N°6 / Du Témoignage. Autour de Jean Norton Cru

Les fondations de Témoins : correspondance et lectures de Jean Norton Cru

Marie-Françoise Attard-Maraninchi

Résumé

L’ouvrage majeur de Jean Norton Cru, Témoins, publié en 1929, repose sur un long travail qui prend son origine pendant la guerre : sa correspondance, au cœur du conflit, atteste de ses premières réflexions sur le récit de guerre fidèle à l’expérience des poilus et de son souci de déconstruire des clichés littéraires trop romancés. Une autre source privée permet de découvrir le travail génétique de Norton Cru : les ouvrages annotés de sa bibliothèque de travail portent les traces de sa démarche et de sa méthode de lecture, stylo en main, inscrites scrupuleusement sur les pages de garde. Ces documents, conservés précieusement par la famille, possèdent leur propre histoire et constituent un témoignage précieux du processus de création de N. Cru. Leur consultation découvre des va-et-vient réguliers entre correspondance et ouvrages et souligne une abondante documentation, acquise depuis la guerre. La pensée contrastive de N. Cru et l’expression spontanée d’un lecteur-acteur, avec ses enthousiasmes et ses désillusions, trouvent leur aboutissement dans Témoins.

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Les combattants de la Grande Guerre ont beaucoup écrit, consigné leur terrible expérience dans des lettres, et Norton Cru, poilu resté en première ligne pendant vingt-huit mois, se comporte comme ses camarades de ce point de vue. Cependant, au-delà du rituel qui réduit la distance ou rassure les proches, N. Cru va plus loin dans sa correspondance : il exprime ses émotions sur les événements vécus, partage ses lectures et ses pensées sur des sujets de société, littéraires ou philosophiques. L’auteur de ces lettres composant un récit de guerre prend, vis-à-vis de ses interlocuteurs, un « engagement de vérité »[1]. De son côté, le lecteur de ces courriers découvre une démarche testimoniale scrupuleuse, et assiste à la naissance des réflexions du futur ouvrage de N. Cru, Témoins[2], publié en 1929.

La genèse de cet opus repose sur deux sources originales, composées de lettres et de livres. La correspondance de guerre de N. Cru aborde très tôt la question de la vérité du récit de guerre et la légitimité du soldat de première ligne comme meilleur témoin. Ces courriers posent les premières fondations de son ouvrage, N. Cru le confirme : « Ce livre est né de mes méditations dans la tranchée »[3]. À la fin de la guerre, son nouveau combat, décidé pendant la terrible épreuve, porte sur l’analyse des publications de combattants : les annotations et commentaires portés sur les livres de travail de N. Cru – qui ont servi à préparer son ouvrage – constituent un deuxième type de fondations. Ces deux corpus originaux[4], manuscrits, illustrent la démarche d’un auteur mobilisé par une ambition « humaine, éthique et scientifique », comme le souligne Jean-Marie Guillon[5].

Les bases de la future publication peuvent se lire autour de trois axes : l’histoire concrète de ce travail et la reconstitution de ce que fut l’existence de ce « témoin-acteur »[6] font l’objet d’une première approche de ces sources. Dans un deuxième temps, ce courrier familial atteste de son expérience de guerre, « sans reconstruction ultérieure »[7]  : l’expression de ses sentiments, au cœur du conflit, révèle ses préoccupations originelles. Enfin, les ouvrages annotés par N. Cru portent les marques d’un labeur préparatoire considérable et découvrent le mode opératoire génétique de Témoins. La consultation des documents de travail de N. Cru atteste sa « frénésie d’étude »[8]. Elle permet de suivre l’évolution de sa recherche, au fil de ses lectures, et la mise en place d’une critique littéraire, engagée depuis le conflit.

Sa participation à un destin tragique commun justifie son choix de déconstruire des clichés et de valoriser la transmission « vraie » de la guerre pour honorer la mémoire des disparus et informer les générations présentes et futures.

Leçons des sources

L’histoire de ces documents, sacralisés par la famille[9], permet d’aborder le travail intellectuel de N. Cru, depuis la guerre jusqu’à la parution de sa publication.

Nous nous sommes heurtés au problème de l’accès aux sources dans cette recherche, d’autant qu’elles ont été dispersées, en trois temps et trois lieux distincts, sans raison connue. Hélène Vogel, jeune sœur de N. Cru, a réuni et donné la correspondance de guerre de Norton Cru, source familiale conservée précieusement, à un centre de recherche dirigé par le professeur Pierre Guiral, ami de la famille : ces lettres ont été oubliées, exhumées et publiées en 2007[10]. Indépendamment du don précédent, la veuve de N. Cru et Hélène Vogel ont offert à la bibliothèque universitaire de la faculté d’Aix[11] les ouvrages de travail et cartes d’état-major de N. Cru qui portent les traces de sa lecture attentive, scrupuleuse : ses annotations offrent un regard particulier sur la préparation de Témoins[12]. Enfin, après le décès de son mari, Hélène Vogel a déposé aux Archives municipales de Marseille (AMM) de nombreux documents relatifs aux travaux scientifiques de son mari[13], incluant un corpus important de courrier familial et professionnel expédié à N. Cru. Ces lettres évoquent le travail de Témoins et les nombreuses réflexions échangées avec les auteurs.

