N°10 / Nouvelles recherches sur les déportations et les camps

Le Sicherungslager Schirmeck

Un camp au cœur de la germanisation

Cédric Neveu

Résumé

Camp peu connu – en comparaison du camp de concentration de Natzweiler tout proche –, Schirmeck est pourtant au cœur des politiques répressives à l’œuvre en Alsace et en Moselle annexées. Créé à l’initiative du Gauleiter Robert Wagner, ce camp devient l’instrument privilégié pour « mettre au pas » les récalcitrants à la politique de germanisation et de nazification. Schirmeck cumule ainsi les fonctions répressives entre 1940 et 1944 : camp d’internement et de rééducation, annexe des prisons d’Alsace, camp de rééducation par le travail (AEL), outil de pression pour les réfractaires aux mesures d’incorporation, lieu de transit avant les camps de concentration. En parallèle, il occupe une place non négligeable dans la répression mise en œuvre en zone occupée, que ce soit lors de la destruction du réseau Alliance ou au moment des opérations « terroristes » menées par les Kommandos de la Sipo et des unités de la Wehrmacht à l’automne 1944 dans les départements vosgiens. Au total, de 10000 à 15000 détenus y sont incarcérés.

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« Schirmeck, connais pas ! » Le titre de cet article rédigé par Jacques Granier résume à lui seul le relatif vide historiographique demeurant sur ce camp[1]. En Alsace, le camp de Tambov pour les incorporés de force ou le camp de concentration de Natzweiler sont largement connus et sont l’objet d’une riche bibliographie. « L’enfer du Struthof et le Purgatoire de Schirmeck », pour reprendre l’expression de Jacques Granier, traduisent à eux seuls le sort subi par l’Alsace et la Moselle pendant la Seconde Guerre mondiale : d’un côté Natzweiler, camp de concentration intégré dans l’horreur du système concentrationnaire et lieu emblématique de la déportation « NN, Nacht und Nebel » ; de l’autre Schirmeck, traduction sous la forme répressive du projet d’annexion nazie. Tous deux à quelques kilomètres l'un de l’autre, au sud-ouest de Strasbourg.

Cependant, le traitement réservé à ces deux camps, Natzweiler, où a été installé le Centre européen du résistant déporté, et Schirmeck, qui a presque totalement disparu sous un ensemble de maisons individuelles, exprime de façon éloquente le peu d’intérêt porté au sort spécifique de l’Alsace et de la Moselle annexées dans l’historiographie. Il ne reste à Schirmeck qu’une plaque sur l’ancienne Kommandantur et une rue du Souvenir. à Natzweiler, le camp des « NN » a effacé le camp des Alsaciens-Mosellans. Camp d’en haut, il a occulté le camp d’en bas. Le Mémorial d’Alsace-Moselle, inauguré à Schirmeck en 2005, tente de pallier ce vide concernant le Sicherungslager Schirmeck en rassemblant la documentation la plus large (archives originales, témoignages, photographies…) conservée tant en France qu’en Allemagne. Mais il s’agit avant tout d’un musée sur l’annexion, dont « l’aura » ne dépasse pas le cadre régional[2].

Pourtant, le Sicherungslager (SL) Vorbruck bei Schirmeck occupe une place importante dans le processus de germanisation et de nazification à l’œuvre dans ces trois départements français (le Bas-Rhin et le Haut-Rhin, qui constituent l’Alsace, et la Moselle). Rappelons qu’ils ne sont pas occupés par une puissance étrangère avec laquelle le gouvernement légal installé à Vichy collabore, mais qu’il s’agit de zones qui ont été annexées de fait de façon illégale par le Reich et qui sont gérées administrativement par un pouvoir civil. Des milliers de personnes, Alsaciens et Mosellans bien sûr, mais aussi « Français de l’Intérieur » [c’est-à-dire de la France hors Alsace-Moselle], Allemands, Polonais, Italiens, Russes, Tchèques… sont internés dans ce camp au statut et au fonctionnement singuliers.

Tenter d’écrire l’histoire du camp de Schirmeck, c’est se heurter à une difficulté de taille, en l’occurrence les sources s’offrant à la disposition du chercheur. La Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC) à Caen possède une documentation fragmentaire sur le camp. En effet, seul une partie du fichier original du magasin d’habillement (Effktenkammer)[3], quelques listes de détenus ou de transports en particulier vers les camps de concentration de Dachau[4] et de Natzweiler[5] sont les seules sources encore à disposition. Heureusement, les milliers de dossiers individuels conservés dans la série 21 P à la DAVCC permettent de compléter très utilement le parcours des internés. Les Archives nationales ne conservent que peu de choses ; les fonds dans les archives départementales sont plus riches – fonds Kleinmann, archives carcérales des prisons de Moselle et d’Alsace, fonds de la Sipo-SD. Les archives de l’épuration se révèlent une source aux grandes possibilités comme les fonds de la justice militaire conservés à Le Blanc, où se trouve conservé le procès du commandant du camp de Schirmeck Karl Buck[6]. En Allemagne, la documentation semble également peu importante[7]. Afin de reconstituer les effectifs passés par le camp, le chercheur doit partir de ces listes fragmentaires, complétées par la consultation d’archives individuelles comme les dossiers de victimes conservés à Caen ou, pour les résistants, le fonds 16 P au Service historique de la Défense, à Vincennes. L’exploitation des archives carcérales allemandes, comme les registres d’écrou originaux des prisons d’Alsace et de Moselle, où les mentions de transferts vers le camp de Schirmeck sont nombreuses, et les listes de transports constituées au départ de ces prisons[8], s’avère très utile. À travers l’exemple alsacien-mosellan, le but de cet article est donc de dresser un historique de ce camp largement méconnu et surtout de tenter d’en présenter l’évolution.

