N°5 / La démocratie à l’épreuve de l’« état d’exception »

Crise européenne, démocratie et souveraineté

Entretien avec Jean-Marc Ferry

Tristan Storme, Yannis Thanassekos

Résumé

Entretien réalisé par Tristan Storme et Yannis Thanassekos, à Bruxelles, le 20 février 2015.

Jean-Marc Ferry est philosophe, professeur honoraire de sciences politiques et de philosophie morale à l’université libre de Bruxelles, et titulaire de la chaire de philosophie de l’Europe de l’université de Nantes. La question européenne occupe une place privilégiée dans son œuvre philosophique. On lui doit notamment La Question de l’État européen (Gallimard, 2000), Europe, la voie kantienne. Essai sur l’identité postnationale (Cerf, 2005), ou encore La République crépusculaire (Cerf, 2010).

Le début d’année 2015 a été marqué par deux événements majeurs dont le traitement médiatique et académique a eu partie liée avec la thématique de l’« exception » : les attentats qui ont endeuillé la France les 7 et 9 janvier derniers, ainsi que le triomphe de Syriza aux dernières élections législatives grecques. Quelques jours après ces événements, en février, M. Ferry a gentiment accepté d’évoquer pour nous cette actualité brûlante, à travers une réflexion plus large sur la situation de notre État de droit démocratique. Qu’en est-il de la démocratie européenne, à l’heure où le règlement de la crise grecque par la « Troïka » participe de dérives « postdémocratiques » non négligeables ? Qu’en est-il de l’État de droit libéral devant les mesures prises en urgence par nos gouvernements confrontés à la crise européenne – économique et financière – et à la « menace terroriste » ? L’exception est-elle un concept adéquat pour apprécier ce contexte politique qui est le nôtre ?

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Question : Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, plusieurs intellectuels (sociologues, politistes et philosophes) ont soutenu que les stratégies adoptées par les États de droit démocratiques afin de lutter contre le terrorisme (on peut bien sûr penser au Patriot Act) étaient enclines à désavouer le principe même de ces régimes en créant des « legal black holes », c’est-à-dire en recourant à des solutions extra-légales. Ces chercheurs et intellectuels condamnent le fait que ces « mesures exceptionnelles » seraient en passe de se généraliser, de se banaliser, si bien que nos États de droit, libéraux et démocratiques, tomberaient progressivement sous la coupe du règne infaillible de l’exception faisant désormais loi (sur ce point, certains mobilisent surtout Carl Schmitt, d’autres Walter Benjamin dans une perspective sans doute opposée).

Est-ce que le concept d’« exception » (de situation exceptionnelle, de mesures exceptionnelles, d’état d’exception) vous semble approprié pour appréhender ces nouvelles réalités auxquelles est confronté notre État de droit démocratique ? Et, plus encore, est-ce que l’affirmation suivant laquelle nous vivrions à présent sous la menace d’un « état d’exception permanent » (pour reprendre l’expression que Giorgio Agamben emprunte à Benjamin) vous paraît soutenable ?

Jean-Marc Ferry : Le bon sens n’est peut-être pas la chose du monde la mieux partagée chez les philosophes. Nos États de droit démocratiques disposent d’institutions de contrôle, telles que le Conseil constitutionnel dont la saisine, bien qu’étroite, est quand même assez ouverte pour qu’il puisse intervenir en cas de dérogation aux droits et libertés fondamentales des ressortissants. Aux dispositifs des États nationaux s’ajoutent ceux de l’Europe, que ce soit au niveau de Luxembourg (la Cour européenne de Justice) ou de Strasbourg (la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales). Il n’est en tout cas pas raisonnable de soupçonner nos gouvernants de n’attendre qu’une bonne occasion de suspendre les libertés.

Maintenant, on peut considérer qu’une situation structurelle affecte nos politiques à l’ère de la mondialisation économique. En Europe, les gouvernants ont, dès les années 1980 et avant, fait la cruelle expérience d’une impuissance politique, c’est-à-dire d’une incapacité d’agir isolément de façon efficace sur le destin de leur nation. On peut supposer que cette situation induise un syndrome où se mêlent des blessures narcissiques et une volonté de compenser cette « éclipse » du politique, cette perte de puissance par une forme de moralisme répressif, la politique faisant insidieusement place à une police des mœurs qui légifère tous azimuts à l’encontre d’addictions diverses et variées. Sans donner dans la paranoïa, il est quand même loisible de déceler quelques signes de cette dérive, dont une certaine dictature du politiquement correct n’est qu’un aspect encore soft.

Au total, il nous revient, je crois, d’assumer qu’en Europe le politique se trouve en crise latente à beaucoup d’égards. Cette situation appelle des gestes résolument froids, orientés vers des propositions constructives plutôt que des soupçons ou dénonciations qui servent surtout à flatter des egos d’intellectuels.