La correspondance de N. Cru que nous avons publiée concerne sa période militaire, entre le 28 août 1914 et le 24 avril 1919 : près de la moitié s’adresse à sa mère, le reste est destiné à ses sœurs, quelques lettres à deux de ses frères, eux-mêmes militaires. Dans le respect des critères de Norton Cru[14] – énoncés pour évaluer les témoignages – on peut considérer que ces lettres, éditées dans leur intégralité, reflètent la « vérité du moment », sans révision postérieure. La durée d’exposition au front fait de cet auteur un témoin direct et les deux cents documents[15] réunis représentent un corpus suffisant pour « constituer une expression adéquate de la pensée de l’écrivain », selon ses critères. À ce titre, les lettres de N. Cru, comme bien d’autres qu’il a analysées, « donnent la certitude que la version des faits racontés, l’expression des sentiments, sont bien celles de la date de la lettre »[16].

Ce courrier, fait de paroles vivantes, communique des bribes d’existence et un contexte familial qu’il a fallu pénétrer pour mieux approcher la personnalité de cet auteur. Sa correspondance, dans le cadre de cet éloignement douloureux, ayant exprimé de solides attaches familiales, il convenait d’approfondir notamment les relations autour de la mère, à qui Norton doit beaucoup : son éducation, ses valeurs morales remplies de vérité et de ferveur. Cet aspect important a été éclairé, après des mois de recherche et de difficultés pour recueillir des éléments biographiques dans le village familial de Mirmande, dans la Drôme[17]. Ces recherches ont fait apparaître une intime solidarité et une histoire individuelle, indispensables pour saisir cet auteur.

Trois aspects de sa biographie éclairent son parcours : le premier touche à son enfance. Né en Ardèche, dans un milieu anglo-français protestant, Jean Norton Cru passe son enfance, jusqu’à l’âge de 11 ans, sur l’île de Maré en Nouvelle-Calédonie, où son père est nommé pasteur missionnaire. Ce séjour marque sa personnalité et sa passion pour la lecture[18], comme il l’écrit à sa sœur en 1931 : « J’ai eu le temps d’y acquérir ma connaissance du monde, d’y avancer mon instruction assez loin, d’y développer mes émotions à un point qui te paraîtrait incroyable[19]« . Ce sentiment de liberté et d’indépendance, acquis à Maré, est à l’origine – selon N. Cru lui-même – du « détachement nécessaire pour imaginer le sujet de Témoins, concevoir la méthode et publier des conclusions aussi contraires à l’opinion unanime du pays. »[20] À ce parcours qui peut sembler « rousseauiste » s’ajoute l’influence de l’affaire Dreyfus dont l’injustice réparée lui a inspiré – écrit-il en 1931 – « une confiance peut-être exagérée dans la revanche de la vérité et de la justice[21].

Le deuxième aspect concerne ce professeur de littérature française à Williams College, dans le Massachusetts, qui – depuis 1908 – y a forgé sa méthode de travail, accumulant des connaissances qu’il met systématiquement en fiches : « J’ai glané pendant plusieurs années des noms, des œuvres, des faits, des chiffres »[22], écrit-il en 1916 – décrivant ainsi la préparation de Témoins. Enfin, le troisième point concerne la dimension spirituelle de l’entreprise de ce protestant dont les convictions recommandent l’imitation du Christ. Son éthique repose sur une exigence de vérité et le goût de l’exégèse du texte qui se retrouvent dans sa méthode de lecture, d’écriture et de critique.

Les états de service militaires de ce poilu prouvent qu’il ne s’agit pas d’un combattant occasionnel, il a approché l’ennemi de très près[23] à partir d’octobre 1914 – pendant vingt-huit mois de front dans les secteurs de Saint-Mihiel, la Champagne, le Chemin des Dames, par deux fois Verdun. L’expérience concrète et prolongée qu’il a des combats légitime à ses yeux une expertise pour la critique d’ouvrages de combattants, et ses livres précieusement conservés montrent l’usage de son dernier propriétaire.