Schirmeck : organisation et statut

La création du camp

Le 2 juillet 1940, le commandant en chef de la Sipo (Befehlshaber der Sipo-SD, ou BdS) pour l’Alsace, le Dr Gustav-Adolf Scheel, ancien chef des Jeunesses hitlériennes, donne l’ordre à l’Einsatzkommando (commando d’intervention) I/III de la Sipo-SD de Strasbourg, appartenant à l’Einsatzgruppe (groupe d’intervention) III Elsass, d’installer un camp de passage pour 150 personnes et un camp de concentration pouvant accueillir 200 personnes à proximité de leur lieu de garnison. Ce dernier camp doit pouvoir détenir les catégories suivantes : les combattants allemands des Brigades internationales, les personnes susceptibles par leur comportement ou leurs opinions d’entraver l’œuvre d’intégration de l’Alsace dans le Reich, et toutes personnes s’étant livrées à des voies de fait sur des soldats allemands ou des ressortissants du Reich. Les Allemands trouvent à Schirmeck, à environ 70 kilomètres de Strasbourg, au sein de la vallée de la Bruche, un camp de six baraques édifiées par les autorités françaises en 1939 pour accueillir d’éventuels réfugiés. Le 15 juillet, le Dr Scheel annonce au RSHA (Office central de sécurité du Reich) que le camp est prêt[9]. Le 17 juillet 1940, le camp est placé sous l’autorité du SS-Hauptsturmführer Karl Buck. Né à Stuttgart le 17 novembre 1894, Karl Buck sert comme lieutenant dans l’armée allemande pendant la Première Guerre mondiale. Blessé à la jambe, il doit être amputé en 1930. La prothèse qu’on lui pose lui vaudra le surnom de « commandant à la jambe de bois ». Adhérent du parti nazi depuis 1931, membre de la SS et de la Gestapo, il a servi auparavant dans différents camps notamment à Heuberg (Wurtemberg), à Ulm-Kuhberg ou encore Welzheim[10].

Le camp, qui ne cesse d’être modifié pendant toute l’Annexion, est organisé selon le modèle bien connu des camps d’internement nazis (miradors, barbelés, baraques, Kommandantur du camp, lieu d’interrogatoire pour la Gestapo) mais avec quelques particularités. Tout d’abord, le camp est mixte et la partie réservée pour les femmes est isolée du reste du camp. La surveillance n’est pas confiée à une unité de SS mais à 60 hommes de l’Ordnungspolizei (police d’ordre), renouvelés toutes les six semaines tandis que quatre gardiennes, dirigées par une Alsacienne, s’occupent des femmes. Le camp exerce également une fonction sociale avec la présence d’une cantine extérieure ouverte à la population dans l’avant-camp (Vorhof) aux côtés de la Kommandantur et d’un poste de garde qui contrôle l’accès à l’avant-camp. Enfin, en 1943, le commandant fait édifier une vaste salle des fêtes pouvant contenir jusqu’à deux mille personnes, décorée de drapeaux nazis, d’emblèmes et de fresques murales. Mais derrière cette façade, le rez-de-chaussée ou « Bunker » cache vingt-six cellules d’un mètre sur deux où le commandant enferme les détenus récalcitrants.

Un statut spécifique lié à la situation particulière de l’annexion

La double mission souhaitée dès l’origine et le flou sur le statut exact du camp sont résumés dans la double appellation rencontrée dans les documents officiels, qu’ils émanent des services de police ou de la Kommandantur du camp : Erziehungslager (camp de rééducation) et Sicherungslager (camp de sûreté). La première dénomination correspond à la mission du camp telle que la conçoit le Gauleiter de l’Alsace Robert Wagner. Ce dernier a une vision bien particulière de sa fonction. Véritable « soldat politique »[11], il pense que la population alsacienne doit être rééduquée pour retrouver les racines germaniques que vingt années de domination française ont fortement mises à mal. Pour cela, il n’envisage pas, dans un premier temps, le recours à des dispositions radicales comme l’envoi massif en camp de concentration mais estime qu’une structure spécifique à la situation de l’Alsace doit être créée. Les éléments les plus récalcitrants au processus de germanisation seraient mis à l’écart, rééduqués selon les principes du national-socialisme fondés essentiellement sur le travail et la discipline puis libérés pour retrouver toute leur place dans le corps social alsacien. Wagner résume lui-même sa conception : « inculquer aux Alsaciens difficiles à éduquer lattitude quil [convient] d’avoir face au travail et à l’organisation politique du Grand Reich[12] ».

Les détenus de sécurité (Sicher-ungshäftlingen) sont des personnes considérées comme dangereuses et qui, de ce fait, doivent être écartées du reste de la population. Au bout d’une période de détention à vocation dissuasive variant de quelques jours à six mois, les internés sont soit libérés, soit traduits devant la justice ou, pour les plus dangereux, transférés vers un camp de concentration. En réalité, il est difficile de faire la distinction entre les détenus aux fins de rééducation et ceux aux fins de sécurité, les Allemands utilisant indifféremment l’une ou l’autre des dénominations. Cependant, dans les premières semaines, la distinction semble avoir été respectée. Ainsi, une soixantaine de détenus ayant manifesté leur comportement anti-allemand avant l’Annexion ou étant connus comme déserteurs pendant la Première Guerre mondiale sont internés pour une période de rééducation de six semaines puis renvoyés à leur travail[13].

Toutefois, l’étude attentive des archives carcérales allemandes nous permet de penser que les Allemands eux-mêmes n’ont pas une idée précise du statut du camp. Ainsi, sur les registres des prisons de Moselle, les Allemands désignent le camp de Schirmeck comme un Sicherungslager (SL) mais également comme un Konzentrationslager (camp de concentration). À de nombreuses reprises, le camp est également appelé Arbeitslager (camp de travail) ou Arbeitserzieh-ungslager (camp de rééducation par le travail). L’étude des motifs d'arrestations, lorsqu’ils nous sont connus, permet de dégager une certaine cohérence derrière cette variété d’appellation. Ainsi, des personnes arrêtées pour des infractions sur la législation du travail (Arbeitsvertragsbruch, Arbeitsbummelei…) sont transférées à l’Arbeitserziehungslager (AEL) Schirmeck. Dans le même ordre d’idée, des personnes incarcérées pour des motifs politiques (manifestations anti-allemandes, passage de la frontière…) sont quant à elles transférées au SL Schirmeck. Enfin, dans les affaires les plus graves mettant en cause des membres de la Résistance ou des récidivistes, la mention sur le registre d’écrou est celle du Konzentrationslager (KL). Il semble donc que, pour les autorités allemandes elles-mêmes, le rôle du camp ne soit pas bien défini et que celles-ci lui attribuent un statut spécifique en fonction de la catégorie du détenu qui doit y être interné.

