1940, un parallèle pour le moins hasardeux tant la ligne politique du parti était alors schizophrène[21]. Pour autant, dans tous les musées considérés, à l’exception notoire et assez incompréhensible de celui de Royallieu-Compiègne, cette date du 18 juin ne fait pas problème et est généralement rappelée comme la date, de facto, du début de la Résistance organisée depuis Londres par le général de Gaulle, créateur de la France Libre[22].

L’épine dans le pied mémoriel des communistes

Concernant la résistance intérieure, particulièrement communiste, la question est en revanche beaucoup plus délicate compte tenu du rôle primordial mais aussi fortement controversé joué par le PCF à la veille de la guerre et au tout début de celle-ci. Il est nécessaire de rappeler ici que le PCF, tout au moins sa direction nationale et la plupart de ses cadres se sentirent — jusqu’à l’invasion de l’URSS par les armées d’Hitler le 22 juin 1941 — tenus envers les troupes d’occupation à la réserve imposée à tous les partis inféodés à Moscou par le Pacte de non-agression germano-soviétique du 23 août 1939[23]. De fait, bien peu de musées français oublient de mentionner la signature du Pacte germano-soviétique, véritable épine politique dans le pied mémoriel des communistes[24] ; mais il y a plusieurs manières de le faire. Certains, comme le Musée de Morette, établissent un lien direct pour ne pas dire causal entre cette signature et l’implication de la France dans la guerre consécutive à l’invasion de la Pologne par les armées d’Hitler ; il n’est pas le seul : à Grenoble, le rappel du Pacte a beau être précédé par celui de « l’acceptation du démembrement de la Tchécoslovaquie » par la France et la Grande-Bretagne, il est bien censé avoir permis à Hitler, « ainsi protégé à l’est », d’« engager la guerre à l’ouest ». Le même nouement causal se retrouve à Toulouse. Pourtant, ainsi que l’illustrent d’autres expositions, d’autres mises en contexte de la signature de ce document important sont possibles : ainsi au Musée de la Résistance nationale de Champigny, dont la création doit beaucoup aux anciens résistants communistes et à leurs associations, une photographie montre Ribbentrop et Molotov signant le Pacte sous l’œil de Staline ; mais, fort significativement, elle est encadrée par un jeu de photographies illustrant toutes les autres signatures de pactes du même type réalisées antérieurement par tous les pays voisins de l’URSS… ; dans le même ordre d’idées peuvent aussi être relevées certaines absences : aucun des musées visités ne mentionne ni l’accord franco-allemand de non-agression du 6 décembre 1938[25], gage d’apaisement entre les deux nations, ni les atermoiements des « démocraties » française et britannique devant l’offre d’alliance proposée par Staline à la France et à la Grande-Bretagne en avril 1939, offre encore discutée, non-acceptée sans être repoussée dans les jours décisifs d’août 1939… À nouveau, seul Champigny se distingue en faisant une brève allusion à ces négociations qui s’apparentèrent surtout à un jeu de poker menteur. Notons que ce musée est aussi le seul du corpus à rappeler que « Le gouvernement Daladier fait préparer la guerre contre l’URSS » et à exposer des « […] extraits des projets d’attaque dressés par l’état-major, 22 février 40 ». Grenoble, Toulouse et Limoges rappellent aussi que la répression contre les communistes débuta dès septembre 1939 avec les « décrets Daladier »… Par ailleurs, si le Musée de Besançon évoque lui aussi le Pacte, il est un des rares à y adjoindre la transcription des articles 1 et 2 du fameux « protocole secret »[26] réglant le sort et le partage de la Pologne entre les deux signataires ; mais il ne manque pas d’inscrire le Pacte dans le temps diplomatique long et évoque de façon circonstanciée les accords de Munich et leurs conséquences désastreuses. L’exposition de Romans, qui est, rappelons-le, la plus ancienne du corpus rassemblé (1974), indique également la « signature du Pacte de non-agression entre l’Union soviétique et l’Allemagne prévoyant le partage de la Pologne, l’annexion soviétique de la Lettonie, de l’Estonie, de la Lituanie et de la Finlande ». Mais contrairement à celle de Besançon, elle le fait avec des accents un peu datés et sentant bon la Guerre froide, reprenant à son compte cette expression issue d’un ouvrage d’historien : « La France, sentinelle sacrifiée du monde atlantique »[27]… À Nantua, le Pacte est signalé pour souligner l’attitude paradoxale du Parti communiste français qui d’un côté dénonce « une guerre impérialiste qui ne concerne pas les ouvriers » et en même temps « prône la libération du territoire national. […] L’invasion de l’URSS clarifie sa position ». Dans la nouvelle exposition de Limoges apparaît ce panneau intitulé « La lutte contre l’ennemi intérieur. Le régime pétainiste entend lutter contre l’ennemi intérieur français, en pourchassant Juifs, communistes et francs-maçons. Entamée par le gouvernement Daladier suite au Pacte germano-soviétique, la traque des communistes est facilitée par la stratégie du PCF qui, tout en dénonçant l’État français, ménage de longs mois l’Allemagne hitlérienne […]. La stratégie du PCF. Suivant les consignes de Moscou, le Parti communiste français s’abstient jusqu’en 1941 de condamner l’Allemagne nazie, appelant même les travailleurs parisiens à fraterniser avec l’occupant, négociant avec Otto Abetz la reparution de L’Humanité. Critiquant en revanche Vichy, il privilégie l’action revendicative, menée tant dans les entreprises que dans les municipalités… »