Q. : Giorgio Agamben va même jusqu’à affirmer que les tendances à la banalisation des pratiques exceptionnelles trouveraient leur origine dans la démocratie libérale elle-même. Étienne Balibar préfère parler quant à lui d’une « face d’exception » de l’État libéral. Le fonctionnement « normal » de l’ordre libéral impliquerait, dit-il, une part d’ombre intrinsèque à la fonction de l’État, qui demeure garant d’intérêts communautaires et particuliers. Il est certes « État de droit », un État d’intégration des individus à la communauté des citoyens, mais il est aussi, observe Balibar, État de police, État sécurisant, c’est-à-dire un État qui exclut l’anormalité.

L’État libéral et démocratique renfermerait-il une part de ce « mal » exceptionnel ? Doit-il trouver en lui-même la source de son propre reniement ? Nous aimerions connaître votre avis sur ces thèses qui localisent l’origine des déviances exceptionnalistes tantôt dans l’État de droit (Agamben), tantôt dans les fonctions « naturelles » de l’État (Balibar) – en présentant la démocratie comme l’une des victimes de ces dérives.

Au fond, cette question pose également, sans doute, celle de l’articulation entre l’État de droit libéral et la démocratie. Ces deux notions sont-elles solidaires au sein de l’État contemporain ? À votre avis, peut-on concevoir un État de droit non démocratique, ou une démocratie qui ne répondrait pas aux réquisits de l’État de droit ?

J.-M. F. : D’abord, sur le dernier point de votre vaste question : les « États de droit démocratiques », comme l’indique l’expression, vivent et se reproduisent sur un équilibre délicat entre État de droit et démocratie, et donc, dans une tension entre, d’une part, un pôle « libéral » des droits fondamentaux et de la justice politique, d’autre part, un pôle « républicain » de la souveraineté populaire et de l’autonomie civique. In thesi, les deux pôles à équilibrer l’un par l’autre sont réellement essentiels, c’est-à-dire consubstantiels à nos États. Cette réflexion est déjà ancienne, même si la théorie politique contemporaine a tenté de lui trouver de nouvelles formulations.

Dans les faits, l’équilibre entre les deux pôles est plus ou moins réussi. Il est clair qu’aucun État n’atteint la situation idéale d’une démocratie radicale alliée à une pleine satisfaction des droits fondamentaux. Mais voyez que, même dans une telle situation idéale, les clauses constitutionnelles d’état d’exception seraient requises ; et il faut bien aussi qu’une autorité politique puisse décider de la situation exceptionnelle, quitte à devoir rendre des comptes par la suite. Pardonnez le côté trivial de ma réponse, mais je ne vois aucune contradiction entre la version la mieux accomplie de l’État de droit démocratique et la prévision de mesures d’exception. En cela, oui, les auteurs que vous évoquez auraient raison, si toutefois leur geste ne prétendait démasquer une « vérité » occultée sous la « belle apparence » démocratique. Il n’existe à mes yeux aucune raison valable de présenter cette réalité comme s’il s’agissait d’un cadavre dans le placard.

Q. : À la suite des attentats meurtriers des 7 et 9 janvier derniers, commis à la rédaction de Charlie Hebdo et à l’épicerie casher à Paris, on a vu le gouvernement français proposer rapidement toute une série de mesures, prises en « situation d’urgence », afin de contenir « la menace terroriste », identifiée à la montée de l’islam radical. La rhétorique d’un « état de guerre » semble dominer les déclarations officielles et l’opinion publique. La question se pose notamment d’interdire la consultation de sites internet faisant l’apologie de l’état islamique ou du djihadisme en général. Une réaction politique comparable a eu lieu en Belgique, après les événements de Verviers, lors desquels les forces de police belges ont déjoué les plans d’une cellule djihadiste. Le gouvernement Michel a alors avancé douze mesures, qui vont de la présence temporaire de l’armée dans les rues à la déchéance de nationalité, en passant par le retrait de passeport de tout individu supposé dangereux.

Aujourd’hui, ne se trouve-t-on pas face au risque de voir émerger un Patriot Act à l’européenne ? Que peut-on penser de telles mesures, prises en France et en Belgique ? Sont-elles compatibles avec l’affirmation des principes libéraux de l’État de droit ? Plus généralement, l’idée de mesures exceptionnelles est-elle conciliable avec notre horizon libéral-démocratique ? Peuvent-elles trouver un principe de légitimité au sein de nos démocraties libérales ?