Michel Foucault a montré qu’un livre se construisait à partir d’un « champ complexe de discours »[24] : dans le cas de Cru, sans se confondre avec le contenu textuel, la matérialité des ouvrages de sa bibliothèque révèle plusieurs types de discours de « l’annoteur » qui se présente à la fois comme analyste de l’expérience relatée (avec vérifications biographiques et militaires), critique littéraire et ancien combattant. Les annotations, soulignements de paragraphes et commentaires de synthèse de N. Cru sur les pages de garde constituent à la fois une pratique de lecture, une méthode pointilleuse et une écriture de soi. Les renvois à d’autres ouvrages, croisés avec sa propre épreuve de poilu, illustrent l’opinion de ce lecteur-évaluateur, manifestent le long cheminement de sa pensée, et formulent déjà certaines notices de Témoins. La régularité et la continuité de sa pratique discursive sont à mettre en valeur à partir de sa correspondance et de ses livres de travail.

Expérience de guerre

La remarque d’Annette Becker au sujet de Marc Bloch qui a fait de la Première Guerre « un atelier de sa pensée »[25] peut s’adapter également à la correspondance de N. Cru. Au-delà d’un segment de vie, parfois proche du journal, Norton Cru transmet, dans sa correspondance, un témoignage volontaire sur la guerre, vécue au plus près. Il livre ses émotions dans un engagement citoyen ; il atteste de ce qu’il a vu, entendu, senti et pensé pour informer ses proches et au-delà. Quand, en novembre 1914, il écrit : « cette guerre sera intéressante à raconter. Je vois par mon expérience que qui n’y a pas passé s’en fait une idée bien vague[26] », un des critères majeurs de N. Cru apparaît : l’expertise du témoin direct.

Même s’il n’écrit pas la même chose à ses destinataires, et malgré l’impossibilité de « dire » exactement la situation extrême, N. Cru exprime son malheur et la tragédie à laquelle il est mêlé en première ligne. Cette écriture personnelle intègre sa participation aux épisodes parmi les plus dramatiques[27] en présentant un témoignage « oculaire »[28] et sensible : il évoque « la boue qui sent le cadavre »[29], les chevaux déchiquetés, le bruit effrayant qui « va nous faire exploser la tête et nous assourdir pour toujours »[30]. La dureté de ses mots confie les horreurs de l’attaque qu’il essaie parfois de communiquer à ses collègues américains, sans le succès escompté[31]. Depuis Saint-Mihiel, il transmet sa souffrance morale, sous les obus et le canon perpétuel : « Je ne pense plus. On devient une mécanique »[32]. Il évoque pudiquement Verdun, où les pertes sont importantes : « Ce fut dur et il fallut tendre tout son être dans un effort physique et moral »[33] et quand il mentionne les « marmites [qui] tombent si fort qu’on arrive à ne plus s’en soucier »[34], on mesure la relativité de cette observation, soulignant le miracle d’être en vie. Certaines lettres écrites au milieu de cet enfer, que seul Gustave Doré aurait su représenter, soulèvent des thèmes profonds de réflexion. La puissance ravageuse des engins surhumains, de l’artillerie, des mitrailleuses et des gaz provoque des dégâts considérables, incomparables avec les guerres précédentes. La mort de masse, la mort immédiate, les cadavres « mis en miettes[35] », l’agonie des blessés obligent à reconsidérer la bataille « où l’homme n’est rien dans le choc gigantesque[36] ».

N. Cru voit dans cette guerre – « qui enlève bien des masques »[37] – un lieu de dévoilement de la vérité de l’homme qui ne peut faire semblant. Cru parvient à nommer la peur, tardivement, car il en a honte et craint de ne pas « avoir l’étoffe dont on fait les soldats » ; il l’avoue, pourtant, en réalisant que la peur n’empêche pas les « plus beaux faits d’armes »[38], et que toutes ces « frêles machines de chair qui s’avancent dans une pluie de fragments d’acier » font preuve d’un grand courage. Norton Cru trouve les mots pour évoquer l’angoisse de l’assaut, l’urgence de se mettre hors de portée de l’ennemi – évidente réaction face à un obus, dira-t-il en 1922, lors d’une conférence[39] donnée aux États-Unis : « aucun mouvement vers l’avant n’est possible en face de mitrailleuses » et « aucun héroïsme n’évitera une fin funeste ». Le caractère inéluctable de ce combat moderne, devenu technique et psychologique, comme le souligne Cru, rejoint les questions de Jean Galtier-Boissière, en 1917 : « À quoi sert notre courage ? Un homme se défend-il contre le tremblement de terre qui va l’engloutir ? Tire-t-on des coups de fusil sur un volcan qui vomit sa lave enflammée ? »[40]

L’expérience du feu contredit le discours habituel sur la guerre, c’est pourquoi N. Cru met en garde les siens contre les journaux qui n’offrent à ses yeux qu’« élucubrations idiotes[41] » ou « vieilles rengaines[42] ». Cru prend les journalistes « en flagrant délit de mensonge »[43] lors de l’attaque du bois de Malancourt (1915) qu’il a vécue. Il déplore tout ce qu’il y a de « faux » dans le patriotisme affiché dans la presse, « bien porté chez les littérateurs, les politiciens en général, dans le gros public »[44].