À l’origine, le camp est créé d’un commun accord entre le Gauleiter Wagner et le Reichsführer-SS Heinrich Himmler. Si le commandant en chef de la Sipo (BdS) pour l’Alsace en assure l’administration et la gestion, c’est le Gauleiter qui a le dernier mot. De ce fait, la SS tente à plusieurs reprises de mettre la main sur ce camp hors de tout cadre. La première tentative apparaît à l’été 1941 lors de son agrandissement. À la suite d’un décret interdisant désormais aux unités de police chargées du maintien de l’ordre d’être utilisées pour la garde des camps, le BdS Dr Fischer, successeur du Dr Scheel, milite auprès du Gauleiter pour le maintien du camp sous sa forme actuelle, expliquant que le transfert des détenus dans des KL mettrait en danger « les succès en matière de rééducation obtenus jusquici à Schirmeck mais encore, ce qui est bien plus grave, entraînerait […] des répercussions politiques fâcheuses en Alsace.[14] » Une nouvelle tentative a lieu au printemps 1944 de la part du chef de la Gestapo, le SS-Gruppenführer Müller. Le BdS Dr Erich Isselhorst – qui a succédé à Fischer fin 1943 – insiste sur le rôle initial indispensable du camp. Mais le Gauleiter Wagner répond, dans une lettre du 21 avril 1944, que le camp de Schirmeck ne se veut pas une copie d’une formule existante dans le Reich, que ce soit camp de concentration ou camp de travail. Il explique qu’en raison du manque d’éducation de la population alsacienne, il est nécessaire de disposer d’une structure capable de rééduquer les éléments hostiles sans aucune limite d’internement[15].

L’entrée au camp

À l’arrivée au camp, les nouveaux arrivants sont dirigés vers l’Effektenkammer sous les coups et les insultes, tout le trajet se faisant au pas de course, la marche étant interdite à l’intérieur de l’enceinte du camp. Les détenus doivent alors remettre tous leurs effets personnels, passent à la fouille, sont douchés et tondus. Une fois cette étape passée, les prisonniers sont regroupés dans la baraque n° 7 pour les « novices » où ils sont mis en condition, pour une quinzaine de jours en moyenne[16]. Passé ce délai, le commandant les reçoit un à un et procède à leur interrogatoire. C’est seulement après cet interrogatoire que le Sicherungshäftling intègre pleinement la « société » du camp. Les détenus reçoivent alors un signe distinctif de leur catégorie, dont la nomenclature diffère des triangles des camps de concentration : certes rouge pour les politiques, mais vert pour les passages illégaux de frontière, jaune pour les Polonais, les Russes, les Juifs…, bleu pour les homosexuels et les religieux, écossais pour les droits communs et les asociaux. Les prisonniers sont ensuite dirigés vers leurs baraques. La baraque n° 14 est quant à elle exclusivement attribuée aux femmes[17].

La journée du détenu est rythmée par le travail. Ceux-ci sont employés dans des chantiers forestiers aux abords du camp, dans des carrières notamment à Hersbach, à la base aérienne de Entzheim, à des travaux de terrassement en tirant un énorme rouleau compresseur, dans des entreprises locales et à l’entretien du camp. La nourriture largement insuffisante[18] ne subvient pas aux besoins journaliers. Les coups et les brimades qui pleuvent sur ceux qui ont le malheur de déplaire aux gardiens, notamment les ecclésiastiques ou les Polonais, contribuent à l’affaiblissement progressif des prisonniers. Seule consolation, les détenus sont autorisés à recevoir un colis par mois. Des exercices physiques de quatre à six heures de suite sont régulièrement organisés sur la place de rassemblement et le dimanche matin, le commandant se livre à des sermons devant les prisonniers rassemblés. Appelé le « Zirkus Buck » [« Cirque Buck », du nom du commandant du camp], ces sermons fustigent les vieilles opinions du passé et vantent les mérites du national-socialisme[19]. Toutes ces mesures visent à l’épuisement physique et surtout moral de l’interné afin de le rééduquer plus facilement. Très rapidement, l’expression de « voyages à Schirmeck » s’impose au sein de la population pour désigner l’internement au camp. En moyenne, la population du camp s’établit à environ 1000 hommes et 400 femmes[20]. Ce tableau rapide des conditions de détention au camp, malgré leur dureté, n’est en rien comparable avec la vie des détenus internés dans les camps de concentration. Les 76 décès officiels recensés, même si on peut penser qu’ils furent plus nombreux, n’atteignent pas les pourcentages de mortalité des KL[21].

Schirmeck et la germanisation

Après cette présentation rapide du camp et de son fonctionnement, essayons de mener une réflexion sur l’évolution comparée du camp et de la politique d’annexion. Notre analyse s’appuie sur un échantillon de 3636 détenus recensés par nos soins, Alsaciens, Mosellans mais aussi étrangers et Français de l’Intérieur, pour lesquels nous disposons d’informations assez précises. Bien qu’incomplet, au regard du total présumé de 10000 à 15000 détenus, cet échantillon permet de cerner les processus policiers et carcéraux à l’œuvre dans les zones annexées et la place du camp de Schirmeck dans ces circuits répressifs.