J.-M. F. :  Je ne peux répondre globalement sur l’ensemble des réactions qui ne sont pas du même ordre. La rhétorique de l’état de guerre me semble fallacieuse, outrancière, même s’il existe un réel danger de déstabilisation du « monde des démocraties » par le terrorisme salafiste. La notion de guerre ne doit pas être galvaudée. Or, elle est utilisée souvent à tort, lorsque, par exemple, on parle de la « première guerre du Golfe », ou de la « guerre du Kosovo ». Il s’agit plutôt d’opérations de police internationale (pas la seconde intervention en Irak de George Bush fils !), en accord avec l’esprit de la Charte des Nations unies, sinon toujours avec sa lettre (Kosovo). Les récents événements de France et du Danemark ne sont pas à regarder comme des « actes de guerre », sauf si l’on tient à cautionner les ambitions des terroristes, comme lorsque l’on ose parler de « l’État islamique » ou même d’« exécution » des otages, autant de contresens philosophiquement trompeurs et politiquement irresponsables.

Quant aux mesures de police elles-mêmes, je ne mettrais pas sur le même plan l’interdiction de consultations de sites internet et la présence de l’armée dans les rues. Par elle-même, cette dernière ne porte pas atteinte à des droits fondamentaux. Il n’en va pas de même de l’interdiction de consulter des sites internet, si elle résulte d’une simple mesure administrative non couverte par une décision de justice. Ma crainte n’est pas que nos États instaurent un état d’exception quasi permanent, mais qu’encore une fois ils se laissent tenter par un moralisme répressif insinuant le délit d’opinion.

Q. : Le concept d’état d’exception a refait surface dans les travaux de chercheurs, juristes, politologues et économistes, qui entendaient éclairer le comportement de l’Union européenne à l’égard de la Grèce et des pays du sud méditerranéen. Depuis le premier Mémorandum de 2010 dicté par la « Troïka » (la Banque centrale européenne, la Commission et le Fonds monétaire international), les différentes mesures qui ont été décidées par le gouvernement grec pour satisfaire les exigences des créanciers ont pu être regardées par certains chercheurs comme la sanctification d’un « état d’exception » – comme l’imposition de facto d’une situation exceptionnelle –, qui autoriserait le contournement de la Constitution grecque et des règles élémentaires du fonctionnement démocratique.

À votre sens, dans ce cas précis, est-ce là un concept utile, à même de nous aider à comprendre et à évaluer ce qui est en train d’avoir lieu et ce qui est en jeu depuis 2010 ? Le cas échéant, existe-t-il un risque que cet « état d’exception » supposé devienne « permanent » ?

J.-M. F. :  Nous gagnerions, je crois, à limiter l’acception de l’expression « état d’exception » à des situations juridiquement bien définies. Je reconnais que l’attitude de la Troïka à l’égard de l’Italie, hier, de la Grèce, aujourd’hui, mais aussi, de l’Espagne et du Portugal, fait prévaloir une orthodoxie monétariste, d’ailleurs techniquement douteuse, sur la démocratie. Lorsqu’ainsi on parle d’une tentation ou dérive « postdémocratique », l’expression n’est pas déplacée. Pourtant, je ne désespère pas de nos opinions publiques pour exercer des pressions susceptibles de redresser la barre. C’est peut-être un peu optimiste. Mais il devient clair qu’aucun économiste honnête ne peut soutenir la dérégulation ; qu’aucun politique responsable ne peut s’obstiner à préconiser une « rigueur » financière dont les mesures ne font qu’accentuer les maux qu’elle prétend guérir. Le président Obama faisait d’ailleurs récemment remarquer qu’on ne saurait imposer l’austérité à un pays qui vient de connaître une chute de 25 % de son PIB en quatre ans. À ce prix aberrant il n’est pas étonnant de retrouver un équilibre des comptes nationaux (abstraction faite des charges de la dette). Le temps du triomphe de la doctrine jusqu’alors dominante dans l’Union me semble bientôt révolu. Mais, enfin, voyons la façon dont la Troïka et ses alliés s’y prendront pour céder sans en avoir trop l’air devant les justes réclamations d’États surendettés qui refusent de mourir guéris.

Q. : Depuis plusieurs années déjà, ce qu’on a appelé le « déficit démocratique » des institutions métanationales, et singulièrement des institutions de l’Union européenne, figurait au centre des préoccupations d’un grand nombre d’observateurs. Or, depuis le déclenchement de la crise en 2008, ces mêmes observateurs ont insisté sur le fait que les centres de décision se seraient progressivement déplacés des institutions représentatives chargées de délibérations publiques vers des lieux informels et des réunions ad hoc, où quelques hommes (des chefs d’État et des technocrates de la haute finance) décideraient, à huis clos, des choix et des orientations politiques qui affectent le quotidien et les destinées de millions de citoyens européens. Nous savons par exemple que, lors des récentes crises gouvernementales en Grèce et en Italie (en 2011-2012), quelques chefs d’État ont décidé, sous la conduite de Mme Merkel, de la mise en place dans ces pays de gouvernements d’urgence, largement extraparlementaires, alors que leur légitimité était grandement contestée dans l’opinion publique.