La réflexion sur l’écriture de la guerre sans travestissement, loin des clichés faciles, prend son origine dans cette correspondance où il protège sa famille du piège de « l’hypertrophie émotionnelle »[45]. Peut-être faudrait-il attendre pour évoquer ces événements ? Il écrit : « Il est trop tôt, et il y a des restrictions, très légitimes d’ailleurs, à la liberté des opinions. C’est cette restriction même qui empêche ceux qui savent d’écrire en ce moment et ils laissent la parole à ceux qui croient encore à la légende de guerre. »[46] Comme l’écrit Frédéric Rousseau, « déchiré par la guerre, il en veut aux littérateurs »[47], et Témoins confirmera les impressions premières exprimées dans sa correspondance. En effet, il y disqualifie les récits complaisants, en particulier Jean Renaud, auteur de La Tranchée rouge qu’il juge « bien médiocre »[48] en 1916 et dont il regrettera dans Témoins les « fables, légendes, anecdotes inventées[49] ». La lecture du Miracle du feu de Marcel Berger, que Cru qualifie en 1917 de « bon document »[50], lui a permis de commencer son travail de critique d’ouvrage de combattant, de prendre le goût de l’exégèse du texte et des vérifications par la carte[51]. La même année, son verdict sur Le Feu de Barbusse est brutal : « livre très vendu, mais que je n’approuve pas »[52]. Cru déplore la notoriété de cet ouvrage dont l’auteur « ne voit que le laid et le souligne trois fois. »[53] Le professeur de littérature s’emporte contre la « fausse beauté du carnage »[54] et regrette l’art de « jongler avec les mots pris en eux-mêmes, vidés de toute réalité[55] », qui influence un imaginaire collectif autour d’une guerre flamboyante.

Ses désillusions de lecteur initient une réflexion tendue vers la découverte d’un genre de textes privilégiant l’observation et la vérité historique, à l’image des écrits de Maurice Genevoix qui donnent « des idées exactes sur un sujet où – écrit-il – je n’ai rien vu de satisfaisant à ce jour. »[56] Avant cet auteur « admirable » qu’il recommande à ses sœurs, « ce n’était que littérature, paroles vaines, procédés, efforts pour viser à l’effet et incapacité de voir [57] ».

La promesse qu’il se fait, en 1917, de « rendre justice aux soldats »[58], de dire la vérité, repose sur une dénonciation des idées toutes faites à propos du danger et de la mort, des discours « criminels » qui déforment les souffrances du front, et sur un appel trop facile aux émotions : ces thèmes vont nourrir sa « guerre jugée »[59] et inspirer une lecture méthodique, stylo en main.

Les témoins du travail de Cru

La particularité des livres de la bibliothèque de N. Cru repose sur les empreintes de sa lecture, de ses manipulations et prises de note. Ce fonds possède, de ce fait, sa propre histoire ; il devient une source à part entière qui affirme la pensée contrastive de N. Cru, ses vérifications obstinées et les allers retours qu’il établit entre le texte, les annotations infrapaginales et les pages préliminaires de synthèse, classées par catégories. On y découvre non seulement une abondante documentation, mais surtout, sur chaque ouvrage, l’inscription spontanée de sentiments de lecteur et de points de vue d’homme de lettres. Cette prédominance de commentaires dispose les éléments d’une génétique textuelle, présente l’évolution de sa pensée au cours de lectures successives[60].

Dès la couverture, Cru place des marques spécifiques d’appropriation, des repères biographiques ou les références de manuels utilisés[61]. L’incorporation de corrections, d’ajouts dans les marges, de réflexions sur les pages de garde montre sa méthode, le prolongement des pensées de ses lettres, et son importante documentation qui forme son jugement.

Inscrivant sur les ouvrages une chronologie des relèves et montées en ligne et une biographie précise, Cru apparaît en historien scrupuleux qui croise sa documentation. L’abondance de renvois à d’autres pages et autres auteurs, de remarques ou critiques serrées dans les marges, prouve une lecture souvent interrompue pour annoter : la lecture de N. Cru est un travail[62].