Schirmeck et la mise au pas de la population alsacienne 1940-1941

Dans les premiers mois de l’annexion, la politique du Gauleiter cherche à obtenir l’adhésion de la population en jouant sur la persuasion et la contrainte. Des manifestations de masse sont organisées, la population est embrigadée dans de multiples organisations (Opferring, NSDAP, Frauenschaft…) alors que différentes mesures comme la germanisation des noms, des rues, la destruction de statues ou de monuments aux morts s’efforcent d’effacer toute trace de la présence française. Dans le même temps, les autorités nazies s’efforcent de dissuader toute manifestation d’opposition par un système policier et judiciaire omniprésent. Le camp de Schirmeck joue un rôle central dans ce filet répressif. Par la violence physique et morale qui s’y exerce, tout foyer d’opposition doit être circonscrit et chaque Alsacien est prévenu de ce qu’il encourt s’il refuse la mise au pas.

Pendant ces deux premières années, la majorité des internements le sont pour l’aide apportée à des prisonniers de guerre, l’écoute de la radio étrangère mais surtout pour des manifestations anti-allemandes : paroles insultantes à l’égard de personnalités du régime, manifestations à caractère francophile, dégradation de symboles du nouveau régime… Les coupables sont internés au camp pour une durée de trois mois en moyenne puis libérés sans jugement non sans avoir été informés du risque qu’ils encourent en cas de récidive. Mais, malgré la peur du « voyage à Schirmeck », les actes hostiles se multiplient, véritable désaveu à la politique du Gauleiter. La manifestation de Hochfelden (au nord de Strasbourg) en est un exemple criant. Le 14 juillet 1941, deux cents jeunes gens entonnent des chants patriotiques dans les rues et déposent un bouquet tricolore au Monument aux morts. La Gestapo proclame l’état de siège le 19 juillet et transfère 108 habitants à Schirmeck[22]. Tous sont libérés au bout de quelques semaines à l’exception des plus jeunes qui, après leur libération sont incorporés au Reichsarbeitsdienst (RAD), service de travail du Reich introduit par une ordonnance du 8 mai 1941. Le camp se voit ainsi confier une nouvelle tâche, à savoir participer à l’effort du Reich dans la guerre qu’il mène, en l’occurrence par le travail.

Outre cette fonction répressive, le camp accueille une population en transit vers un camp de concentration. Ce sont des personnes considérées comme particulièrement dangereuses qu’il convient absolument de séparer du reste de la population : Allemands connus pour leurs sentiments antinazis, criminels de droit commun, témoins de Jéhovah, membres des Brigades internationales. Une trentaine de « Rotspänienkampfer » (combattants espagnols rouges), arrêtés à l’été et à l’automne 1940, sont ainsi regroupés au camp avant de prendre la direction de Dachau fin novembre-début décembre 1940[23]. Citons encore l’exemple des Tchèques engagés dans la Légion tchèque, raflés le 24 novembre 1941 sur ordre du RSHA, après l’exploitation des archives du consulat tchèque à Strasbourg, saisies à l’été 1940. En Moselle, c’est 52 personnes qui sont victimes de cette opération, toutes transférées à Schirmeck. La plupart sont libérées entre mars et septembre 1942, à l’issue de négociations entre le Gauleiter de la Sarre-Palatinat et de la Moselle annexée, Josef Bürckel, et le BdS en Lorraine, Anton Dunckern. Trois d’entre elles sont cependant transférées au camp de Dachau en raison de leur passé politique chargé[24].

L’année 1941 voit le démantèlement des premiers groupes de Résistance. Ainsi, le groupe dit de La Main noire, créé en septembre 1940 par le jeune Marcel Weinum, est démantelé les 18 et 28 juillet 1941 à la suite de l’attentat du 8 mai 1941 contre la voiture de Bürckel[25]. Dix-huit jeunes gens sont transférés en octobre au camp de Schirmeck, tandis que les plus impliqués sont incarcérés à Heilbronn et Mannheim. La plupart, âgés de moins de 18 ans, sont libérés du camp en avril 1942 après six mois de détention pour être incorporés dans le RAD[26]. Six d’entre eux ont été condamnés par le Sondergericht (tribunal spécial) de Strasbourg mais la détention subie à Schirmeck est imputée sur la peine prononcée, le camp de Schirmeck jouant dans ce cas de figure le rôle de centre de détention préventive intégré dans un processus judiciaire.

En parallèle de cette fonction répressive à l’égard des populations locales, le camp sert également de camp de rééducation par le travail. Comme nous l’avons déjà expliqué, des transports constitués de travailleurs étrangers (travailleurs civils polonais et russes raflés à l’est, travailleurs requis à l’ouest) quittent les prisons d’Alsace et, surtout, de Moselle. Certains ont tenté de passer la frontière vers la France, se sont enfuis de leur lieu de travail ou encore se sont rendus coupables d’actes délictueux relevant du droit commun (vols, recel, coups et blessures…). Cette main-d’œuvre est primordiale pour le fonctionnement de l’économie de guerre, notamment dans les bassins miniers et sidérurgiques de Lorraine, mais aussi comme main-d’œuvre agricole dans les milliers d’exploitations laissées à l’abandon après les expulsions de 1940. En Moselle, la police avait privilégié jusqu’à l’été 1942 les prisons locales et le camp de rééducation par le travail (AEL) de Guénange, où l’internement ne pouvait excéder 56 jours. Les services de la Gestapo en Moselle se tournent alors vers le SL Schirmeck, qui permet des détentions plus longues – jusqu’à six mois, durée suffisante pour corriger les « fortes têtes ». Schirmeck devient alors l’AEL du BdS en Lorraine pour les travailleurs des deux sexes. Chaque semaine, des petits convois de quelques dizaines de travailleurs étrangers – essentiellement polonais, soviétiques et « français de l’intérieur » – quittent Metz, prennent d’autres détenus à Sarrebourg, avant de poursuivre leur route vers la gare de Rothau et à Schirmeck. Citons par exemple le transport du 9 juin 1943, parti de Metz, comprenant soixante requis du STO français. Ces détenus à rééduquer restent à Schirmeck de quelques semaines à quelques mois puis, à l’issue d’un dialogue entre Buck et le service de la Sipo-SD compétent, sont libérés et renvoyés immédiatement sur leur lieu de travail. Les irrécupérables ou les récidivistes sont transférés en camp de concentration, à l’instar de ces vingt travailleurs slaves transférés, le 24 avril 1943, de Schirmeck à Natzweiler sur ordre de la Sipo-SD de Metz. L’ouverture des camps de Woippy (au nord de Metz) et de la Neue Bremm (au sud de Sarrebruck) à l’été 1943 entraîne une baisse importante des transferts de travailleurs étrangers vers Schirmeck, la Gestapo en Moselle disposant ainsi de camps plus proches et relevant exclusivement de ses services[27].