Bien sûr, et bien que la lutte engagée par le PCF contre le régime de Vichy ne puisse être réduite à « l’action revendicative », tout est vrai dans ce que disent ces différents musées. Pour autant, le rappel de faits réels sans mise en perspective ne suffit pas à produire un récit conforme à la réalité sociale et politique du moment. Les communistes ont bien été parmi les premiers à combattre Vichy qui le lui rendait bien… Ne se sentaient-ils pas un peu seuls alors ? Observons au passage que bien peu de narrations ont pris le même soin à décortiquer le rôle longtemps trouble d’une autre internationale, l’Église de Rome et ses cadres français… Besançon est un des seuls à préciser que : « Jusqu’aux arrestations massives des Juifs en 1942, l’épiscopat français constitue l’un des principaux soutiens de la Révolution Nationale et du Maréchal Pétain ». Et alors que cette question était fermement abordée dans la précédente exposition du CHRD de Lyon, elle a quasiment disparu de la nouvelle… Tel n’est pas le cas à Grenoble ou encore à Toulouse, siège il est vrai de l’archevêché tenu par Mgr Saliège, l’auteur de la fameuse lettre pastorale condamnant les persécutions antisémites en août 1942. Toulouse et Cahors exposent la lettre et sa copie. On s’aperçoit donc qu’aujourd’hui, il est des « compromissions » moins condamnables qu’hier. Pourtant, le long silence de l’Église de France, comme le réveil tardif de certains prélats, n’ont pas été sans effet sur le comportement des Français.

