N°6 / Du Témoignage. Autour de Jean Norton Cru

La méthode Cru « augmentée »

Une étude textométrique du témoignage combattant

Charlotte Lacoste

Résumé

Décriée dans l’entre-deux-guerres et très vite oubliée, partiellement redécouverte à la fin du XXe siècle et à nouveau attaquée, l’œuvre de Jean Norton Cru reste controversée, et parfois ignorée, alors même qu’elle constitue un jalon essentiel de l’histoire du témoignage. Nous voudrions mettre en lumière l’intérêt de la réflexion de Jean Norton Cru et faire valoir la fécondité de son approche. Après avoir rappelé les principes fondamentaux de la méthode critique qu’il a mise au point dans Témoins, nous prolongerons ses analyses par une étude des spécificités linguistiques de trois grands genres parmi les écrits de combattant : romans, lettres et journaux.

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Je partirai du constat que la méthode critique mise au point par Jean Norton Cru dans Témoins, qui n’avait guère été comprise à l’aube des années 30, ne l’a pas davantage été lors de l’exhumation de son œuvre dans les années 90. Les attaques portées contre son travail se sont décalées disciplinairement : elles ne viennent plus tant d’hommes de lettres arc-boutés sur leur conception de la chose littéraire que d’historiens – ceux, du moins, qui persistent à ne voir en Cru qu’un « impitoyable censeur[1] », instigateur d’une « dictature du témoignage[2] », voire qui l’accusent d’avoir anticipé « les mécanismes propres au négationnisme[3] ». Ces calomnies ont contribué à jeter le discrédit sur la méthode de critique des témoignages qu’il avait initiée, quand elles n’ont pas achevé de frapper de suspicion l’objet testimonial lui-même. Quant au champ littéraire, la redécouverte des travaux pionniers de Cru ne semble pas y avoir constitué un événement majeur, alors même que la littérature dite « de témoignage » constitue un domaine d’étude en expansion depuis une vingtaine d’années. Ce déni s’explique ; les positions défendues par Cru, outre qu’elles bousculent des évidences concernant les rapports entre création littéraire et vérité historique, responsabilité de l’écrivain et droits de la fiction, mettent à mal la définition même de la littérature héritée du romantisme, dont nombre de théoriciens d’aujourd’hui continuent d’être tributaires[4]. Ainsi la fonction d’attestation des œuvres testimoniales se trouve-t-elle régulièrement déniée par des littéraires qui font profession de régner sur le vaste empire de l’inattestable. Et le « témoignage » continue de recevoir, en littérature, des définitions si confuses qu’elles pourraient aussi bien valoir pour le faux témoignage[5].

Sans réexpliquer ici l’intégralité de la méthode de Jean Norton Cru, je voudrais en rappeler les principes fondamentaux et en faire valoir la fécondité, non tant dans le domaine historiographique où il est avéré que ses travaux ont préparé, accompagné et opéré un changement de paradigme dans le rapport aux acteurs invisibles des événements, que dans le domaine littéraire (au sens large d’arts et sciences du texte). Mon hypothèse est que l’approche philologique de Cru, qui n’est pas sans rapport avec les principes que la linguistique naissante mettait au point à peu près à la même époque, annonce non pas les méthodes négationnistes, comme le voudraient ses détracteurs, mais celles de la sémantique textuelle. Je me propose de le démontrer en enchérissant sur sa pratique. Il s’agira, en ayant recours à des outils informatiques, d’établir le bien-fondé de son travail et, si possible, de parachever certaines de ses analyses.

La méthode Cru

Rappelons tout d’abord que Jean Norton Cru travaille à partir d’un corpus précis, cohérent et exhaustif : tous les livres de combattants rédigés en français et édités entre 1915 et 1928 sur lesquels il a pu mettre la main, soit 304 ouvrages au total (246 auteurs). On lui a reproché de « trier » les témoins. C’est feindre d’ignorer que la constitution d’un corpus est nécessairement sélective ; elle procède de choix. Cru explicite et justifie les siens (ce qui ouvre la possibilité de les discuter) : il ne garde que les textes en prose de témoins directs.