Le tournant de l’incorporation de force

Le 25 août 1942, le service militaire obligatoire est instauré pour tous les jeunes de 20 à 24 ans et la citoyenneté allemande est conférée à tous les Alsaciens jugés dignes de la recevoir. Les mêmes dispositions sont prises en Moselle par le Gauleiter Bürckel. Cette mesure, qui marque pour ce dernier l’aboutissement de sa politique de germanisation, provoque un choc dans la population. Face aux mesures d’incorporation, la résistance des populations s’accélère. Des solidarités locales s’organisent pour soustraire les jeunes gens au service dans la Wehrmacht. Les filières de passage de la frontière organisées dès les débuts de l’Annexion pour aider les prisonniers de guerre évadés puis les jeunes Alsaciens et Mosellans insoumis au RAD, se développent pour pouvoir répondre aux demandes toujours plus nombreuses. Face à cela, la répression se radicalise. Au cours de l’année 1943, les tribunaux d’Alsace prononcent 67 condamnations à mort. Dans la presse, les titres d’une rare agressivité fleurissent : « Éradication sans merci de la trahison », « Pas de grâces pour les traîtres ». C’est ainsi que, le 23 janvier 1943, le tribunal du peuple (Volksgerichtshof) vient siéger pour la première fois en zone annexée, à Strasbourg. Sur six accusés appartenant à « une bande illégale bolchevique » qui avait distribué des tracts et collecté des armes abandonnées par l’armée française en 1940, quatre sont condamnés à mort. Les deux autres sont condamnés à six et douze ans de travaux forcés[28]. En mars 1943, c’est au tour du tribunal de guerre du Reich de venir siéger à Strasbourg. Treize peines capitales sont prononcées pour espionnage contre une organisation de Résistance, le mouvement Bareiss, qui avait diffusé en France un rapport d’information sur la situation de l’Alsace annexée basé notamment sur des rapports secrets allemands. La lourdeur des condamnations provoque la réaction de Vichy, de plusieurs hauts responsables nazis et même de Josef Bürckel qui déclare que gouverner à grand renfort d’exécutions est une preuve de faillite politique. Finalement, Hitler décide de commuer les peines[29]. Au total, au mois de mars 1944, 112 condamnations ont été prononcées[30]. En parallèle, à l’issue de discussions avec le Reichsführer, il est décidé que les « éléments » les plus récalcitrants seraient envoyés vers des camps de concentration à l’image de ce qui est en vigueur dans le Reich[31].

D’après notre échantillon, l’évolution des entrées au camp de Schirmeck est conforme à cette radicalisation de la répression : 329 en 1941, 616 en 1942, 1393 en 1943 et 1034 en 1944. S’il n’y a pas différence dans les objectifs à atteindre entre l’Alsace et la Moselle – la mise au pas définitive après l’introduction du service militaire et l’entrée du Reich dans la guerre totale –, les moyens divergent. L’étude des internés d’Alsace-Moselle montre qu’au KL Natzweiler[32], 98 % sont des Mosellans, alors qu’au SL Schirmeck, 80 % sont des Alsaciens, les deux camps n’étant qu’à quelques kilomètres de distance l’un de l’autre. Malgré la radicalisation de la répression, le camp de Schirmeck ne voit donc pas son rôle dans le cadre de l’Alsace annexée être remis en cause, bien au contraire. Des réfractaires, des personnes apportant une aide aux insoumis, sont arrêtés par centaines puis transférés à Schirmeck. Les jeunes insoumis sont alors l’objet de pressions psychologiques et physiques pour accepter leur incorporation ; des réfractaires au RAD sont internés le temps d’atteindre l’âge nécessaire pour être incorporés dans la Wehrmacht. Ainsi, sur les 3636personnes de notre corpus, 12 % sont incorporés dès qu’ils sont libérés. La radicalisation répressive ne modifie en rien le rôle de centre d’internement administratif local du camp, basé sur un internement de deux à six mois suivi d’une libération ou d’un transfert vers une prison. Ainsi, le taux de détenus libérés sur l’ensemble de la période s’établit à environ 50 % : 42 % depuis le camp même, les 8 % restants principalement après un séjour de quelques semaines dans une prison alsacienne comme Haguenau, Strasbourg ou Ensisheim (près de Mulhouse). Le reste des détenus sont transférés vers des prisons du Reich pour y purger une peine de quelques mois mais 10 % sont déportés vers des camps de concentration, essentiellement Dachau et Natzweiler. La place de Schirmeck dans les politiques répressives à partir de 1943 est une illustration des divergences de stratégie entre le Gauleiter d’Alsace et le Gauleiter de Moselle pour « mater » les oppositions et maintenir l’ordre. Pour le premier, Robert Wagner, pas question de laisser la direction de la répression à la SS en Alsace – envoi dans un camp de concentration –, Schirmeck devant poursuivre sa mission « rééducative », d’où le nombre faible d’internement d’Alsaciens à Natzweiler. Il privilégie les condamnations à mort lors de procès-spectacles pour frapper l’opinion. En revanche, le Gauleiter de la Moselle Josef Bürckel, qui ne veut pas de ces procès-spectacles – les jugeant contre-productifs –, laisse les coudées franches à la SS. Aussi la Gestapo transfère-t-elle de plus en plus massivement au camp de Natzweiler des personnes qui, jusque-là, étaient dirigées vers Schirmeck (criminels de droit commun récidivistes, travailleurs soviétiques, réfractaires à l’incorporation dans la Wehrmacht)[33].