Au total, et si l’on n’y prend garde, la réduction du rôle des communistes à celui de son organisation partisane pourrait déboucher sur l’occultation du souvenir des militants communistes, qui, à titre individuel – et comme beaucoup d’autres personnes qui d’ailleurs n’avaient aucun lien avec un quelconque parti – sont entrés en résistance et dans la clandestinité bien avant l’invasion de l’URSS. Disons d’emblée qu’une telle occultation ne pouvait avoir lieu à Limoges où le héros local, maquisard particulièrement précoce et libérateur du Limousin, est absolument incontournable, bien que communiste ; mais c’est là où la notion de discours « en mode majeur » et « en mode mineur » s’avère particulièrement utile au décryptage ; en mode majeur, par leurs gros titres et leurs panneaux d’information générale, les musées proposent généralement ce qu’ils considèrent eux-mêmes comme les lignes de force de leur récit et du message qu’ils souhaitent transmettre ; le panneau cité plus haut se rattache à ce mode de discours en mode majeur, qui ici stigmatise l’attitude du PCF ; mais, en dépit de cette focalisation de l’attention du visiteur sur l’attitude de la direction du parti, de nombreux contrepoints sont bien présents sous forme de panneaux consacrés à quelques personnalités marquantes, rapportant des anecdotes et des faits de portée limitée ou locale ; de proche en proche, et pour qui prend le temps est ainsi distillé un discours en mode mineur venant compléter et nuancer le propos majeur qui par fonction et visée éditoriale peut sembler trop souvent simplificateur[28] ; comme l’explique l’un des deux co-auteurs lors de l’inauguration de la nouvelle exposition : « […] Le musée veut rendre compte de la complexité de la période : tous les communistes n’ont pas été des résistants de la première heure, des élus socialistes ont voté les plein pouvoirs à Pétain, une partie de la droite s’est reconnue dans le Maréchal… »[29] ; aussi apprend-on à Limoges qu’ « En août 1940, Georges Guingouin, instituteur à Saint-Gilles-les-Forêts, rédige un ˝Appel à la lutte˝. […] il entend d’abord expliquer la situation aux militants communistes désorientés par le Pacte germano-soviétique. Mais il appelle aussi à la Résistance. Se révèle un leader de premier plan qui entend immédiatement entamer la lutte contre ˝Pétain, vieillard revenu en enfance˝. » Le panneau suivant précise encore : « Le premier maquisard. Georges Guingouin a reconstitué le réseau communiste du secteur d’Eymoutiers et récupéré le matériel d’impression dissimulé suite à l’interdiction du PCF. Il imprime plusieurs tracts à la ronéo et fournit des papiers aux militants recherchés. En février 1941, menacé, il passe à la clandestinité et se réfugie à la ferme du Mouret chez les Bourdarias. Il finit par prendre le maquis devenant pour les uns ˝le fou qui vit dans les bois˝, pour les autres le ˝premier maquisard˝. » Il est amusant de constater que sur aucun support Guingouin n’est lui-même qualifié de militant communiste ! Sans doute, les habitants de la région – d’un certain âge ou plus sûrement d’un âge certain – connaissent-ils ce fait, mais les plus jeunes, et surtout le visiteur extérieur, doivent le déduire de leur lecture supposée continue et attentive. Évoquant ensuite la « Naissance de la résistance », l’exposition limougeote indique cinq dates-clés qui font encore la part belle aux non-communistes, gaullistes notamment : « août 1940 : Henri Fresnay pose les bases du mouvement Combat ; décembre 1940 : Christian Pineau publie le premier numéro de Libération (nord) ; 15 mai 1941 : Fondation du Front national ; 1er janvier 1941 (sic)[30] : Jean Moulin parachuté en zone sud ; novembre 1942 : création d’un comité de coordination des mouvements en zone sud » ; deux « résistances » sont ensuite distinguées : « […] Répondant à l’appel du général de Gaulle, quelques milliers d’hommes et de femmes veulent combattre en Angleterre et forment les Forces Françaises libres (FFL). D’autres préfèrent en revanche lutter en métropole. Les uns construisent leur action sur le plan militaire, fournissant des renseignements à Londres, favorisant l’évasion de soldats alliés, sabotant la machine de guerre allemande ; les autres privilégient une action civile, diffusant une presse d’opposition ou protégeant les hommes et les femmes que traquent les services répressifs — Juifs, communistes, socialistes, républicains… Cette première résistance reste cependant ultra-minoritaire[31]. Car si les Français refusent dans leur masse l’occupation et la collaboration, beaucoup accordent encore leur confiance au Maréchal Pétain et bien peu sont prêts à s’engager dans la lutte clandestine. » Si les mots choisis ont du sens, et ils en ont certainement pour les narrateurs, le souci d’imprimer dans les esprits et la mémoire contemporaine la faiblesse numérique des premiers résistants est ici patent et mérite à ce titre d’être relevé ; il correspond en effet assez bien à la vulgate historiographique décrite et dénoncée notamment par Pierre Laborie, consistant à démonétiser le rôle et le nombre des résistants[32] ; sous couvert d’historicisation, cette tendance suppose également que tout un chacun(e) avait le choix de s’engager, et de prendre les armes. Or, c’est un acquis fondamental et déjà ancien des sciences sociales que d’avoir montré que les « dissidents actifs », et quelles que soient les circonstances, sont toujours une minorité proche de 5 % des populations concernées. La proportion d’engagements selon les catégories sociales est en outre étroitement liée à deux facteurs primordiaux : le coût de l’action pour les individus et leurs proches et le niveau de la domination sociale pesant sur ceux-ci[33]. Et puis cette interprétation réductionniste sous-estime la portée symbolique, l’impact social et politique, notamment le retentissement — sur les consciences anesthésiées par la défaite, les deuils, les séparations et les difficultés de la vie quotidienne — de ces engagements précoces qui en appelèrent d’autres à leur suite. Tous les musées n’éprouvent cependant pas cette difficulté à dire la part prise par les communistes dans la Résistance. Selon Champigny, « Trois organisations structurées » apparaissent pour la période 1940-1942 : « La France Libre, Le musée de l’Homme, le PCF » ; cette affirmation qui se place ici sur le plan institutionnel ne s’embarrasse guère de périodisation fine et peut faire problème, selon notamment que l’on distingue, ou pas, la résistance à l’occupant et l’opposition au régime de Vichy… Volontairement, Champigny amalgame les deux. Idem à Cahors pour lequel, les « Principaux initiateurs de la Résistance intérieure » sont : « Organisation secrète Parti communiste ; Armée d’armistice ; Parti socialiste ; Parti radical ; CNR et Comité d’action (Comac) »… À Tergnier, toutefois, le musée échappe au discours simplificateur en s’attachant à distinguer l’attitude du parti communiste de celle de nombre de ses militants : « Pendant l’été 1940, le Parti communiste français cherche encore sa voie entre neutralisme, attentisme et opportunisme politique. […] Mais beaucoup de membres antifascistes convaincus recréent dans la clandestinité des instruments de lutte contre l’occupant et le régime de Vichy. Dès octobre 1940, sous l’impulsion de Benoît Frachon, Charles Tillon ou encore Rol-Tanguy, l’Organisation Spéciale (OS) et des comités populaires se créent, regroupant des communistes et des syndicalistes. » ; les personnalités communistes citées figurent ici en tant que « premiers résistants » aux côtés du général Delestraint, de Pierre Brossolette, D’Estienne d’Orves, Henri Frenay ou encore Boris Vilde, ethnologue au Musée de l’Homme… Selon les régions concernées, selon l’appartenance idéologique des premiers créateurs de musées, selon surtout les représentations du parti communiste aujourd’hui dominantes dans notre société et chez les concepteurs des narrations muséales, la place dévolue aux communistes dans les musées de la Résistance varie. De ce point de vue, un cas extrême est ici présenté par le musée de Castelnau-le-Lez dont l’exposition est entièrement dédiée à La France Libre, à son chef – dont le portrait apparaît plusieurs dizaines de fois tout au long du parcours ! – et aux maquis locaux non-communistes. Il est clair que la teneur des expositions témoigne de la persistance de certains clivages politiques locaux parfois plus aigus que les oppositions nationales, et que d’autres passés douloureux rejouent sur les cicatrices du passé résistant : pour Castelnau, l’influence de Robert Bonnafous, premier narrateur véritable du musée, est patente. Cet ancien résistant s’engagea après la Libération dans l’armée, et trouva en Indochine la source d’un profond anticommunisme dont l’exposition porte la trace, en creux.