N. Cru classe parmi les meilleurs auteurs André Pézard[63] qui a su parler vrai, sans édulcorer la représentation de la guerre. Il apprécie de ne pas trouver « une ligne de remplissage, pas une de littérature » : c’est l’auteur qui l’aide à analyser d’autres publications relatives à la Butte de Vauquois, près de Verdun. Les soulignements d’importance ou les traits verticaux dans la marge, nombreux sur Nous autres à Vauquois, servent d’aide-mémoire pour la rédaction finale. Les notes remarquent le style de Pézard, « admirable et vrai [64]» et soulignent l’excellence du récit d’un « des princes de la littérature de guerre »[65] qui a su le mieux « dire l’indicible ». Souhaitant toujours étendre son expérience de la guerre à destination des générations futures, l’apostrophe de Pézard à ceux qui n’auront pas connu Vauquois touche particulièrement N. Cru : « Oh ! Vous autres, les autres, (...) vous ne comprendrez jamais, vous ne sentirez jamais, vous serez comme des étrangers et des ennemis, vous ne saurez point ce que cela veut dire la mine de l’ouest, à Vauquois, la mine du 14 mai 1916. »[66] Les lettres de Cru évoquaient déjà le malaise du soldat, au retour, partagé entre le refoulement et la re-création de l’incommunicable, face à l’attente de l’arrière.

Plusieurs ouvrages illustrent l’approche contrastive qui pousse N. Cru à écrire, sur la page de garde de L’Assaut[67] : « Comparer avec Jean des Vignes Rouges Bourru ; Pierre Ladoué Ceux de Là Haut ; André Pézard Ceux de Vauquois ; Beauguitte Vauquois (historique) ; Galtier-Boissière En rase campagne ; André Schmitz Sous la Rafale ». De son côté, le livre de Paul Cazin, « peut-être le meilleur témoignage du rang », est à « contraster avec Barbusse »[68]. L’usage d’un stylo noir, et rouge pour insister, confirme la pratique de l’enseignant qui met en place une évaluation : un extrait évoquant les hommes qui ressentent « une peur animale » devant les explosions est qualifié de « juste »[69] dans la marge de Nous autres à Vauquois. Sur le Journal de campagne de Jean-Marie Carré, l’enthousiasme de Cru s’exprime face à des pages « admirables », il inscrit en page de garde : « les passages à citer, les petits chefs-d’œuvre se suivent au point qu’il faudrait tout citer. »[70] Un pense-bête sur cette même page rappelle que Cru souhaite le « contraster[71] » avec Taboureau (pseudonyme, Jean des Vignes Rouges) et Dufestre (pseudonyme Henry d’Estre), dont il écrit : « ce sont des aveugles et des esclaves ; ne peuvent, ne savent, n’osent… »

Les observations notées – brèves ou très rédigées – restituent sa lecture et livrent son avis motivé sur la narration ou les faits rapportés. Cru proteste sur l’œuvre d’Henry d’Estre[72] contre les « souvenirs arrangés », « la calomnie du courage de l’ennemi », « les descriptions dramatiques arrangées pour le lecteur » et la fausse légende des « effets foudroyants de la mélinite ». Ses appréciations ou emportements documentent sur la progression du raisonnement au cours de ses lectures. En lisant « l’optimisme absurde sur la “fuite éperdue” des boches », mentionnée par d’Estre, Cru donne à entendre sa désapprobation par le double soulignement et le double point d’exclamation : « il la décrit comme s’il l’avait vue !! »[73] Cela ne l’empêche pas d’apprécier, dans ce même livre, trois pages « excellentes à citer » sur la psychose de guerre.

Sous l’effet de comparaisons, les annotations négatives ne manquent pas. Le jugement porté sur Jean des Vignes Rouges est catégorique : « l’auteur est un patriote honnête et son intention est surtout didactique ce qui est une faiblesse au point de vue littéraire et presque une disqualification au point de vue historique »[74]. Les reproches que Cru adresse à Pierre Ladoué dans Témoins étaient déjà sur son exemplaire : «48 pages sont une vraie contribution, le reste étant banal. C’est bien vide ! »[75] Il semble que plus la documentation de N. Cru progresse, plus l’approche comparative entre des ouvrages de combattants et sa propre expérience lui confère des certitudes.

Quelquefois, la note devient plus personnelle. Norton Cru fait part de son témoignage d’ancien combattant sur Nous autres à Vauquois en validant une allusion : « mes souvenirs, les pires, Bettincourt, Fleury… confirment cela »[76]. Une lettre de guerre adressée à sa mère évoque sa présence à « Marmit-City »[77]  : « c’est ainsi – écrit-il – que j’appelle ce fameux village de Vauquois, le plus bombardé de France puisqu’il n’a même plus de ruines. »[78]

Les annotations inscrivent, avec spontanéité, une réaction réfléchie de lecteur et délivrent une partie de son message de quête de la vérité du conflit. Ses notes de synthèse, souvent reprises dans Témoins, privilégient le témoignage direct du poilu qui « fait » la guerre dont l’histoire s’écrit dans sa chair.