Un camp au croisement de plusieurs logiques répressives : la situation nouvelle du printemps et de l’été 1944

À partir du printemps 1944, puis surtout à l’été 1944, le camp de Schirmeck est choisi comme lieu d’arrivée pour des transports partis de la zone occupée.

L’exemple le plus connu est celui des résistants du réseau Alliance, regroupés à Schirmeck (où ils commencent à arriver en avril 1944) par la Sipo de Strasbourg qui instruit alors l’affaire policière en vue de la comparution des résistants devant le tribunal de guerre du Reich ou encore devant le tribunal du peuple. Schirmeck est choisi du fait de la surpopulation des prisons alsaciennes et du pays de Bade. Dans la nuit du 1er au 2 septembre 1944, 107 de ces résistants d’Alliance sont conduits vers le KL Natzweiler pour être exécutés d’une balle dans la tête.

Mais c’est à la fin du mois d’août 1944 que de sérieux bouleversements sont constatés dans les missions que le SL Schirmeck a eues à assumer jusque-là. L’évolution de la situation militaire défavorable aux armées allemandes met l’Alsace et la Moselle en première ligne.

C’est tout d’abord le système répressif local qui est bouleversé par cette nouvelle situation. Ainsi, en Moselle, une vague d’évacuations de détenus commence à la mi-août. Le 17 août 1944, un transport de 104 femmes quitte le Fort de Queuleu (au sud-est de Metz) en direction de Schirmeck[34]. Dans le même temps, Natzweiler prépare son évacuation, effective à partir du début du mois de septembre vers Dachau. Ainsi, à la mi-septembre, les autorités allemandes n’ont plus que les camps de Schirmeck et de la Neue Bremm à disposition pour interner les personnes arrêtées dans les zones annexées. À cette date, des centaines de personnes, jugées en raison de leur attitude ou de leurs fonctions dangereuses sur le plan politique et arrêtées dans le cadre d’une Sonderaktion (action spéciale) décidée par le Gauleiter d’Alsace, entrent ainsi à Schirmeck pour quelques jours avant d’être transférées vers les camps de Rastatt et Haslach, dans le Bade-Wurtemberg.

Durant la même période, le camp de Schirmeck devient un camp hybride, pour répondre à la nouvelle situation posée par le reflux des armées allemandes. En effet, à partir de l’été 1944, si le site poursuit sa mission de camp de sécurité pour les populations autochtones, il joue également le rôle d’un camp de transit pour les victimes des rafles vosgiennes. Ces actions sont menées contre les maquis vosgiens, au combat depuis la percée de la 3e armée de Patton vers cette région. Les troupes allemandes lancent des opérations contre les maquis mais aussi de vastes actions de représailles contre la population locale à Raon-l’Etape, Saint-Dié, Gérardmer ou encore Senones, dans le cadre des actions « Waldfest I et II ». Ainsi, 1120 personnes sont internées au camp de Schirmeck en septembre 1944. Près de 90 % d’entre elles sont transférées à Dachau. En octobre, ce sont 813 personnes qui font leur entrée au camp, dont 352 Vosgiens de Senones, qui ont été arrêtés le 4 octobre 1944 dans l’opération de nettoyage du maquis local. Le 18 octobre 1944, ils sont déportés à Dachau[35]. La proximité géographique et la capacité du site à organiser le transfert des personnes arrêtées vers les camps de concentration expliquent ce choix, alors que le camp de transit de Compiègne, dans l’Oise (en zone occupée), n’accueille plus de détenus depuis la mi-août.

La fin du camp de Schirmeck

L’afflux toujours plus important de détenus et, surtout, les bombardements alliés opérés dans la vallée conduisent les autorités du camp à procéder à des vagues de libération au mois de novembre 1944, essentiellement des femmes. Celles-ci, bloquées par les combats, attendront la libération pour regagner leurs foyers. Dans le même temps, des transports sont organisés vers les camps de Rastatt, Gaggenau et Haslach, tous trois situés dans le Bade-Wurtemberg. Le 20 novembre 1944, le commandant du camp, Karl Buck, quitte définitivement Schirmeck. Le 22 novembre, le dernier transport est organisé vers Gaggenau emportant presque tous les hommes. Le 23 novembre, les quelque trois cents détenus encore présents qui n’ont pu être transportés – en grande majorité des femmes – s’aperçoivent que les gardiens ont déserté les lieux. Parmi eux, de nombreuses détenues du Fort de Queuleu, évacuées sur Schirmeck le 17 août 1944. Beaucoup se réfugient chez l’habitant, les Allemands étant encore tout proches. Le lendemain, le premier char américain fait son entrée dans le camp.

Le camp de Schirmeck est définitivement libéré le 23 novembre 1944. Mais son histoire n’est pas pour autant terminée. Au moment de l’épuration, alors que les prisons strasbourgeoises sont surpeuplées, le ministère de la Justice décide d’utiliser à partir du 1er janvier 1945 les sites de Schirmeck et de Natzweiler pour y interner les miliciens français. Puis, en l’absence de volontés politiques, l’ancien camp de Schirmeck disparaît au cours des années 1950 sous un lotissement pavillonnaire. Le SS-Hauptsturmführer Karl Buck est quant à lui traduit avec plusieurs autres gardiens du camp et condamnés à mort par le tribunal militaire de Rastatt, en février-mars 1947, et par le tribunal militaire de Metz, le 21 janvier 1953. Le jugement est cassé pour vice de forme en juin 1953. Buck est de nouveau présenté devant le tribunal militaire de Metz et condamné à mort. Mais le jugement est cassé à nouveau et l’ancien commandant du camp est libéré le 6 avril 1955. Il mourra en 1977, à l’âge de 82 ans.