Autres clivages

Mais une autre question, celle des modes d’action, peut également s’avérer tout aussi clivante jusqu’à nos jours. Fallait-il en effet se contenter de se préparer pour le grand jour de la Libération promise ou bien fallait-il harceler l’ennemi, partout, sans attendre un hypothétique débarquement, au risque de susciter des mesures de représailles ? Parmi les musées visités, deux musées seulement abordent véritablement cette question mais à front inversé : Champigny et Royallieu, deux musées de la banlieue parisienne. Le premier, émanation d’associations d’anciens résistants de toute obédience mais à très forte représentation communiste, pose la question en ces termes : « Attentisme ou action immédiate ? » ; en-dessous est présentée une photographie prise au maquis des Glières lors d’un lever des couleurs assortie des précisions suivantes : « Les nombreux petits maquis actifs de Haute-Savoie reçoivent de Londres l’ordre, fin 1943, de se rassembler dans une zone facile à défendre pour créer un abcès de fixation. Cette première expérience de gros maquis finit tragiquement : 465 combattants (AS et FTP) sont décimés en mars 1944 par les GMR, les Miliciens et la Wehrmacht réunis. » En-dessous encore, cette remarque révélant divergences et ressentiments datant de l’époque de la guerre : « La résistance manque cruellement d’armes ; les parachutages sont insuffisants et souvent destinés aux organisations attentistes » ; sur le même panneau figurent « Deux textes révélateurs de la doctrine attentiste du BCRA : “Nous devions être prêts pour le Jour J” (Le Colonel Rémy à Pierre Villon, octobre 1942) ; “L’armée secrète devait se préparer pour intervenir le Jour J en concordance avec le plan de débarquement et éviter de procéder à des attaques actuelles d’objectifs ennemis” (Instructions transmises en avril 1943 par le général Delestraint, chef de l’AS, au nom du BCRA) » ; toutefois, une autre critique d’ordre stratégique perce sous celle de « l’attentisme » du BCRA : celle de la constitution des « gros maquis », fixes et peu mobiles, conçus sur le modèle des armées régulières. Londres privilégia longtemps ce dernier modèle qui aboutit notamment aux désastres des Glières, du Vercors et du Mont Mouchet. Notons au passage que le musée de Grenoble dresse, lui aussi, un bilan fort mitigé des « camps » militarisés : « La plupart de ces camps ne résiste pas à l’hiver 1943-1944. » Sont a contrario soulignées l’activité et l’efficacité d’autres unités de l’Armée secrète, les Groupes Francs de l’Isère, qui harcèlent l’occupant dans les vallées, sabotent les infrastructures ferroviaires, et se déplacent sans cesse afin de peser le moins possible sur les populations civiles, qu’il s’agisse des charges de ravitaillement ou des risques de représailles encourus. Beaucoup moins équilibrée est la présentation de Royallieu ; créé en partie à l’initiative du sénateur-maire Philippe Marini[34], celui-ci ne se contente pas de prendre l’exact contre-pied de Champigny dont le projet se veut beaucoup plus œcuménique[35]. Curieusement, après avoir longuement distrait le visiteur invité à suivre – images d’actualité à l’appui, un écran par voyage ! – les nombreux déplacements en province du Maréchal Pétain, mais sans avoir aucunement, jusque-là, ni présenté les différentes composantes de la Résistance, ni les raisons politiques pour lesquelles des hommes, et notamment des communistes, furent internés, fusillés ou déportés Nacht und Nebel, l’exposition passe directement à ce qui est ici appelé « La politique des otages[36] ». Un panneau est pourtant intitulé « Résistance à l’occupant », mais il se contente de signaler : « Juillet 1941. Dans une note interne, les Allemands comptabilisent 54 “actions terroristes” pour le seul mois de juillet, signe d’une résistance active à l’occupant. » Cette mention est accompagnée d’un diagramme allemand emprunté aux archives du Mémorial de la Shoah établissant le nombre d’attentats et de sabotages comptabilisés par le commandement militaire allemand de juillet 1941 à février 1942. Toutefois, ce que l’exposition met en exergue, ce sont les attentats communistes et leurs conséquences tragiques en termes de représailles : « 21 août 1941. En plein Paris, un sous-officier allemand de la Kriegsmarine, l’aspirant Moser, est assassiné. L’aspirant de marine Alfred Moser est tué sur le quai de la station de métro Barbès-Rochechouart, par un commando dirigé par Pierre Georges, le futur colonel Fabien… » ; certes, Royallieu n’est pas le seul à réduire les effets des attentats aux représailles et à « l’exécution » d’otages ; la nouvelle exposition de Limoges le rejoint sur ce point jusque dans les termes employés. Mais Royallieu va beaucoup loin dans sa volonté de stigmatiser ce moyen de lutte – le seul présenté –, ce qui n’est pas le cas à Limoges. À Royallieu, la focalisation sur les attentats et leurs suites réduit de la manière la plus caricaturale qui soit la « résistance à l’occupant » aux seuls attentats communistes intervenus après l’invasion de l’URSS par l’Allemagne ; dans la section précédente, l’exposition fait d’ailleurs de cette invasion le « tournant » de la lutte menée par les occupants secondés par la police de Vichy contre les communistes. Mais comment comprendre pourquoi les geôles et les camps sont déjà pleins de communistes ou supposés tels destinés à devenir des « otages », si l’on n’évoque pas auparavant les activités militantes – certes visant Vichy prioritairement, mais aussi et de manière croissante l’occupant – qui ont largement précédé l’invasion de l’URSS et entraîné le développement de la politique répressive ? Le