Les lettres et les ouvrages annotés de N. Cru constituent un patrimoine intellectuel précieux qui dévoile une grande partie des fondations de Témoins. Ses manuscrits donnent une existence matérielle à son travail préparatoire, font apparaître le processus de création, avec son rythme et sa maturation, avant le texte définitif. Dans ce travail de restitution, prélude de Témoins, Norton Cru mobilise son expérience de combattant et de professeur de littérature, expose son positionnement face aux récits de ses frères d’armes. Des liens directs existent entre la correspondance, les commentaires inscrits sur les ouvrages de combattants et Témoins. Le courrier familial présente une ébauche expérimentale et narrative de sa réflexion sur le récit de guerre fidèle à l’expérience et ses notes rejettent toute réalité recréée par des procédés littéraires. Les commentaires, inscrits sur les livres de sa bibliothèque, composent une écriture combative et solidaire, où la fiction et l’exaltation romanesque du sacrifice n’ont pas leur place. Ses interventions successives, visibles sur ses livres, ne permettent pas toujours de mettre en place une chronologie de travail, mais elles mettent au jour les pratiques de lecture et le portrait d’un homme qui a donné dix ans de sa vie pour faire éclater la vérité sur la guerre et traquer les erreurs d’auteurs trop complaisants à l’égard du public. L’imbrication entre ses lettres, sa documentation, ses notes, constitue une histoire et une mémoire de l’édition de Témoins. La forme de ces archives illustre le caractère de leur auteur et fournit un ego-discours, au-delà de l’œuvre elle-même du texte initial, très intéressant à considérer.

 


[1] Philippe Lejeune, Signes de vie. Le pacte biographique 2, Le Seuil, Paris, 2005, p. 9.

[2] Jean Norton Cru, Témoins. Essai d’analyse et de critique des souvenirs de combattants édités en français de 1915 à 1928, préface et postface de Frédéric Rousseau, Presses Universitaires de Nancy, coll. « Témoins et témoignages », 2006 [1re éd. Paris, Les Étincelles, 1929].

[3] Témoins, p. 6.

[4] Les ouvrages de sa bibliothèque sont conservés au Service commun de documentation (SCD) de l’Université d’Aix Marseille, centre d’Aix. Les lettres de guerre sont aujourd’hui déposées aux Archives de Marseille, complétant un don de la famille Vogel.

[5] Jean-Marie Guillon, « Jean Norton Cru, littérature et témoignages de la Première Guerre mondiale », Cahiers d’études germaniques, « La Première Guerre mondiale un siècle plus tard. Culture et violence », 2014, p. 195.

[6] Témoins, « Avant-propos », p. VIII.

[7] Témoins, p. 491.

[8] Témoins, p. 3.

[9] Les sœurs de Norton Cru ont conservé ses lettres de guerre, dont certaines sont annotées par la plus jeune sœur, Hélène Vogel. Celle-ci en mesure l’importance et les confie au professeur Pierre Guiral. Mme Guiral a rapporté qu’Hélène Vogel les considérait « comme un trésor » (Entretien Mme Guiral, 15 fév. 2006).

[10] Jean Norton Cru, Lettres du front et d’Amérique 1914-1919, éditées par M.-F. Attard-Maraninchi et R. Caty, préface de J.-M. Guillon, Aix, Publication de l’Université de Provence, coll. « Le temps de l’histoire », 2007, 398 p.

[11] H. Vogel a rédigé un article biographique publié par les Annales de la Faculté des Lettres et Sciences humaines d’Aix-en-Provence, « Jean Norton Cru. Sa vie par rapport à Témoins » , t. XXXV, p. 37 – 68, 1961. La plus grande partie de cet article a été publiée en annexe d’une réédition de J. Norton Cru, Du Témoignage, Paris, éd. J. –J. Pauvert, coll. « Libertés », 48, 1967.

[12] Voir l’édition de Témoins de 2006.

[13] Théodore Vogel, diplômé de l’Ecole supérieure d’électricité de Paris, docteur en sciences physiques, chargé de recherche au CNRS, était un acousticien de renommée internationale.

[14] Témoins, p. 491.

[15] Nous n’avons pas trouvé le courrier qu’il expédie aux Etats-Unis (à son épouse, à son frère Paul, à ses étudiants et ses collègues) ou en France (à sa belle-famille et à ses camarades), évoqué dans bien des lettres.

[16] Témoins, p. 491.

[17] Mirmande, où N. Cru et son frère Albert ont construit, au début du XXe siècle, une maison pour leur mère, séparée du père, a été un point central de nos recherches biographiques. La défiance des habitants du village devant une inconnue, voulant recueillir des informations sur une famille de Mirmande, sans être originaire de la Drôme ni protestante, a ralenti la démarche. Une fois la confiance établie, le concours de certaines personnes ayant connu les Cru a permis de compléter bien des zones d’ombre, et nous leur en sommes reconnaissante.