Aujourd’hui, il est encore impossible de donner un chiffre précis du nombre d’internés du camp de Schirmeck : de 10 à 15 000, jusqu’à 25 000 selon certains auteurs. Ce n’est que par un patient dépouillement des archives existantes qu’il sera possible un jour de répondre aux nombreuses questions qui demeurent. Comme nous avons tenté de le montrer, le camp de Schirmeck assume plusieurs fonctions à la fois : centre d’internement administratif régional, centre de détention préventive, camp de rééducation par le travail, lieu de transit… Il se trouve ainsi au croisement de plusieurs logiques, à la fois outil d’une politique de germanisation de territoires destinés à être annexés au Reich et lieu de destination pour des déportations organisées depuis la France occupée. La difficulté principale est de déterminer précisément quels internements relèvent de ces logiques multiples. Plus largement, la question centrale est celle des processus d’entrée dans les camps et prisons des zones annexées en raison de l’évolution permanente de leurs statuts et de leur utilisation. Un autre camp, le KL Natzweiler, reçoit ainsi les détenus NN venant de toute l’Europe, mais également des personnes arrêtées en zone annexée. Le camp de la Neue Bremm, de la même manière, joue un rôle régional dans la répression en Moselle annexée mais aussi dans les transports de déportation partant de la France occupée. Il serait également intéressant de se pencher sur la question de la place du camp au sein des zones annexées d’Alsace-Moselle : rapports avec la population environnante, spécificités ou non des arrivées de détenus desdites zones, interaction avec le reste du système carcéral, notamment le KL Natzweiler
ou le camp de la Neue Bremm[36]. Une meilleure connaissance de ces processus permettra sans doute de mieux envisager la complexité des phénomènes répressifs, à la fois dans les zones annexées, objet particulier de nos recherches, mais aussi pour ce qui concerne l’ensemble de la France sous l’Occupation.

 

[1] Jacques Granier, Schirmeck, Sicherungslager Vorbruck bei Schirmeck im Elsass, Éd. Les Dernières nouvelles de Strasbourg, 1968 ; « Schirmeck, connais-pas ! », in Saisons d’Alsace, n° 114, Strasbourg, Éd. La Nuée Bleue, 1991, pp. 267-279. Citons encore Le Camp d’internement de Schirmeck, Essor, 1994, Coll. Documents, T. 1. Un livre de Jean-Laurent Vonau intitulé Le Sicherungslager Vorbruck-Schirmeck vient d’être publié en juillet 2017 aux éditions du Signe. Ne l’ayant pas encore lu, nous ne pouvons l’intégrer dans le présent article.

[2] En se rendant à Schirmeck, la signalétique du camp de concentration est nombreuse et précise ; elle est quasiment absente pour le Mémorial d’Alsace-Moselle. Se référer au site du musée www.memorial-alsace-moselle.com.

[3] DAVCC : 25 P 1295-1296 - Fichier original du magasin d’habillement de Schirmeck. Il s’agit d’environ 6 000 fiches individuelles avec nom, prénom, date de naissance, date de remise des effets et de restitution.

[4] DAVCC : LA 6819 à 6886 - Liste des internés de Schirmeck déportés à Dachau. LA 9878-9880 - Liste des détenus du camp de Schirmeck transférés à Dachau entre le 15 et le 22 novembre 1944.

[5] à titre d’exemple, citons SCH 2/1 - Liste de Français internés au camp de Schirmeck-Vorbruck et transférés au camp du Struthof ; SCH 2/2 - Liste de 61 Français internés à Schirmeck baraque 10 et transférés au Struthof (liste transmise par le ministère de l’Intérieur.) ; SCH 2/3 - Liste des hommes et femmes internés au Sicherungslager Schirmeck transférés au Struthof le 2 septembre 1944.

[6] Un livre a été publié sur ce procès. Jean-Laurent Vonau, Profession bourreau. Struthof Schirmeck, les gardiens face à leurs juges, Strasbourg, éd. La Nuée Bleue, 2013.

[7] à Berlin-Lichterfelde, fonds R 83 Elsass. A Ludwigsbourg ou encore à Arolsen, seules quelques listes sont conservées.

[8] Pour la Moselle, signalons les cartons 27 P 10 et 11. Ces cartons contiennent en particulier des centaines de listes de transports de détenus constitués par les services de la Sipo au départ de la prison de police de Metz.

[9] BABL : R 83/Els./Vorl. 4 : lettre du Befehlshaber der Sipo-SD au RSHA, 15 juillet 1940.

[10] Archives de la justice militaire (AJM), Le Blanc : procès de Karl Buck.

[11] Robert Wagner est né le 13 octobre 1895 près d’Eberbach, dans la vallée du Neckar, au sein d’une famille paysanne. En 1914, il est élève-maître à l’école normale d’instituteurs d’Heidelberg. Mobilisé, il est envoyé en France où il reçoit dès 1915 la Croix de Fer. L’armistice est un choc. Désœuvré, il se rapproche du NSDAP naissant, motivé par sa haine des communistes. Il reste dans l’armée au sein de l’école d’infanterie de Munich. Après sa participation au putsch manqué de 1923, il est condamné le 1er avril 1924 à 18 mois de forteresse. Interné à Landsberg avec Adolf Hitler, il se met dès sa libération à la disposition de celui-ci. Robert Wagner gravit rapidement les échelons du parti en pays de Bade pour atteindre la fonction de Gauleiter puis, à partir de 1933, celle de Reichsstatthalter pour le pays de Bade. Lothar Kettenacker, « La Politique de nazification en Alsace », Saisons d’Alsace, n° 65, 1978, pp. 67-70.

[12] Lothar Kettenacker, op.cit., p. 124.

[13] Ainsi en août 1940 à Kintzheim, dans le Bas-Rhin, cinq habitants sont appréhendés pour avoir fait prisonniers des parachutistes allemands dans la forêt locale avant le début de l’annexion.

[14] Bundesarchiv Berlin-Lichterfelde : R 83 Elsass/1 : Lettre du Befehlshaber der Sipo-SD Strasburg au chef de l’administration civile, Gauleiter et gouverneur du Reich Wagner, 13 août 1941.

[15] Bundesarchiv Berlin-Lichterfelde : R 83 Elsass/1 : Lettre du chef de l’administration civile en Alsace au SS-Gruppenführer Müller, 21 avril 1944.