musée-mémorial persiste dans son propos et préfère rappeler « l’Avis » lancé à la population française par le commandement militaire allemand : « […] En cas de nouvel acte, un nombre d’otages correspondant à la gravité de l’acte criminel commis sera fusillé… » ; avis non suivi d’effet comme on le sait : « Après un nouvel attentat, […] le MBF[37] ordonne l’exécution de 3 otages. Hitler veut 100 otages exécutés par soldat allemand assassiné » ; survient alors le rappel d’une autre affaire qui concerne d’assez loin Royallieu : « Les Français choqués. Octobre 1941. L’assassinat de deux officiers allemands, à Nantes et à Bordeaux, marque un tournant décisif dans la politique de répression. Trois résistants communistes venus de Paris assassinent le lieutenant-colonel Holtz à Nantes, le 20 octobre 1941. Les Allemands relèvent 200 noms dans la liste des internés du camp de Choisel, à Châteaubriant, Loire Atlantique. De leur côté, les services du ministre de l’intérieur du gouvernement de Vichy, Pierre Pucheu, établissent une liste de 61 personnes, des communistes en majorité, considérées comme les plus dangereuses : 17 des 27 otages qui vont être exécutés sont choisis dans cette liste. Parmi les victimes se trouvent Charles Michel, ancien député communiste du 15e arrondissement de Paris, Jean-Pierre Timbaud, secrétaire de la Fédération des métaux CGT de la région parisienne et Guy Môquet, jeune militant communiste de 17 ans. Ces fusillades, auxquelles s’ajoutent celles ordonnées après l’assassinat du conseiller de guerre Reimers, à Bordeaux, suscitent une grande émotion dans le pays. » S’agissait-il pour le concepteur de l’exposition[38] et son mandataire politique de communier avec le nouveau président de la République d’alors, dans son instrumentalisation grossière de la lettre de Guy Môquet[39] ? La question peut être posée puisque la lettre ne manque pas, effectivement, d’être reproduite… Il est également intéressant, au passage, de relever les termes choisis pour décrire ces événements dramatiques : les occupants tués par les résistants ne sont pas « exécutés » mais « assassinés » – selon les termes mêmes de l’occupant et de Vichy – alors que dans le même temps, les otages ne sont pas « assassinés » mais « exécutés » – encore une fois, selon les termes mêmes des oppresseurs[40]. La reprise sans précaution de ce vocabulaire pourtant fortement connoté criminalise et délégitime ce type d’actions résistantes. On se demande quel peut être le but poursuivi par ces mauvais jeux de mots et cette réduction de la Résistance aux seuls attentats individuels. Mais citons encore cette phrase sentencieuse qui suit immédiatement la fameuse « dernière lettre » de Guy Môquet : « Tout en tentant de mobiliser les Français contre l’occupant, de Gaulle est néanmoins hostile aux attentats individuels visant les Allemands considérant qu’ils entraînent d’inutiles massacres »… S’exprime ici l’idée que l’emploi de la violence n’est légitime qu’à condition d’être autorisée par les institutions et ceux qui prétendent les représenter. Ce point de vue est précisément celui défendu aujourd’hui par certains historiens pour lesquels de tels actes étaient « inutiles et dangereux avant 1944 »[41]. Dangereux ils l’étaient certainement, à la fois pour leurs auteurs et les otages victimes des représailles. Mais leur « inutilité » politique reste à démontrer. De fait, et revenant à Royallieu, on peut se demander si, en définitive, toute cette construction n’a pas qu’un seul objectif : déconsidérer la résistance communiste dans son ensemble et le Parti qui, bien que très affaibli, en porte encore aujourd’hui la mémoire[42] ; en réalité, l’exposition de cet ancien camp d’internement qui a pourtant accueilli tant de résistants ne dit rien de ce que fut la résistance intérieure, rien de ce que furent ses différents modes d’actions ; il faut sortir des salles d’exposition, parcourir les allées du jardin de l’ancien camp de Royallieu, s’arrêter (s’il ne pleut pas) auprès de bornes audio au hasard de tel ou tel témoignage sollicité pour entendre évoquée telle ou telle activité de résistance. On imagine l’efficacité d’un tel dispositif auprès d’une classe de lycéens aussi frigorifiés que leur professeur(e)… Un tel effacement est d’autant plus problématique qu’il apparaît dans un musée de toute dernière génération disposant des dernières « trouvailles » technologiques. Témoigne-t-il de ce nouveau régime mémoriel où il est devenu de bon ton de diminuer à tout prix les mérites des résistants[43] ? Annonce-t-il le régime mémoriel des prochaines années ? Il est trop tôt pour le dire. En tout état de cause, retenons tout de même que Champigny comme Royallieu, bien que dans des styles opposés, ont au moins le mérite de jeter un peu de lumière sur les divisions qui opposèrent effectivement différents courants de la Résistance notamment sur la stratégie à mettre en œuvre pour hâter la libération, autant de divisions que la célébration unanime de l’unité de la Résistance sous la houlette consensuelle du martyr Jean Moulin a généralement tendance à occulter. En creux, pourtant, ces divisions sont parfois reconnues comme ici par le musée de Saint-Brisson lorsque celui-ci rappelle, en mode mineur, la signature des accords d’Ouroux entre FFI et FTP intervenus le 4 août 1944 : « le texte prévoit : 1) pas d’attentisme ; 2) pas d’anticommunisme et en contrepartie pas de communisme ; 3) suivre les conseils de De Gaulle et répudier Vichy au même titre que les Allemands ; 4) un représentant FTP est attaché à l’état-major. Trois zones du département sur les huit existantes sont commandées par trois chefs FTP… »