[18] Lettres, 5 janvier 1918 : « J’ai toujours été un omnivore et je semblais gaspiller mon temps. »

[19] À Alice, 10 mars 1931 (AMM, 46 II 4).

[20] À Alice, 7-11 mars 1931 (AMM 46 II 4).

[21] À ses sœurs, 5 mars 1931 (AMM, 46 II 4).

[22] À Alice, 22 oct. 1916, Lettres, p. 189.

[23] N. Cru quitte les Etats-Unis en août 1914, à 35 ans, pour être intégré comme territorial, puis versé comme réserviste dans un régiment d’infanterie « volant ». Il combat dans la Meuse (Saint-Mihiel), puis en Argonne (Vauquois), enfin en Champagne avec une première incursion en septembre 1915 au Chemin des Dames, et une seconde dans l’enfer de Verdun en juin-juillet 1916 (Thiaumont). Au printemps 1917, il parvient à être interprète, en détachement à l’armée britannique, puis instructeur principal pour la formation d’interprètes à Biesles, détaché à l’armée américaine.

[24] Michel Foucault, Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des sciences humaines », 1969, p. 34.

[25] Annette Becker, Préface de Marc Bloch, L’Histoire, la Guerre, la Résistance, Paris, Gallimard, coll. « quarto », 2006, p. XIII. Cité par Fabienne Federini, « Marc Bloch, L’Histoire, la Guerre, la Résistance », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, 2006, mis en ligne le 29 avril 2006, consulté le 29 novembre 2014. URL : http://lectures.revues.org/287.

[26] À Albert, 3 novembre 1914, Lettres, p. 82.

[27] N. Cru combat à Vauquois entre mars et juin 1915 et participe à l’attaque de Thiaumont- Fleury, du 27 juin au 4 juillet 1916, qu’il relate dans une lettre à Albert, le 4 juillet 1916 (J. N. Cru, Lettres, p. 163).

[28] Renaud Dulong, Le Témoin oculaire. Les conditions sociales de l’attestation personnelle, éd. école des hautes études en sciences sociales, Paris, 1998.

[29] À Alice, 9 juillet 1916, Lettres, p. 164.

[30] À sa mère, 23 juillet 1916, Lettres, p. 169.

[31] En 1915, N. Cru déplore un article de The New York Herald, journal à gros tirage, qui a dénaturé ses propos, en prétendant reproduire un de ses courriers ; à Albert, 20 mai 1915, Lettres, p. 111.

[32] À sa mère, 30 octobre 1914 Lettres, p. 82.

[33] À Alice, 6 juillet 1916, Lettres, p. 164.

[34] À Albert, 4 juillet 1916, Lettres, p. 163.

[35] À Alice, 9 janv. 1915 Lettres, p. 97.

[36] À Hélène, 30 août 1916, Lettres, p. 177.

[37] À Alice, 11 déc. 1915, Lettres, p. 134.

[38] À Hélène, 16 avril 1917, Lettres, p. 240.

[39] Jean Norton Cru, « Courage and fear in battle according to tradition and in the Great War : lecture delivered Feb. 14, 1922 at Williams College in the series of weekly public lectures by the faculty », 26 p. dactyl. (SCD, Ms 75).

[40] Jean Galtier-Boissière, En rase campagne 1914. Un hiver à Souchez (1915-1916), Paris, Berger-Levrault, 1917, pp. 288-289. Annotation de JNC en début d’ouvrage : « BIEN » (SCD 106 432).

[41] À Alice, 6 juillet 1915.

[42] À Hélène, 17 octobre 1916, Lettres, p. 181.

[43] Rémy Cazals, « Représenter la guerre avec véracité pour construire la paix : JN Cru et 14-18 », Jean-Paul Cahn, Françoise Knopper, Anne-Marie Saint-Gille (édrs), De la guerre juste à la paix juste, Septentrion, 2008, p. 189.

[44] À Alice, 6 juil. 1915, Lettres, p. 116.

[45] À Alice, 22 oct. 1916, Lettres, p. 190.

[46] À sa mère, 29 déc. 1916 Lettres, p. 206.

[47] Frédéric Rousseau, Le Procès des témoins de la Grande Guerre. « L’affaire » Norton Cru, Seuil, Paris, 2003, p. 50.

[48] À Alice, 10 nov. 1916, Lettres, p. 194. Jean Renaud, La Tranchée rouge, Hachette, Paris, 1916, coll. « Mémoires et récits de Guerre ».

[49] Témoins, p. 392.

[50] À Alice, 12 mai 1917, Lettres, p. 244. Marcel Berger, Miracle du feu, Calmann-Lévy, Paris, 1916.