Que faut-il penser de telles pratiques gouvernementales ? Quels sont leurs effets sur le plan de l’État de droit, des règles et des principes de la démocratie représentative ?

J.-M. F. :  Je pense avoir à peu près répondu plus haut. Dans la zone euro, beaucoup de décisions concernant le principal de la politique sont prises en dehors des circuits délibératifs. C’est là une atteinte au pôle « souveraineté populaire » de nos États de droit démocratiques (ou supposés tels). On peut en outre y voir une atteinte au droit des États, en tant que cosouverains jouissant d’un statut paritaire. C’est pourquoi on peut parler d’une dérive postdémocratique large. Cependant, je n’irais pas jusqu’à comparer le « régime européen » à celui d’un empire, une idée à la mode chez certains intellectuels. Dans son principe, l’Union européenne est une union transnationale dont le paradigme ou modèle profond est la démocratie cosmopolitique, postétatique. Cela veut dire que l’Union européenne fonctionne – devrait fonctionner – sur un principe de concertation égalitaire et coopérative entre les États membres, mais non pas sur un principe de subordination de ces États à une puissance supranationale qui, au surplus, est, dans les faits, au moins autant formée d’agences privées que d’instances publiques. Le seul renforcement du Parlement européen ne saurait, à mon avis, suffire au nécessaire rééquilibrage institutionnel. Il me semble urgent d’agencer une interconnexion effective, sur l’espace européen, de tous les parlements nationaux, voire régionaux, horizontalement entre eux, et verticalement, mais dans les deux sens, avec le Parlement européen, lequel apparaîtrait alors comme la clé de voûte d’un système des Parlements européens et le lieu de synthèse, bilans et perspectives, des réclamations et propositions émanant du réseau parlementaire de l’Union. Ainsi le pouvoir de celle-ci aurait-il quelque chance de se reconnecter aux opinions nationales.

Q. : Dans le prolongement de notre question précédente, on observe de façon globale un divorce qui va en s’approfondissant entre, d’une part, la légalité des décisions politiques prises au niveau des institutions européennes – légalité qui découle essentiellement de l’application des divers traités européens liant les États membres – et, d’autre part, leur légitimité aux yeux de pans de plus en plus larges des populations européennes. La victoire historique de Syriza aux élections grecques du 25 janvier dernier semble témoigner de cet écart ; de même que la montée de Podemos dans les sondages en Espagne (crédité à près de 30 % par le quotidien El País).

Certains observateurs soutiennent par exemple que, si l’État de droit moderne est censé assurer la production de la légitimité par le biais de la légalité, la condition de validité de ce présupposé est la stricte observance des procédures qui sont propres à la démocratie délibérative. Or, aujourd’hui, de leur avis, ces principes démocratiques seraient, tant sur le plan des États-nations qu’au niveau des institutions européennes, sinon bafoués, à tout le moins largement court-circuités. Comment, selon vous, la crise actuelle éclaire-t-elle les rapports entre légalité et légitimité ?

J.-M. F. :  Nous retrouvons la thématique de cet équilibre délicat entre les pôles en tension au sein même des États de droit démocratiques. Cependant, il conviendrait d’être clair sur ce que nous attendons de l’Union européenne. Si nous la regardons comme une ébauche d’État supranational, alors nos attentes démocratiques à son endroit seront systématiquement déçues. Si, en revanche, nous attendons d’elle qu’elle préserve et promeuve les synthèses démocratiques réalisées dans nos espaces nationaux, alors les exigences et critiques à son égard seront mieux ajustées. Une difficulté est que les responsables de l’Union, ceux qui sont visibles au Conseil européen, sortent de leur rôle en se profilant comme un gouvernement ; ce qu’ils ne sont pas et ne doivent pas être, du fait que, seule, la Commission est politiquement responsable (devant le Conseil et le Parlement européens). Elle devrait détenir l’autorité afin d’agencer efficacement la concertation et la coopération entre États, mais non pas la souveraineté, qui doit revenir aux peuples, quant à la source, et à leurs représentants, quant à l’exercice. Aussi la légitimité sera-t-elle en retard par rapport à la légalité, tant qu’au niveau de l’Union les chefs d’État et de gouvernement continueront de court-circuiter largement les procédures parlementaires nationales et, plus généralement, celles d’une authentique démocratie délibérative.

Q. : Dans le débat théorique relatif à la construction européenne, deux interprétations étaient en concurrence : certains intellectuels soutenaient que l’Union européenne devait être comprise comme un accompagnement adaptatif à la mondialisation économique (ils suspectaient ici une collusion entre l’« Europe » et le capitalisme financiarisé agressif). D’autres affirmaient la proposition – davantage normative que constative – suivant laquelle l’Union pourrait signifier un rattrapage politique de cette même mondialisation économique, en tendant à contrecarrer l’arbitraire des marchés financiers. Entre l’une et l’autre, la décision pratique ne semblait pas prise. Mais, aujourd’hui, face à l’avènement des gouvernements d’urgence, face à la prolifération des mesures d’austérité, peut-on penser que l’Union européenne se serait décidée en faveur de l’interprétation d’un accompagnement adaptatif à la mondialisation ? Est-il possible de lire la situation actuelle de manière différente ?