[16] Témoignage d’Eugène Kurtz, in Le Camp d’internement de Schirmeck, op.cit., pp. 17-19.

[17] AN : F 9 5569 - dossier Schirmeck : rapport de Pierre Mouchenik sur le camp de Vorbruck à Schirmeck, 25 janvier 1945.

[18] AN : F 9 5569 - dossier Schirmeck : compte-rendu de Victor Marbler sur son séjour au camp de Schirmeck du 16 juin 1943 au 4 août 1943.

[19] Témoignage du chanoine Charles Pabst, in Le Camp d’internement de Schirmeck, op.cit., p. 74.

[20] Robert Heitz, à Mort ! (Souvenirs), Paris, éd. de Minuit, 1946, p. 55.

[21] Nous insistons particulièrement sur cette question, plusieurs auteurs utilisant de manière inappropriée le terme de camp de concentration pour désigner le camp de Schirmeck.

[22] Sur cette affaire, voir François Entz, « L’affaire de Hochfelden », in Saisons d’Alsace n° 114, Strasbourg, 1991, pp. 239-248.

[23] DAVCC : LA 6819-6886 - Liste des internés de Schirmeck déportés à Dachau.

[24] Cédric Neveu, La Gestapo en Moselle, une police au cœur de la répression nazie, Metz, éd. Serpenoise, 2012 (réed. 2015 Les éditions du quotidien), pp. 30-32.

[25] Une grenade est jetée dans sa voiture alors que celui-ci déjeune à quelques mètres de là dans une brasserie. La voiture est pulvérisée mais le Gauleiter est indemne. DAVCC : dossiers des membres de la « Main noire ».

[26] Dix membres du groupe sont traduits le 31 mars 1942 devant le Sondergericht de Strasbourg dont six viennent de Schirmeck. Des peines de 6 mois à 4 ans de prison sont prononcées et la peine de mort à l’encontre de Marcel Weinum qui est décapité le 14 avril 1942 à Stuttgart. Ceslav Sieradski, Polonais du groupe, est exécuté à Natzweiler le 12 décembre 1941.

[27] Sur cette question, nous renvoyons à nos ouvrages Trous de Mémoire : Prisonniers de guerre et travailleurs forcés d’Europe de l’Est (1941-1945) en Moselle, Metz, éd. serpenoise, 2011 (co-écrit avec Olivier Jarrige, Christine Leclercq et Alexandre Méaux) et La Gestapo en Moselle, op. cit, pp. 89-92.

[28] DAVCC : dossiers personnels des victimes.

[29] Sur cette affaire, se référer au livre de Robert Heitz, l’un des condamnés à mort. Robert Heitz, A Mort ! (Souvenirs), Paris, éd. de Minuit, 1946 ; DAVCC : dossiers personnels des victimes.

[30] Sur les condamnations à mort en Alsace, voir Alphonse Irjud, « Pas de grâce pour les traîtres ! » in Saisons d’Alsace, 1943 : La guerre totale, n° 121, Strasbourg, 1993, pp. 25-33. En comparaison, les tribunaux civils siégeant en Moselle prononcent durant toute l’annexion cinq peines de mort, toutes pour de graves affaires de droits communs.

[31] Lothar Kettenacker, op.cit., n° 68, pp. 135-136.

[32] A partir du mois de mai 1941, un camp de concentration commence à être construit à Natzweiler. Jusqu’en août 1942, le KL Natzweiler est un « geschlossenes Lager », c’est-à-dire qu’il ne peut recevoir d’autres détenus que ceux provenant de camps de concentration. à l’été 1942, il est transformé en Einweisungslager. Robert Steegmann, Le KL-Natzweiler et ses Kommandos (1941-1945), Thèse de doctorat en histoire sous la direction de Pierre Ayçoberry, soutenue le 13 décembre 2003, Université Marc Bloch, Strasbourg, 2003, p. 90.

[33] Cédric Neveu, La Gestapo en Moselle, op.cit.

[34] Cédric Neveu, La Résistance en Moselle annexée. Le groupe « Mario », Metz, éd. du Quotidien, 2015, p. 269.

[35] Nous renvoyons pour l’histoire de ces différents transports au Livre-Mémorial, Fondation pour la mémoire de la déportation, op.cit., T. II, ainsi qu’à Thomas Fontaine, Déporter. Politiques de déportation et répression en France occupée, 1940-1944, thèse de doctorat sous la direction de Denis Peschanski, 1940-1944, Université Paris I-Sorbonne, 2013, pp. 1 099-1 119.

[36] Les recherches que nous avons déjà entreprises notamment sur le cas particulier de la Moselle laisse entrevoir à partir de l’année 1943 une interaction entre le camp de Schirmeck et celui de la Neue Bremm. Ainsi, pour la question des ruptures de contrats de travail, les travailleurs étrangers sont le plus souvent transférés au camp de Schirmeck, soit pour un séjour de quelques semaines, soit avant un transfert vers le KL Natzweiler. Dans le cas de Mosellans, surtout s’ils sont arrêtés dans l’est du département (régions de Forbach et Sarreguemines), la détention est effectuée au camp de la Neue Bremm avant une libération ou un transfert, notamment pour les femmes, vers le camp de Schirmeck. Des Sarrois sont également extraits du camp ou de la prison Lerchesflur pour être conduits au camp de Schirmeck.

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Sur les traces du procédé Hollerith, dans les archives du KL Mauthausen

Adeline Lee

Au tout début du XXe siècle, Herman Hollerith, un Américain d’origine allemande, fonde l’International Business Machines (IBM). La Dehomag, filiale allemande de la firme créée en 1934, fournira, quelques années plus tard, trieuses et cartes perforées aux nazis afin de faciliter la gestion des effectifs concentrationnaires. Les archives largement préservées du camp de Mauthausen portent les traces de l’utilisation du procédé mécanographique par l’administration du KL autrichien. à partir de 1944 tout au moins, les caractéristiques sociologiques des détenus sont...

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