Et il part d’une hypothèse – heuristique en ce qu’elle inaugure la réflexion scientifique sur l’objet testimonial : tous les témoignages ne se valent pas. Marc Bloch ira dans le même sens dans Apologie pour l’Histoire ou Métier d’historien en montrant que l’ensemble des témoignages relatifs à un événement forme un continuum qui va du récit le plus lucide, le plus probant historiquement et le plus puissant littérairement, au texte le plus douteux, le plus perméable aux erreurs ambiantes, le plus chargé idéologiquement. C’est pourquoi les témoignages sont des documents qui appellent la « critique » au vrai sens du terme (du grec « séparer, distinguer, estimer, interpréter »). Et l’on se gardera bien sûr de confondre la critique des témoignages, activité philologique indispensable que témoins, historiens et linguistes peuvent et doivent mener de concert, avec la critique du témoignage, c’est-à-dire la mise en cause de la parole testimoniale comme telle. À l’instar des négationnistes qui se revendiquèrent des travaux de Jean Norton Cru pour disqualifier la parole des témoins et réécrire l’Histoire, les détracteurs de Cru jouent sur l’ambiguïté.

Jean Norton Cru a un objet, qui peut se résumer ainsi : établir « si le maximum de vérité s’obtient par la méthode Genevoix, la méthode Barbusse ou la méthode Jean des Vignes Rouges »[6]. La « vérité » dont il s’agit ici n’est ni sacrée ni dogmatique ; c’est celle que les combattants ont découverte au front et à laquelle rien de ce qu’ils avaient pu lire avant ne les avait préparés. « Cette vérité historique de notre guerre nous voulons la défendre envers et contre tous, car ce n’est pas une vérité abstraite, transcendantale, elle est marquée dans notre chair, dans le souvenir de nos souffrances et de nos angoisses. »[7] Cru est donc en quête dans Témoins d’une méthode de narration de la guerre qui ne sacrifierait pas la réalité de l’expérience combattante sur l’autel des convenances idéologiques, que celles-ci soient le produit d’une tradition littéraire ou d’un aveuglement patriotique. On perçoit la dimension polémique du projet, qui vise à dénoncer les méthodes des écrivains par l’entremise desquels la guerre reconduit sa propre légende, et à substituer à leur prose mensongère cette « magnifique floraison d’impressions personnelles »[8] qui ont germé dans les tranchées comme autant de contre-récits. Cette vérité, cependant, ne se trouve pas telle qu’en elle-même déposée dans un texte ; elle se fait jour à partir de l’ensemble des récits produits par ceux qui ont vu la guerre de près.

En effet, la méthode Cru consiste en une comparaison systématique des textes les uns aux autres, sur la base d’un faisceau de critères situés à différents niveaux d’analyse (états de service de l’auteur, durée du séjour au front, appartenance générique du texte, ordonnancement du récit, partis pris éthiques et esthétiques, récurrences de certains motifs et absence de certains autres, choix de contre-modèles, etc.) – critères qu’il considère simultanément pour évaluer chaque texte relativement à l’ensemble du corpus existant. Ainsi, dans le tableau final de Témoins[9], où les 246 auteurs se trouvent répartis en six classes, chaque témoin tient sa valeur (au sens linguistique du terme) de l’existence de tous les autres, et cette évaluation est elle-même relative au point de vue personnel et assumé comme tel de Jean Norton Cru, ancien combattant et grand lecteur de livres de guerre : les 29 auteurs de la classe I sont ceux qui, selon lui, ont trouvé la meilleure méthode de narration qui soit pour porter témoignage. Ce qui démontre la pertinence de son classement, ce sont les cohérences qui s’en dégagent. Par exemple, la plupart des auteurs de la classe I ont en commun de s’être trouvés directement exposés au danger (donc de savoir de quoi ils parlent), d’avoir fait d’assez longues études (donc de savoir écrire) et d’avoir tenté de rendre compte dans leurs textes d’éléments (les douleurs morales par exemple) dont Jean Norton Cru atteste qu’ils sont ce qui tortura le plus ardemment les soldats – alors que ceux-ci apparaissent comme des détails dans les ouvrages des témoins les moins bien classés, qui ont quant à eux en commun de recycler les légendes de guerre qui fourmillent dans les tranchées et de se répandre en injures contre l’ennemi. Ainsi se dégagent des constellations de textes, se distinguant tant sur le plan stylistique qu’idéologique, dont Cru évalue la pertinence et l’efficacité en posant à l’horizon de son analyse la question de la responsabilité des auteurs quant à l’image qu’ils donnent de la guerre.