J.-M. F. : L’Union européenne n’a rien décidé du tout, et c’est aussi un problème. Évitons d’identifier assez étroitement l’Union européenne à la Troïka épaulée par le (supposé) tandem franco-allemand. La situation est bien plus complexe. Le Royaume-Uni et ses satellites slaves ne sont pas impliqués dans le projet d’une union politique. Les États méditerranéens au sens large (Portugal inclus) souhaitent une alternative politique qu’ils peinent cependant à formuler. La France est divisée entre deux leaderships : l’un avec l’Allemagne et l’autre sur le sud de la zone euro. Le clivage travaille les partis gouvernementaux eux-mêmes, moins d’ailleurs sur le projet philosophique européen, soit le principe d’une « union toujours plus étroite entre les peuples d’Europe », que sur l’orientation des politiques communes et, vous avez vu juste, le rapport à la mondialisation. Je pense qu’à terme assez proche une majorité se dessinera pour récuser le schéma néolibéral d’une adaptation pure et simple à la mondialisation économique. On devrait s’accorder au moins sur le principe d’une reconquête politique supposant que l’Union pèse de tout son poids dans les grandes organisations internationales, afin de domestiquer les marchés sans en briser les mécanismes, de faire prévaloir aussi des options proprement « européennes » dans les domaines de l’environnement, de l’humanitaire, d’une concurrence loyale sinon équitable, de la transition énergétique, voire du développement africain et d’une Union euro-méditerranéenne. Cette vue prospective peut sembler trop optimiste, mais je pense qu’est devenue flagrante l’inanité des téléguidages par des règles rigides et aveugles aux situations. Par rapport aux représentations du Raisonnable la déconnexion est si patente, les politiques déflationnistes révélant d’elles-mêmes leur échec, que la Dogmatique officielle devra opérer ses « révisions déchirantes », ce qu’elle commence d’ailleurs d’amorcer discrètement, depuis l’investiture de Jean-Claude Juncker.

Q. : Par ailleurs, a-t-on raison de voir dans ces mesures d’austérité ou de rigueur un danger pour la démocratie européenne ? On pourrait pousser la chose encore plus loin et se demander s’il existe une compatibilité ou non entre la démocratie représentative et le néolibéralisme tel qu’il s’incarnerait dans un supra-pouvoir économico-financier. C’est une question qui a émergé dans le débat public et nous souhaiterions connaître votre point de vue à ce sujet.

J.-M. F. : Entre, d’une part, la démocratie représentative, inspirée par le libéralisme politique et, d’autre part, l’avènement néolibéral d’un métapouvoir écofinancier, il n’y a pas à proprement parler d’incompatibilité, mais il n’existe à l’évidence aucune harmonie. Depuis les années 1980, il est devenu clair que le capitalisme non seulement est compatible avec des régimes autoritaires, comme la Chine, mais qu’il est par là même indépendant du libéralisme politique, même si certains présentateurs TV s’obstinent à affirmer que « la Chine a opté pour le libéralisme ». Quant à la gouvernance européenne actuelle, elle est trop perméable aux intérêts particuliers non parlementarisés (les lobbies), et trop fermée aux mouvements d’opinion dont elle remet la gestion aux gouvernements nationaux. Le plaisir de la puissance favorise le fantasme d’une politique en deux temps : on décide au sommet des orientations et l’on s’entend pour qu’au retour dans sa nation chaque leader mobilise la communication politique pour que la décision soit entérinée par « son » opinion. Certes, l’usage stratégique de la communication publique est vieux comme la démocratie. Mais, dans l’Union, la distance entre les instances décisionnelles et les opinions nationales, associée à l’impression consensuelle qu’entretiennent les rencontres régulières et volontiers conviviales entre chefs d’État et de gouvernement, incite à traiter la démocratie d’opinion comme une variable externe, un peu sur le même plan qu’une contrainte technique de gestion.

Q. : Les résultats des élections européennes du mois de mai 2014 ont fait l’objet de nombreux commentaires politiques et journalistiques. Cependant, aussi bien le taux d’abstention préoccupant qui a été enregistré que la poussée inquiétante des partis eurosceptiques et d’extrême droite, xénophobes et anti-immigrés, n’ont trouvé d’autre explication de la part des porte-parole autorisés des institutions européennes que celle d’un regrettable défaut de « pédagogie » et de « communication » des dirigeants et des responsables européens. On peut avoir le sentiment que tout se passe comme si la désaffection croissante d’un grand nombre de citoyens à l’égard du projet européen et la montée en puissance des réflexes nationalistes étaient simplement dues aux effets contreproductifs d’une « rhétorique » de persuasion défectueuse… Ce faisant, est-ce que les questions de fond relatives à la politique menée par les institutions européennes depuis le début de la crise n’ont pas été purement et simplement évacuées ? Quelle serait votre analyse à cet égard ?