« porté disparu » : le programme du CNR

Mais il est d’autres effacements sur lesquels on ne peut ici que brièvement attirer l’attention. La Résistance ne se réduit pas à la lutte contre l’occupant et le régime de Vichy. Or, qu’ont fait les musées des aspirations sociales et politiques fortement présentes dans certaines mouvances de la Résistance ? Où est passé le programme du CNR ?

On peut le dire assez nettement : bien peu de musées abordent cette dimension de la lutte. Et celui qui lui accorde la place la plus notable est celui de Toulouse, émanation du département de la Haute-Garonne, en terre socialiste.

Dès l’entrée, le musée départemental de Toulouse expose le « Manifeste » publié en avril-mai 1944 par Libérer et Fédérer, organe d’un mouvement socialiste-révolutionnaire éponyme né à Toulouse et implanté dans sa région ; sous le titre « L’insurgé », trois paragraphes évocateurs scandent le manifeste : « La victoire ne résoudra pas tous les problèmes… […] La reconstruction de la France devra se faire au profit du peuple… […] Gagner la guerre et gagner la paix… » En les parcourant, le visiteur peut appréhender la teneur d’un véritable programme de transformation sociale et politique : « Si demain les maisons sont rebâties pour être livrées aux propriétaires vautours, si les usines sont reconstruites pour redevenir les bagnes de la classe ouvrière, si l’économie française n’est relevée que pour replacer la paysannerie sous le joug des intermédiaires capitalistes, si enfin la vie politique du pays ne retrouve son rythme normal que pour permettre le retour au pouvoir des politiciens démagogues et incapables de l’ancien régime, à quoi auront servi les sacrifices de tous ceux qui sont morts dans les Flandres et en Afrique, qui tombent chaque jour en Italie et dans les maquis, qui subissent en Allemagne la déportation, qui souffrent ou agonisent dans les camps de prisonniers, dans les geôles de Vichy ou de la Gestapo ? Non seulement les exploitants traditionnels du peuple seraient les seuls bénéficiaires de la paix, mais la France, entre les mains de ceux qui l’ont toujours trahie, divisée et affaiblie, se trouverait définitivement reléguée au rang de nation de seconde zone… »

Dans ce même musée, et comme en complément, un panneau évoquant les combats pour la libération est intitulé : « Les aspirations sociales » : « Au-delà de leur combat militaire contre Vichy et l’occupant, les Résistants ont mûri un projet politique et social dans la clandestinité. De fait, les aspirations de changement sont revendiquées par la population, chacun appelle de ses vœux une “nouvelle société”. Signés dès le 13 septembre, les “Accords de Toulouse” préfigurent la future organisation de la production dans les usines. L’élan et la volonté de changement sont alors les meilleures armes d’une région qui sort meurtrie de la tourmente. » ; une copie de La République du Sud-Ouest datée du 15 septembre 1944 salue également les avancées sociales obtenues par les ouvriers de l’industrie aéronautique : « Toulouse à l’avant-garde du progrès social. […] Dès la libération de notre ville, des pourparlers s’engageaient entre patrons, ouvriers et représentants des syndicats intéressés… »

Par contre, on ne trouve pas trace à Toulouse du programme du Conseil national de la Résistance (CNR) du 15 mars 1944 ; d’ailleurs, sur la quinzaine d’établissements visités, à l’exception notoire du musée de Besançon qui l’expose intégralement et en pleine lumière, et du CHRD de Lyon qui, lui, le consigne dans une borne audio bien peu visible au visiteur pressé, aucun musée ne juge utile d’en transmettre le souvenir. Faute d’avoir mené une enquête spécifique sur ce point difficile à interpréter, on ne peut que s’étonner d’un tel oubli quasi généralisé.

En même temps, force est de constater que l’effacement quasi général des dimensions sociales et politiques de la Résistance coïncide avec l’esprit dominant de notre temps si soucieux de fabriquer du « consensus » et de la « pacification sociale », pour mieux obtenir « le consentement » nécessaire à l’application des politiques de régressions sociales et de renoncements démocratiques en cours. De ce point de vue, pour leur part et à leur manière, en effaçant notamment des mémoires les attentes sociales et politiques pourtant portées par de nombreuses franges de la Résistance au sortir de la guerre, les musées dépositaires de l’histoire et des mémoires résistantes semblent accompagner ce mouvement de désinvestissement idéologique qui traverse notre société. Bien sûr, que les musées – en tant qu’objets culturels – n’échappent pas à l’idéologie dominante de leur temps ne constitue pas une surprise. Mais précisément, les musées de la Résistance sont-ils des objets culturels comme les autres ? Par ce lissage politique, ne brouillent-ils pas leur message initial appelant à la vigilance et à la « résistance » ? Conçus à l’origine par les acteurs-témoins comme des conservatoires de modèles et de répertoires d’actions à transmettre, mais aussi susceptibles d’agir et de faire agir au présent, les musées de la Résistance et de la Déportation sont-ils voués à devenir soit des reliquaires aussi dépourvus de sens pour la plupart de nos contemporains qu’un reliquaire de saint médiéval, soit des fabriques du conformisme social et politique ? Il est pourtant certaines situations où s’indigner ne saurait suffire.

 

* * *

DATE DE L’EXPOSITION (ou date de fondation du musée).
Nom du musée : date de visite.

 

1980. Musée de la Résistance et de la Déportation de Castelnau-le-Lez (Hérault) : octobre 2012.

1982 (1974). Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon (Franche-Comté), (exposition refondue par l’historien François Marcot) : 9 août 2010.