Enfin, il faut remarquer que la notion de genre occupe une place fondamentale au sein de la méthode Cru. Témoins est composé de cinq parties correspondant aux cinq genres examinés (journaux, souvenirs, réflexions, lettres, romans), dont l’auteur compare les mérites respectifs – car, là encore, tous les genres ne se valent pas pour porter témoignage. Le journal y est, selon Cru, plus propice que le roman. C’est pourquoi l’on trouve, dans la classe I, 17 journaux contre 3 correspondances et 1 roman. Or, selon l’hypothèse que j’ai développée dans ma thèse[10], le travail de comparaison qu’il mène à partir de ces cinq genres dans Témoins contribue à en faire advenir un sixième, le témoignage, entendu comme le récit rétrospectif en prose d’un survivant qui, pour attester les violences politiques dont il a été témoin, les porte à la connaissance de tous dans un livre publié – genre qui arrivera à maturité dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale et de la libération des camps, et dont Si c’est un homme de Primo Levi constitue l'un des exemples les plus aboutis.

C’est cet aspect-là du travail de Jean Norton Cru que je voudrais éclairer et prolonger ici à l’aide d’outils dont il aurait sans doute rêvé s’il avait pu les imaginer, à savoir les diverses fonctionnalités offertes par le logiciel d’analyse textométrique TXM[11]. Ne pouvant numériser l’intégralité du corpus de Cru, j’ai retenu 24 ouvrages appartenant à trois des cinq genres qu’il considère : 8 journaux, 8 romans, 8 recueils de lettres, avec un panachage d’auteurs bien et mal classés dans les trois cas qui tient compte à chaque fois des proportions de genre selon les classes[12]. Mes réflexions sur ce corpus et les investigations informatiques auxquelles elles ont donné lieu visent à apporter des éléments de réponse aux questions suivantes : quelles sont les spécificités linguistiques propres à chacun des trois genres considérés ici, relativement aux deux autres ? Ces caractéristiques peuvent-elles contribuer à éclairer l’évaluation que ces genres reçoivent dans Témoins ? Qu’est-ce qui fait du journal un genre plus propice au témoignage que la lettre et le roman ?

Je précise, avant de présenter les résultats de cette recherche, que l’approche sémantique qui est la mienne, et qui s’inscrit dans le sillage de celle de François Rastier[13], me fait concevoir les genres (y compris littéraires) comme des pratiques sociales. En parlant de l’avènement du témoignage comme genre littéraire, je signifie que le geste qui consiste, pour un survivant, à rédiger et à publier le récit circonstancié des violences qu’il a subies circonscrit un projet spécifique qui s’invente à ce moment-là, projet qui lui-même détermine un certain type de textes. Une forme linguistique (mot, signe de ponctuation, etc.) n’a pas de sens en soi ; elle le reçoit du contexte dans lequel elle se trouve plongée (dans telle phrase située à telle place dans tel texte relevant de tel genre) et qui actualise son sens. Ainsi, il y a des mots qui sont plus spécifiques à certains genres qu’à d’autres (par exemple, le mot permission est un mot des lettres plus que des romans et des journaux), et tous les genres ne font pas les mêmes usages des mêmes mots (par exemple, le mot marmite signifie d’abord un « obus » dans le journal et d’abord un « ustensile de cuisine » dans le roman). Le global détermine le local, au sens où les normes de genre pèsent sur le choix des mots et leur sens – et pas seulement des mots, puisque l’approche sémantique envisage tous les paliers d’analyse linguistique. Ce sont ces normes que Cru cherchait à faire apparaître avec ses moyens ; les outils statistiques permettent d’aller un peu plus loin.

Romans de la Grande Guerre

En synthétisant ce qui ressort de l’analyse des spécificités propres aux romans du corpus (étant entendu que le calcul des spécificités linguistiques d’un genre est toujours relatif à celles des genres auxquels on le compare), on constate que l’on a affaire à un type de narration classique comportant les marques traditionnelles du récit : pronoms de troisième personne, verbes au passé simple et imparfait, adverbes conjonctifs assurant le séquençage de la narration et lui donnant son rythme (Puis, Alors, Soudain). Autrement dit, les romans de la Grande Guerre sont d’abord et avant tout des romans, qui conservent les grandes caractéristiques du genre, centré sur des personnages. D’où l’importance des noms propres, et ce jusque dans les titres, les anthroponymes des romans (Gaspard de René Benjamin, Bourru de Jean des Vignes Rouges) s’opposant aux toponymes des journaux (Jusqu’à l’Yser de Max Deauville, Nous autres à Vauquois d’André Pézard) – « Genevoix n’a aucun héros », remarque Cru[14]. À ces noms de personnages s’ajoute l’ensemble des classes d’humains représentées : copains, gars, bonhommes, camarades, compagnons, qui appellent les femmes, qui elles-mêmes appellent les enfants et les gosses. La famille est là, et la société tout entière à ses côtés – marchands, concierges, secrétaires, patrons, patronnes, etc. Dans les romans de la Grande Guerre continue de se côtoyer le personnel traditionnel du roman du XIXe siècle, qui exporte sa comédie humaine jusque dans les tranchées.