J.-M. F. : En l’espèce il n’y a pas lieu de séparer la « communication », qu’on la nomme « pédagogie » ou « rhétorique », des questions de fond. Il est exact qu’un penchant irritant de la classe politique (ou d’une certaine partie de cette caste) est d’imputer les échecs électoraux à un défaut d’explication – comme si les tribuns ou « démagogues » au sens littéral du mot étaient des pédagogues et les citoyens, des élèves. Cependant, l’Europe, le projet européen comme le processus européen, est une question non élucidée, car fort mal traitée dans les débats médiatiques. Invariablement, on met en scène les « pour » et les « contre » de ce que, de façon simpliste, on nomme « l’Europe » : « êtes-vous pour ou contre l’Europe ? » est la mauvaise question par excellence. Le débat est alors coincé dans un face-à-face entre européo-fédéralistes et nationaux-souverainistes. À mon avis le bon débat sur l’Europe se situe ailleurs. Les Européens sont de toute façon embarqués dans le projet d’union. Cependant, ils n’ont jamais jusqu’alors fait entre eux le clair sur ce qu’ils attendent de « l’Europe ». Certains ne visent rien de plus qu’un marché commun. D’autres rêvent d’un État fédéral supranational. Quelques-uns veulent restaurer les frontières nationales et les monnaies nationales, même s’ils acceptent une monnaie commune – non unique – et des accords de coopération. Parmi ceux, enfin, qui envisagent sincèrement une union politique, une explication est nécessaire quant à la forme de cette union : veut-on un État européen disposant d’un quasi-monopole de la législation légitime et donc de la souveraineté ? Ou envisage-t-on plutôt une intégration réalisée sur le principe « horizontal » de concertations régulières et de coopérations entre États (toujours) souverains, mais désormais cosouverains, et non pas sur le principe « vertical » de la subordination des États membres à une puissance publique supranationale ? Je me prononce pour la voie horizontale d’une concertation et coopération interétatiques, agencées par une autorité communautaire puissante mais non souveraine. C’est une voie longue et difficile, mais à mon sens la seule qui ait de l’avenir.

Cela étant, la question demeure : comment associer les peuples, les opinions nationales au projet européen et avant cela à la définition ou « co-construction » démocratiquement satisfaisante de ce projet ?

C’est là que la « question de fond » rejoint la « communication ». Ce qui manque au politique européen, aujourd’hui, c’est la mise en arène publique du vrai débat. J’entends, encore une fois, non pas la sempiternelle et lancinante opposition entre fédéralistes et souverainistes – à ce jeu les européistes classiques finiront par perdre la partie dans l’opinion, en passant pour des complices du néolibéralisme – mais un débat plus sérieux sur les missions ou fonctions souhaitables de l’Union face à la mondialisation. À cet égard une question première se présente sous forme d’alternative pour l’Union par rapport à la mondialisation économique : adaptation pure et simple, ou rattrapage, reconquête politique ? Inutile de préciser que la seconde option propose un programme plus exaltant que la première.

Q. : Malgré les nuances et la diversité des arguments qui caractérisent les discussions en cours au sein des formations politiques et dans l’espace public citoyen, le déblocage, si ce n’est la sortie de la crise que nous vivons, est envisagé, schématiquement et pratiquement parlant, de deux façons. Soit « par le bas », c’est-à-dire par des stratégies de reconquête des procédures démocratiques et de ruptures sises entre les mains d’un ou de plusieurs États membres (d’où l’élan d’espoir qu’a suscité la victoire importante de Syriza aux récentes élections grecques et sa volonté de résister à la Troïka) ; soit « par le haut », c’est-à-dire par des stratégies et des interventions au niveau des institutions européennes visant à des changements à la fois au niveau de leurs champs de compétence, de leurs modes de désignation, de leurs procédures de décision et des réorientations de leur politique générale qui entend, au mieux, réguler l’arbitraire des marchés financiers.

Quelle serait votre position au sein de ce schéma ? Comment situeriez-vous vos propositions ? Est-on vraiment prisonnier de cette alternative à deux branches ?