[51] Ces recherches le conduisent à le classer, dans Témoins, en 4e catégorie par ordre de valeur « de vérité du témoin sincère » (p. 661), comme Barbusse ou Dorgelès.

[52] À Alice, 23 mai 1917, Lettres, p. 246. Henri Barbusse, Le Feu. Journal d’une escouade, Paris, Flammarion, 1916.

[53] À Alice, 23 mai 1917, Lettres, p. 246.

[54] À Alice, 22 janvier 1917, Lettres, p. 213.

[55] À Hélène, 6 mai 1918, Lettres, p. 307.

[56] À Alice, 10 nov. 1916, Lettres, p. 194. Maurice Genevoix, Sous Verdun, Hachette, Paris, 1916, coll. « Mémoires et récits de Guerre ».

[57] À Alice, 10 nov. 1916, Lettres, p. 194 (c’est lui qui souligne).

[58] À Hélène, 16 avril 1917, Lettres, p. 243.

[59] Charlotte Lacoste, « Le témoignage ou la guerre jugée. Genèse d’un genre littéraire », 21 janv. 2014. http://www.college-de-france.fr/site/antoine-compagnon/seminar-2014-01-21-17h30.htm

[60] N. Cru couche ses impressions immédiates, puis des relectures le conduisent à approfondir un propos ou à l’illustrer de comparaisons. Plusieurs ouvrages portent ces traces, celui d’André Pézard, Nous autres à Vauquois, indique une date de deuxième lecture : mai 1927 (début de la rédaction de Témoins).

[61] En particulier, Jean Vic, La littérature de guerre, Paris, Les Presses françaises, 1923 ; Qui êtes-vous ? Annuaire des contemporains. Notices biographiques, Ruffy éditeur, 1924 ; Maurice Hanot (d’Hartoy) ; La Génération du feu. Bibliographie des écrivains combattants français de 1914 à 1919, Paris, Berger-Levrault, 1923.

[62] Les pages Erratum que Cru constitue prouvent son exigence de lecteur ; elles concernent des fautes de frappe, orthographe ou des erreurs portant sur une localité, une unité ou une chronologie.

[63] André Pézard, Nous autres à Vauquois, Paris, La Renaissance du livre, 1918 (SCD 106 601).

[64] Annotation de JNC, op. cit. pour la p. 152.

[65] Témoins, p. 224. Son opinion très positive, exposée en 1929, a eu un réel impact sur le succès de Nous autres et sa réédition en 1931.

[66] A. Pézard, op. cit., p. 284.

[67] Georges Boucheron, L’Assaut. L’Argonne et Vauquois, avec la 10e Division, Paris, Perrin, 1917 (SCD 106 347). Jean des Vignes Rouges (pseudonyme), Bourru, soldat de Vauquois, Paris, Perrin, 1916 (SCD, 106 642). Pierre Ladoué, Ceux de « Là-Haut ». Hier, aujourd’hui et demain, Paris, Perrin, 1917. Ernest Beauguitte, Vauquois, Berger-Levault, Paris, 1921. Jean Galtier-Boissière, op. cit. André Schmitz, Sous la rafale, Bloud, Paris, 1918.

[68] Annotations de JNC sur Paul Cazin, L’Humaniste à la guerre, Paris, Plon, 1920 (SCD 103 368).

[69] A. Pézard, op. cit., p. 114.

[70] Annotation de JNC sur Jean-Marie Carré, Histoire d’une division de couverture. Journal de campagne (Août 1914-Janvier 1915), Paris, La Renaissance du Livre, 1920 (SCD 106 365).

[71] Annotation de JNC sur J.-M. Carré, op. cit.

[72] Henry d’Estre (pseudonyme de Henry-Xavier Dufestre), D’Oran à Arras. Impressions de guerre d’un officier d’Afrique, Paris, Plon-Nourrit, 1916 (SCD 106 420).

[73] Annotation de Cru sur la page de garde, relative aux pages 138-139, d’Henry d’Estre, op.cit.

[74] Annotation de Cru relative à Bourru, mais inscrite sur Sous le Brassard d’Etat-Major, du même auteur, Paris, Flammarion, 1919 (SCD 106 645).

[75] Pierre Ladoué, op. cit. Cet ouvrage ayant reçu le prix Montyon en 1918, Cru écrit dans Témoins : « Il faut croire que [l’Académie] ignorait l’existence d’une foule de livres de combattants qui méritaient bien mieux cette récompense par la valeur de leur témoignage comme par l’intérêt de leurs récits » (p. 337).

[76] Annotation de JNC dans Pézard, p. 348.

[77] À sa mère, 20 mai 1915, Lettres, p. 110.

[78] À Alice, 6 juillet 1915, Lettres, p. 120.

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