Dès lors, le texte romanesque est essentiellement tissé des paroles de ces personnages. En atteste la place consacrée aux dialogues. Les tirets constituent la première donnée spécifiante du roman, suivies de près par les guillemets, les deux points, les verbes déclaratifs (dire, répondre, reprendre, raconter, répéter, le plus souvent à la troisième personne et au passé simple), et toutes autres marques énonciatives, les romanciers ambitionnant par ailleurs de reproduire des parlures colorées. D’où l’importance des marqueurs d’oralité : interpellations (pauv’ vieux), usage de pronoms toniques en début de phrase (Moi), interjections servant de starters énonciatifs (Ben), de béquilles discursives (hein) ou de formules de clôture rituelles (tant pis), reproduction littérale de manières de prononcer apocopées (Y a qu’à, Y a pus, p’t’être), points de suspension, pronom démonstratif ça, usage d’un vocabulaire familier (le mot poule, au sens de « prostituée », n’apparaît, dans le corpus, que dans les romans, et il y apparaît régulièrement), voire vulgaire (on relève, par exemple, une surreprésentation du verbe foutre dans le roman, du fait de l’usage intensif des expressions je m’en fous, foutre le camp et qu’est-ce que vous foutez ?), formules à l’emporte-pièce (j’aime(rais) mieux mourir, ne pas s’en faire[15]), injures (le mot tas, associé à fumier, fagots, sacs, boue et ordures dans le journal, sert avant tout à forger des insultes dans le roman : tas de salauds, tas de vaches, tas de vieux jetons).

De ces personnages volubiles, prototypiques, on décrit le visage (yeux, rire, sourire), les sentiments (orgueil, désespoir, mépris, colère), mais surtout on décrit la voix, lexème très spécifique du roman. Et puis, un personnage de roman, ça mange. D’où la place de la nourriture parmi les spécificités positives des romans du corpus (soupe, viande) – qui héritent par là aussi des réquisits du roman naturaliste – et de la boisson (vin, gnole, pinard), ce qui confirme certaines hypothèses de Cru concernant le taux d’alcoolémie élevé du poilu romanesque. Une recherche des cooccurrents de l’adjectif gras montre que c’est en premier lieu la boue qui est grasse dans les journaux, alors que dans le roman, c’est une odeur (souvenir des exhalaisons du roman naturaliste), une soupe, une voix. On relève enfin la présence, dans les romans du corpus, d’un champ lexical de la conjugalité, de l’extra-conjugalité et de la sexualité (marié, cocu, fesse).

La place dévolue aux personnages et à leurs discours fait qu’il y a des choses dont il est moins question dans le roman, relativement aux deux autres genres – ce qui se mesure linguistiquement aux spécificités négatives. Significativement, ce qui est éclipsé, c’est la guerre de 14 elle-même. Plus précisément : le vocabulaire de la guerre est présent (le premier substantif spécifique du genre romanesque est guerre), mais le lexique utilisé (risque, gloire, haine, héros) n’est pas spécifique de cette guerre-ci, dont les batailles (lexème spécifique) sont fréquemment décrites en recourant à la métaphore de la tempête (foudre, ouragan). La violence guerrière et ses conséquences (coup, balle, feu, cri, blessé, mort, sang, cadavre) l’emportent largement sur le vocabulaire relatif à la vie dans les tranchées, aux opérations militaires et à l’armement. Dans le lexique spécifique, on ne trouve pas d’armes à l’exception de la baïonnette – ce qui n’aurait guère étonné Jean Norton Cru, qui déclare quant à lui « n’avoir jamais vu faire usage de la baïonnette, jamais vu de baïonnette souillée de sang, ou tordue dans un corps[16] », et qui déplore l’utilisation qui est faite de cette arme dans le roman[17].