1983. Musée de la Résistance en Morvan (Saint-Brisson) : 7 novembre 2012.

1984. Musée (départemental) de la Résistance en zone interdite de Denain
(Nord-Pas de Calais) : 10 novembre 2011.

1985. Musée de la Résistance nationale de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) : 12 décembre 2012.

1986. Musée de la Résistance et de la Déportation de Nantua (Ain) : 3 décembre 2009.

1986. Musée de la Résistance et de la Déportation de Tergnier (Aisne) : 16 avril 2010.

1992. Musée de la Résistance, de la Déportation et de la Libération du département du Lot (Cahors) : 7 décembre 2010.

1994 (1974). Musée de la Résistance et de la Déportation de Romans-sur-Isère (Drôme) : 2 décembre 2009.

1994. Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère (Grenoble) : 2 décembre 2009.

1994 (1974). Musée de la Résistance et de la Déportation de Toulouse (Haute-Garonne) : 7 décembre 2012.

2008. Mémorial de l’Internement et de la Déportation Camp de Royallieu
(inauguré le 23 février 2008 ; première pierre 25 mai 2007) : 9 mai 2012.

2012 (1965 et 1992). Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon (Rhône) : 4 décembre 2009 et 25 janvier 2013.

2012. Musée de la Résistance de Limoges [Initialement Musée de la Résistance et de la Déportation] (Haute-Vienne ; exposition refondue sous l’égide des historiens Olivier Wieviorka et Pascal Plas) : 14 octobre 2010 et 22 octobre 2012.

1964. Musée départemental de la Résistance haut-savoyarde de Morette (Savoie) : 28 septembre 2011.

 


[1] Merci à Julien Mary pour sa relecture d’une première version du texte et ses suggestions nombreuses.

[2] Sont ici rassemblés sous le terme d’espaces muséaux tous les lieux fermés présentant au public une exposition permanente support d’une narration de la Seconde Guerre mondiale.

[3] Selon un Guide des musées publié en 2007, le nombre de ces musées dépasse les 120 ; depuis, il s’en est ajouté une bonne dizaine. Cf. Sébastien Hervouet, Luc et Marc Brauer, 1200 musées 39/45 Guide Europe, Batz-sur-Mer, Éditions de la Poche de Saint-Nazaire Côte Sauvage, 2007.

[4] Le Mémorial Charles de Gaulle.

[5] Patrick Louvier, Julien Mary, Frédéric Rousseau (dir.), Pratiquer la muséohistoire. La guerre et l’histoire au musée. Pour une visite critique, Outremont (Canada), Athéna Éditions, 2012.

[6] Article d’Emmanuel Droit.

[7] S’agissant de muséohistoire, le choix est ici fait du R majuscule pour qualifier une résistance consciente d’elle-même et comprise dans toutes ses dimensions, institutionnelle, collective et individuelle, civile et militaire.

[8] Laurent Douzou, La Résistance française : une histoire périlleuse, Paris, Le Seuil, Points histoire, 2005 ; Olivier Wieviorka, La mémoire désunie. Le souvenir politique des années sombres, de la Libération à nos jours, Paris, Le Seuil, 2010 ; Pierre Laborie, Le chagrin et le venin, la France sous l’Occupation, mémoire et idées reçues, Paris, Bayard, 2011.

[9] Dans tout l’article, apparaissent en italique les citations extraites des différentes expositions muséales visitées.

[10] Jacques Semelin, Claire Andrieu, Sarah Gensburger (dir.), La résistance aux génocides. De la pluralité des actes de sauvetage, Paris, Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 2008.

[11] Olivier Wieviorka, Histoire de la Résistance, Paris, Perrin, 2013, pp. 55-56.

[12] Margaret Collins Weitz, Les Combattantes de l’ombre. Histoire des femmes dans la Résistance, Paris, Albin Michel, 1997 (1995) ; Claire Andrieu, « Les résistantes : perspectives de recherche », in Antoine Prost (dir.), La Résistance, une histoire sociale, Paris, Éditions de l’Atelier, 1997, p. 74. Christine Bard,
Les Femmes dans la société française au XXe siècle, Paris, Armand Colin, 2001, pp. 60-61.

[13] Souligné dans le document.

[14] Claire Andrieu, « Femmes », in Jean-Pierre Azéma, François Bédarida (dir.), 1938-1948. Les années de tourmente de Munich à Prague. Dictionnaire critique, Paris, Flammarion, 1995, p. 953.

[15] L’exposition antérieure comportait un panneau entier consacré à « la résistance civile », intégrant le « service social des MUR », les activités des femmes sous le titre « les femmes aussi » : « agents de liaisons, service social, agents saboteurs, distributions de carte d’alimentation, envois de colis aux prisonniers »…

[16] Grenoble, Toulouse, Limoges ; ce dernier insiste sur les évolutions des régimes mémoriels soulignant la longue minoration « du poids de la Shoah ». Sarah Gensburger, Essai de sociologie de la mémoire. L’expression des souvenirs à travers le titre de « juste parmi les nations » dans le cas français : entre cadre institutionnel, politique publique et mémoire collective, Thèse EHESS, 2006 (dir. Marie-Claire Lavabre).