J.-M. F. : Les deux stratégies, considérées séparément ou isolément, pêchent l’une et l’autre par naïveté, chacune à sa façon. Ni le romantisme de la stratégie « par le bas », ni le réformisme de la stratégie « par le haut » ne sont vraiment crédibles. Si douteux, d’un point de vue philosophique, que puisse paraître le vieux thème de la « ruse de la raison », l’heuristique en est bonne, car c’est bien lui qui, quand même, ouvre les perspectives d’espoir les moins improbables. Qu’est-ce à dire ? Nous constatons que, comme toujours, les politiques ne commencent à réfléchir et à agir que lorsque le torchon brûle. Hélas !, il faut bien souvent attendre que la situation devienne vraiment alarmante pour que la politique se rende à la raison, revienne sur ses entêtements idiots, comme c’est le cas, encore maintenant, avec la gestion des déficits et de la crise en zone euro. Même l’actuelle crise grecque, du moins dans sa phase actuelle, ne paraît pas suffire à dé-rigidifier les positions doctrinales du côté des États du Nord, tandis que les grands endettés du Sud ne voient pas pourquoi on exempterait les Grecs des sacrifices qu’on a imposés aux autres jusqu’au redressement définitif. On en vient à préférer le principe de « la même règle pour tous » à une révision intelligente de règles inadaptées et injustes.

Pour répondre directement à votre question : si les Grecs ne sont pas soutenus au sud de la zone, et pas davantage par la France, alors ils perdront la bataille, et la Troïka continuera de ronronner sur ses dogmes. Mais si Tsipras parvient à tenir sa partie de poker sans « Grexit accidentel » et à mobiliser les opinions européennes sur le fond de pertinence et de justice que recèlent ses réclamations, alors les « grands » de l’Union européenne n’auront plus qu’à négocier l’indispensable restructuration, en sauvant les apparences d’un compromis synallagmatique. Si une telle hypothèse se vérifiait (on le saura bientôt, à l’heure où je tente de vous répondre), alors, peut-être, suivront les idées propres à nourrir une révision des préjugés dominants… et délétères en matière d’équilibre comptable.

Q. : Revenons sur la légitimité de nos institutions, non pas européennes mais internationales cette fois. Dans l’immédiat après-guerre de 1940-45, toute une série d’institutions internationales ont été mises en place, en étant directement associées à l’Organisation des Nations unies (ONU), sous la forme d’agences spécialisées : le FMI, le GATT (devenu plus tard l'OMC), la Banque mondiale (l’OIT intégrera également cette constellation). À l’origine, la légalité et la légitimité de toutes ces institutions procédaient de conventions internationales signées entre des États souverains.

Aujourd’hui, cependant, plus d’un demi-siècle plus tard, ces mêmes institutions internationales se sont complètement émancipées de l’institution-mère, l’ONU, et ont acquis une réelle indépendance. Si, à la limite, leur légalité formelle demeure en raison des conventions internationales fondatrices, on doit constater que leur légitimité est, en revanche, fortement contestée. Elles sont devenues des structures de décision largement dominées par des experts et des technocrates, dépourvues de toute légitimité élective. Leurs procédures de décision semblent échapper au moindre contrôle politique et social.

Quel est votre point de vue à ce sujet ? Ces institutions vous semblent-elles toujours légitimes aujourd’hui ? Dans le cas contraire, comment pourrait-on s’y prendre afin de les re-légitimer ?

J.-M. F. : Ces institutions nous gouvernent assez largement sans être légitimées de façon démocratique. Elles symbolisent les tendances postdémocratiques qui pointent à l’ère de la mondialisation. L’Union européenne, pour revenir à elle, peut même apparaître comme une sorte de courroie de transmission des politiques décidées dans leurs grandes lignes par ces agences métanationales. Elles ont pourtant leur utilité et même leur nécessité fonctionnelle. Par exemple, la situation serait pire sans l’OMC, quel que soit le reproche qu’on lui fasse. Il existe un vrai problème de gouvernance : d’un côté, c’est vrai que les idéaux démocratiques n’y trouvent pas leur compte, à commencer par le principe selon lequel « nous » exigeons de nous sentir quelque part les auteurs des normes dont nous sommes destinataires ; nous entendons être toujours politiquement maîtres du destin collectif. Reconnaissons que c’est aussi là une source de motivation, illusoire mais sympathique, pour un repli sur la nation : les leaders nationalistes que l’on nomme « populistes » font aussi résonner une corde démocratique… Mais, d’un autre côté, justement, la posture souverainiste-nationale et antimondialiste est pathétique, outre qu’elle s’épargne la difficulté de devoir penser une compatibilité possible entre le nécessaire changement d’échelle, qui justifierait la formation d’unités politiques quasi continentales, et le maintien, à la fois élargissement et approfondissement, des cultures et procédures de nos États de droit démocratiques.

Q. : La notion de « crise » signale cette situation limite, où ce qui est « en crise » soit se rétablit, soit trépasse. Or, la crise actuelle ne répond absolument pas à cette configuration. La crise non seulement s’installe durablement, mais prend aussi les traits d’un véritable « régime ». Tout semble indiquer que nous sommes en train de passer d’une « crise systémique » à une crise qui est devenue « système », voire un mode inédit d’existence, sociale et historique. Que pensez-vous d’un tel diagnostic ? Et, si cela venait à se confirmer, peut-on appréhender les effets d’une telle transformation sur le plan élémentaire de notre façon d’être et d’agir ?