Des personnages gouailleurs, mangeurs, noceurs, râleurs, hauts en couleurs, des batailles à l’arme blanche et des soirées de ripaille ; de l’action et du verbe : on reste en territoire connu pour le lecteur, loin des plaines humides et des marches fangeuses qui font l’ordinaire du journal (et des poilus eux-mêmes).

Lettres de soldats

Les lettres constituent le genre le plus important – en volume – de la Grande Guerre (dix milliards de lettres échangées en quatre ans) et un moyen de communication privilégié pour les combattants. Il entre un plaisir particulier dans la correspondance de guerre, qui se formule (« Le fait de t’écrire et de savoir que mes lettres te parviennent m’est un paradis quotidien », écrit par exemple Eugène Lemercier[18]) – plaisir que l’on ne retrouve guère dans le journal, genre de la consignation rapide si l’on en juge par la fréquence des phrases nominales et des abréviations.

Un des aspects intéressants de la lettre de guerre – genre particulièrement contraint, et pas seulement du fait de la censure – réside dans le fait qu’elle se rapproche parfois plus du journal intime que le carnet de guerre lui-même. En effet, dans l’espace singulier de la lettre, la première personne du singulier domine largement comparativement aux deux autres genres – le je des lettres comporte l’indice de spécificité le plus fort que l’on puisse relever dans le corpus[19] –, et ce je se livre à un examen de conscience rendu nécessaire par la proximité de la mort, ce qui achève de faire de la lettre un ersatz de journal intime. Cet examen se mène sous les regards conjugués de nombreuses instances, selon un dispositif énonciatif complexe : média semi-privé, la lettre de guerre est adressée aux proches, mais elle est destinée à circuler au-delà du cercle familial, par l’entremise duquel c’est le pays entier qui vous regarde. Surgissent dès lors des questions d’image de soi qui ne se posent pas de la même manière que dans les journaux ; il s’agit ici de donner des preuves de sa valeur par les épreuves que l’on endure (l’honneur de la famille est en jeu), le tout sous le regard de l’éternité (chaque lettre résonne des ultima verba de son auteur, certaines formules sentant un peu l’épitaphe), c’est-à-dire aussi sous le regard de Dieu, personnage principal du genre. À quoi s’ajoute la place particulière des mères, maillon essentiel du sentiment religieux et destinataires privilégiés des lettres[20]. Ainsi la lettre de guerre recrée-t-elle une trinité (mon Dieu, ma patrie, ma mère), qui explique que les descriptions ne soient ni outrancières ni précises, car il faut se montrer à la hauteur et ne heurter personne.

Le cadre étant posé, on appréhende mieux les spécificités du genre : la lettre de guerre est un lieu de spiritualité, où se déploient des réflexions souvent plus élaborées que dans les deux autres genres, où la pensée se cherche, tout en modalisations, et se déploie autour de deux  axes principaux : vertus chrétiennes (amour, espérances, générosité ; prévalence du verbe croire) et devoir patriotique (pays, France, devoir, honneur sont des mots spécifiques des lettres), la notion d’épreuves et de sacrifice achevant de faire le lien entre les deux isotopies[21]. La modalité déontique, relative à l’obligation morale, domine largement par l’entremise du verbe falloir. Une étude des cooccurrents du mot devoir montre que dans les lettres on fait ou on remplit son devoir ; alors que, dans les journaux, le premier cooccurrent de devoir est dupe : il s’agit de « faire son devoir sans en être dupe ». L’épistolier n’a pas ce souci : lui se récite jour après jour les raisons qu’il a d’être là où il est et de faire ce qu’il fait.

Tout cela explique que la lettre soit un genre euphémistique, qui fonctionne comme un « silencieux » au sens balistique du terme : elle étouffe les sons de la guerre. Une étude du mot tomber révèle par exemple que ce qui tombe dans les journaux et les romans, ce sont d’abord les obus, alors que dans les lettres, ce sont d’abord la pluie et la neige. On trouve par ailleurs des euphémismes caractéristiques (l’épistolier est en campagne, il travaille ; les lexèmes spécifiques des lettres laissent à peine deviner qu’il est à la guerre ; il parle d’événements), et une positivité forte transparaît dans le sémantisme nominal (plaisir, désir, optimisme) et adjectival (admirable, exquis, excellent, délicieux, merveilleux). Plus que d’optimisme, on peut parler d’euphorie, et de la lettre de guerre comme d’un genre euphorisant. Il ne s’agit pas que de préserver les siens : le moral étant tributaire de l’image que l’on donne de soi, il entre dans cette manière d’écrire une forme d’auto-exhortation nécessaire.