[17] Claire Andrieu, « Le sauvetage, une notion renouvelée », in Jacques Semelin, Claire Andrieu, Sarah Gensburger (dir.), La résistance aux génocides. op.cit., p. 507. Yad Vashem a distingué 2000 justes français. Jacques Semelin, Persécutions et entraides dans la France occupée, Comment 75 % des Juifs en France ont échappé à la mort, Paris, Les Arènes-Le Seuil, 2013.

[18] La précision est apportée dans le catalogue de l’exposition : Isabelle Doré-Rivé (dir.), Une ville dans la guerre. Lyon 1939-1945. Les collections du Centre d’histoire de la Résistance et de la Déportation, Lyon, Fage éditions, 2012, pp. 86-89.

[19] Pour une approche processuelle de la Résistance, Cécile Vast, L’identité de la Résistance. Être résistant de l’Occupation à l’après-guerre, Paris, Payot, 2010.

[20] Jean-François Muracciole, Les Français libres. L’autre résistance, Paris, Tallandier, 2009, chap. XI « Destinées d’après-guerre », p. 297 et ss. Cela serait beaucoup moins vrai pour les membres de la Résistance intérieure, Olivier Wieviorka, Histoire de la Résistance, op.cit.

[21] Olivier Wieviorka, La mémoire désunie. Le souvenir politique des années sombres de la Libération à nos jours, Paris, Le Seuil, 2010, p. 100-101. Et O. Wieviorka, Histoire de la Résistance, op.cit., pp. 48-49.

[22] Jean-François Muracciole, Les Français libres. L’autre résistance, op.cit.

[23] Jean-Pierre Azéma, « Le Pacte germano-soviétique », in Jean-Pierre Azéma, François Bédarida (dir.), 1938-1948. Les années de tourmente de Munich à Prague. Dictionnaire critique, op.cit., pp. 993-1002.

[24] Le Musée de Saint-Brisson est de ceux-là.

[25] Jean-Baptiste Duroselle, Histoire diplomatique de 1919 à nos jours, Paris, Dalloz, 1974 (6e édition), p. 226.

[26] Protocole évoqué également à Royallieu.

[27] Pierre Miquel, La Seconde Guerre mondiale, Paris, Fayard, 1986.

[28] Dans une certaine mesure, on peut penser que ce discours en mode mineur constitue un compromis avec l’ancien discours des « témoins » auteurs de la première exposition et permet de ne fâcher personne. D’ailleurs, on retrouve ici mobilisés certains artefacts provenant de l’ancienne exposition, des photographies notamment. Le discours en mode majeur vise singulièrement les publics scolaires qui y retrouvent une sorte de manuel de substitution.

[29] Propos tenus par Olivier Wieviorka, le 25 janvier 2012, rapportés dans Les Amis du Musée de la Résistance de Limoges, Per Lou Grand, bulletin n° 89- Année 2012, p. 3. La ville de Limoges a aussi fait appel à Pascal Plas, spécialiste de l’histoire du Limousin durant la Seconde Guerre mondiale, actuellement chargé de mission au Centre de la Mémoire d’Oradour-sur-Glane.

[30] Il s’agit d’une erreur : Jean Moulin a été parachuté le 2 janvier 1942.

[31] C’est moi qui souligne.

[32] Pierre Laborie, Le chagrin et le venin. La France sous l’Occupation, op.cit.

[33] Mancur Olson, The Logic of collective Action. Public Goods and the Theory of Groups, Cambridge (É.-U.), Harvard University Press, 1965. Pour une étude plus récente, Hugues Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 2006, p. 100. Voir aussi François Marcot, « Combien étaient-ils ? », in id. (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2006, pp. 339-342.

[34] Sénateur de l’Oise, appartenant au courant Droite populaire de l’UMP.

[35] Voir Notre Musée. Revue de l’association du Musée de la Résistance nationale, n° 200, octobre 2011, pp. 4-5.

[36] On peut retrouver le récit et tous les documents présentés dans le parcours historique dans le catalogue de l’exposition : Le camp de Royallieu (1941-1944). De l’histoire au mémorial. Textes et documents réunis par Christian Delage, 2008.

[37] Commandement militaire allemand en France.

[38] L’historien Christian Delage.

[39] Pierre Schill, « Guy Môquet », in Laurence de Cock, Fanny Madeline, Nicolas Offenstadt, Sophie Wahnich (dir.), Comment Nicolas Sarkozy écrit l’Histoire de France, Marseille, éditions Agone/CVUH, 2008, pp. 133-136. La figure de Môquet est également évoquée à Tergnier mais sans reproduction de la lettre.

[40] Dans une récente émission de sa Fabrique de l’Histoire sur l’antenne de France Culture
(31 janvier 2013) consacrée au dernier livre d’Olivier Wieviorka, Emmanuel Laurentin reprend d’ailleurs ces mêmes termes : « aller assassiner un officier allemand sur un quai de métro… »

[41] Olivier Wieviorka, La fabrique de l’histoire (France Culture, 31 janvier 2013). Peu attentif au sens des mots, l’historien utilise le terme « assassina » pour qualifier l’attentat perpétré par Pierre Georges (Fabien) le 21 août 1941 dans le métro parisien, puis le terme « exécuta » concernant l’attentat de Nantes… Olivier Wieviorka, Histoire de la Résistance, op.cit., pp. 143-144.

[42] En date du 26 mai, le journal l’Humanité est un des seuls à commémorer le programme du CNR.

[43] Pierre Laborie, Le chagrin et le venin. La France sous l’Occupation, op.cit.

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Charles Heimberg

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