J.-M. F. : Il y a crise, d’un point de vue systémique, lorsque le système réclame pour se maintenir plus de réponses qu’il ne peut en donner ou en admettre. De ce point de vue l’eurozone est en crise. Cependant, la récente politique de quantitative easing, déclenchée par Mario Draghi à la Banque centrale européenne, crée un espace inattendu, hétérodoxe, qui assouplit le système et en proroge la viabilité. Dans quelle mesure ? Pour combien de temps ? Déverser des tombereaux de liquidités par hélicoptère n’est pas vraiment une solution, car l’eurozone n’est nullement en crise de liquidités. Le problème systémique est ailleurs et, à première vue, il est assez classique. C’est le problème du « creux de la vague » où les uns ne bougent pas (n’investissent pas et n’emploient pas) parce que les autres ne bougent pas (ne consomment pas ou n’importent pas) et réciproquement. C’est vrai au sein de nos nations entre partenaires économiques (ménages et entreprises, notamment) ainsi qu’entre les nations de l’eurozone (par exemple, entre la France et l’Allemagne, et plus généralement entre le sud et le nord de la zone).

Donc, on peut assouplir le système. Mais je pense que ses dispositifs institutionnels sont la principale cause du blocage, en particulier l’instauration d’une monnaie unique dans une zone décloisonnée mais économiquement hétérogène et dépourvue de mécanismes de remplacement pour compenser l’absence d’ajustements par les taux de change, tandis que les banques centrales nationales ne peuvent plus faire, comme naguère, des avances de trésorerie à leurs États, de sorte que ceux-ci doivent se plier aux diktats des marchés. De fait, les États de la zone sont dépossédés des moyens autonomes d’une politique monétaire et budgétaire concertée de façon intelligente. J’entends une politique inverse de celle qui, comme présentement, consiste en l’imposition de règles communes, uniformes et arbitraires. Il s’agirait, au contraire, d’organiser une synchronisation des relances économiques et des restrictions budgétaires en fonction des situations – aujourd’hui, clairement : relance économique interne au Nord et poursuite des équilibres financiers au Sud, dont les exportations vers le Nord seraient alors stimulées. C’est par là que la rigueur nécessaire ne se paierait pas d’une récession économique doublée d’une régression sociale. Or, la situation déflationniste que nous connaissons fut bel et bien politiquement imposée. Elle est toujours officiellement bétonnée par le « système » que représentent les dispositions du Traité (TSCG*), du Mécanisme (MES*), de la Règle d’or, etc. Là réside le ferment d’une crise qui n’est pas encore réellement déclarée ; une crise qui ne serait pas seulement, comme ce fut jusqu’alors le cas, bancaire, monétaire et financière. J’indiquais dès 2012 que la crise européenne, que l’on commençait à dire « derrière nous », est en vérité devant nous ; que les aspects monétaires et financiers sont les prodromes d’une crise économique dont la cause profonde est politique : crise éthique et institutionnelle de solidarité et de coresponsabilité entre les Dix-Neuf ; et que cela risque de précipiter une crise historique de légitimation du projet européen lui-même. Les dispositifs techniques que je viens de mentionner à propos de la zone euro (TSCG, MES, Six Pack*, etc.) reposent fondamentalement sur la méfiance mutuelle. Elles sont contraires à l’esprit de solidarité et de coresponsabilité, qui devrait marquer le processus d’intégration européenne. Il est temps qu’éclate l’imposture monétariste d’un néolibéralisme technocratique qui fait tort à la cause européenne.

Merci beaucoup pour votre temps et pour vos réponses, Monsieur Ferry.

 

* Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) est un mécanisme visant à la convergence de l’union économique et monétaire des États membres de l’Union européenne, notamment au sein de la zone euro. En clair, il s’agit d’un ensemble de mesures budgétaires (la « Règle d’or ») limitant drastiquement le déficit structurel.

Souvent comparé à une sorte de « FMI européen », le Mécanisme européen de stabilité (MES) a pour but de fournir une aide financière sous conditions aux États membres de la zone euro qui connaissent ou qui risquent de connaître de graves problèmes de financement. Cela peut notamment passer par le sauvetage de banques privées, afin d’essayer de limiter les taux d’intérêts des pays en difficultés. 

Le « Six Pack » est un renforcement du Pacte de stabilité et de croissance, dont l’essentiel (quatre articles sur six) réside dans l’énoncé de mesures disciplinaires et de sanctions. Il a pour objectif de pallier les insuffisances apparues à l’occasion de la crise de la dette dans la zone euro [ndlr].

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