Ces effets de sourdine voués à atténuer les réalités de la guerre, et pouvant concourir à en fausser l’image dans la perspective de Cru, culminent dans la description par les épistoliers de leur environnement naturel. Si le thème météorologique occupe une place importante (dans les lettres, il fait souvent beau : le temps est splendide, superbe, charmant, magnifique), le thème de la nature reçoit un tout autre traitement que dans les journaux, où elle apparaît comme un milieu hostile auquel il faut s’adapter. Dans les lettres, la nature renvoie à la création divine et elle est un spectacle de tous les jours. Le premier végétal spécifique dont il soit question dans les lettres, ce sont les roses. Les réalités trop triviales sont au pluriel (les boues, les neiges, les eaux – qui sont souvent folles ou vives). Si l’on y ajoute les lacs et les montagnes, on obtient un décor naturel presque lamartinien. Par comparaison, précisons qu’il n’est jamais question d’aucune montagne (autre que figurée) dans les journaux du corpus.

Si les romans sont plutôt tributaires du naturalisme du siècle précédent, les lettres mettent en scène une nature romantique qui rend mal compte des paysages lacérés de la Grande Guerre. Ce qui ne veut pas dire que ces textes n’aient aucune valeur documentaire ; s’ils en disent peu sur le quotidien des combattants et les détails de la vie matérielle, ils « témoignent » néanmoins (de manière « involontaire » aurait dit Marc Bloch[22]) de la manière dont la contrainte sociale s’exerce sur leurs auteurs et contamine leur rapport au monde, à la guerre, à leurs semblables et à eux-mêmes.

Les « témoignages » que valorise Jean Norton Cru relèvent d’un autre type de projet.

Journaux de combattants

Les journaux rompent radicalement avec l’univers familier du roman et l’univers idéalisé de la lettre. Comme l’avait bien vu Jean Norton Cru, ce genre rend compte de manière plus systématique du point de vue du combattant sur ce qu’il vit au quotidien – point de vue envisagé non en tant qu’il exprime son moi profond et le révèle à lui-même, mais en tant que ce point de vue situé et unique est susceptible d’éclairer le lecteur sur l’expérience commune. D’où les caractéristiques spécifiques du journal de guerre.

Ce qui est remarquable au plan de l’énonciation, c’est que le nous l’emporte sur le je, ce qui fait du pronom nous la spécificité principale des journaux relativement aux romans et aux lettres. Le diariste parle bien en son nom propre ; il s’agit d’une parole personnelle et référée à la situation d’énonciation, comme le prouvent l’abondance de déictiques temporels et spatiaux, et le présent qui domine largement les autres temps verbaux. Le je est l’instance de jugement qui garantit la véridicité des faits rapportés – et qui la met en doute, le cas échéant. En effet domine ici la modalité épistémique, relative aux savoirs et aux croyances du locuteur : le premier cooccurrent du pronom je, c’est le verbe savoir, souvent nié (je ne sais pas) ; le journal se fait l’écho des ignorances du diariste en temps réel. Reste que le pronom le plus fréquent, c’est ce nous, qui renvoie aux groupes successifs auxquels le témoin appartient et dont la référence varie d’un usage du pronom à l’autre (escouade, section, compagnie, parfois l’armée entière opposée aux civils). Ce groupe labile constitue proprement l’objet du témoignage : le je sujet de l’énonciation dans le journal se trouve toujours associé, en tant qu’objet de la narration, à ceux dont il partage le quotidien. Le genre du témoignage héritera de cette caractéristique pronominale du journal de guerre.

De même, le journal léguera au témoignage ses modalités syntaxiques et énonciatives : phrases courtes (plus courtes que dans les deux autres genres), fréquence du point d’interrogation qui appuie les questionnements incessants des poilus (les questions « Où sommes-nous ? » et « Où allons-nous ? » sont récurrentes dans le journal, preuve d’une communication défaillante[23]), fréquence des parenthèses également, qui sont souvent le lieu de commentaires méta-énonciatifs manifestant une prise de distance des diaristes par rapport à ce qu’ils assertent ou rapportent, de même d’ailleurs que les guillemets. Ainsi chez Pézard : « Avec le grand jour commence une canonnade très molle. Est-ce là cette "magnifique préparation d’artillerie" dont parlait le colonel ?[24]» – guillemets que Gérard Genette qualifierait sans doute de « contestataires ». De cette dimension critique, le témoignage héritera également.

Au plan thématique, le journal est le genre qui contient le vocabulaire le plus immédiatement lié aux réalités de la guerre (de cette guerre-ci), qui se manifeste sous forme de substantifs (balles, obus, minen, éclats, shrapnells, mitrailleuse, fusillade, entonnoirs, colonne, liaison, sections, canon, marmite, tir) et de verbes (tomber, tirer, monter, partir, marcher, avancer). Dans les journaux, la guerre s’entend (bruit, fracas, détonations, explosions, sifflement, auxquels s’ajoutent les dégâts afférents : démolir, frapper, ébranler, fracasser, effondrer, ensevelir, écraser) et la description des conditions de vie du groupe tient une place essentielle, ce qui se perçoit à l’apparition de champs lexicaux, relatifs à l’infrastructure des tranchées (boyau, parapets, remblai) et à l’habitat (abri, guitoune)[25], qui ne faisaient pas partie des spécificités positives des deux genres précédents. Le domaine propre du journal, c’est l’espace. D’où l’importance des adverbes de lieux et des prépositions locatives (sur, vers, près, sous – alors que le roman n’en compte aucune parmi ses 400 premiers mots spécifiques), des toponymes (Éparges, Calonne, Chemin Creux, Bois le Prêtre) et des termes se rapportant à l’espace rural (route, chemin, bois, butte, rive, ravin, piton, crête, forêt), avec une place particulière dévolue aux quatre éléments : l’eau (flaques, gouttes, eau – et tous les verbes, comme ruisseler ou gorger, qui disent l’enfer de l’humidité), l’air (nuées, ciel), le feu (fumée, flammes, incendie) et la terre (boue, mottes, poussière, fange, argile). Remarquons que les végétaux y abondent (feuilles, branches, arbres, verdure, ronces, épines) et que, si les ronces et les épines y sont plus rares dans les deux autres genres, c’est pour des raisons différentes : elles sont sans doute trop triviales pour les lettres (qui ne conservent que les roses et jettent les tiges) et trop anodines pour les romans (elles n’ont l’air de rien au regard de la baïonnette). Ainsi, les journaux abritent un grand fatras végétal et relativement peu d’objets manufacturés comparativement au roman ; les tranchées romanesques sont garnies d’objets en tous genres, le motif du capharnaüm fonctionnant comme un avatar objectal de la diversité humaine.

Les acteurs mentionnés dans les journaux se distinguent du personnel du roman en ce qu’ils sont plus spécifiques de la guerre (agent de liaison, pointeur, grenadiers, carabiniers, tirailleurs, troupiers, canonniers). Avec une spécificité très négative du terme femme pour ce genre par rapport au roman. Parmi les acteurs principaux de la guerre dans le journal : le cheval, rare dans le roman (où les noms d’animaux servent surtout à forger des insultes). Une place importante est faite au corps : aux vêtements  (képi, capote, uniformes), aux positions du corps (debout, étendu, assis, accroupi), au corps en mouvement (courir, ramper, sauter, se précipiter, grimper) et en cessation de mouvement ; c’est tout l’intérêt des textes que promeut Cru que de faire saisir cette temporalité de l’à-coup : le verbe pronominal le plus fréquent du journal est s’arrêter, alors que dans le roman, c’est se mettre (pour à crier, à hurler ou à rire).

Les adjectifs de couleurs et de lumière sont l’apanage du journal, qui traite de la nuit dans des proportions plus importantes que les deux autres genres, avec tout un champ lexical de la clarté et de l’obscurité (ombres, ténèbres, lumière, pénombre). Enfin, j’ai reporté pour exemple dans le tableau suivant les indices de spécificités de trois termes importants :

Où l’on voit que les intempéries tiennent moins de place dans le roman que dans les deux autres genres, que la boue est un motif des journaux (présente qu’elle est jusque dans certains titres[26]) et que, sans surprise, les épistoliers lui préfèrent la neige, dont ils font un motif décoratif plus qu’un ennemi.

Si Jean Norton Cru estime que le journal est mieux à même de porter témoignage de ce que représenta la Grande Guerre pour ceux qui la firent, c’est sans doute parce qu’il rétablit les proportions entre ce qui fait l’ordinaire du soldat et ce qui n’est qu’exceptionnel, entre ce qui le tourmente ou lui importe jour après jour et nuit après nuit, et ce qui est plus ornemental : il fait repasser l’habitat devant la nourriture, le bruit des combats devant celui des conversations courantes, le mouvement des corps et le maniement des armes devant la nature divinisée, offrant au lecteur une image de la guerre plus fidèle à l’expérience combattante et moins tributaire d’esthétiques révolues.

Jean Norton Cru n’impose pas de normes au discours combattant ; il éclaire celles qui structurent les textes des témoins selon leur genre, selon le projet qui les sous-tend et selon les contraintes sociales qui pèsent, en ce début de XXe siècle, sur la formulation de l’expérience de la guerre et de la mort côtoyée. Il faudrait, pour prolonger son étude et la nôtre, étendre l’analyse aux deux autres genres considérés dans Témoins (souvenirs et réflexions) et surtout travailler à un palier d’analyse supérieur en comparant non plus les cinq genres d’écrits de combattants, mais les six classes de témoignages. Cela permettrait de dégager les caractéristiques linguistiques de ceux que Cru tient pour les meilleurs textes relativement aux plus mauvais et d’examiner la manière dont s’organise le continuum des uns aux autres. Non pour définir un bon et un mauvais témoignage type, mais afin de repérer les éventuelles constantes qui transcendent les distinctions génériques de départ. On affinerait ainsi la connaissance de l’objet testimonial tel que Jean Norton Cru le conçoit et tel qu’il contribue à le construire historiquement.

[27][28]


[1] Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker, 14-18, Retrouver la guerre, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 2000, p. 15.

[2] Ibid., p. 64.

[3] Christophe Prochasson, « "Les mots pour le dire" : Jean Norton Cru, du témoignage à l’histoire », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 48/4, oct-déc 2001, p. 166.

[4] Voir, ici même, l’article de Frédérik Detue.

[5] Sur le malentendu séculaire qui entoure la notion de « témoignage », voir « Une bataille littéraire du XXe siècle : la vérité de l’expérience du mal contre l’horreur vendeuse », Séductions du bourreau. Négation des victimes de Charlotte Lacoste, Paris, PUF, 2010, coll. « Intervention philosophique », pp. 9-139.

[6] Jean Norton Cru, Témoins. Essai d’analyse et de critique des souvenirs de combattants édités en français de 1915 à 1928, préface et postface de Frédéric Rousseau, Nancy, PUN, coll. « Témoins et témoignages », 2006 [1re éd. Paris, Les Étincelles, 1929], p. 451.

[7] Ibid., p. 10 (c’est lui qui souligne).

[8] Ibid., p. 48.

[9] Ibid., pp. 661-663.

[10] Le Témoignage comme genre littéraire en France de 1914 à nos jours, thèse de doctorat en sciences du langage (dir. F. Rastier et T. Samoyault), soutenue le 02/12/2011 à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, pp. 61-171.

[11] Voir S. Heiden, J.-P. Magué, B. Pincemin, « TXM : Une plateforme logicielle open-source pour la textométrie – conception et développement », in S. Bolasco, I. Chiari, L. Giuliano, Proc. of 10th International Conference on the Statistical Analysis of Textual Data – JADT 2010, Edizioni universitarie di Lettere Economia Diritto, Roma, Vol. 2, 2010, pp. 1 021-1 032.

[12] Le corpus est détaillé en annexe.

[13] François Rastier, Arts et Sciences du texte, Paris, PUF, coll. « Formes sémiotiques », 2001.

[14] Témoins, p. 315.

[15] Rappelons la charge de Jean Norton Cru contre le « Gaspard qui ne s’en fait pas » de René Benjamin (Témoins, p. 588). La textométrie confirme que c’est une expression du roman. Gaspard, qui a connu un succès précoce durant la guerre (prix Goncourt 1915), peut avoir servi de modèle. À ce sujet, il pourrait être intéressant d’engager un travail approfondi sur les pillages entre romanciers. Cru avait pointé quelques larcins, mais les outils informatiques offrent un instrument de précision pour conforter sa critique. On repère en particulier un circuit [Barbusse à Dorgelès à Florian-Parmentier] par lequel transitent des termes qui n’apparaissent que chez eux trois (ribouldingue, par exemple).

[16] Témoins, p. 29.

[17] « Tu parles, mon vieux, qu’au lieu de l’écouter, j’y ai foutu ma baïonnette dans l’ ventre que j’ pouvais plus la déclouer. » (Barbusse, Le Feu) « L’Allemand a déjà jeté ses armes et, levant les mains, il s’écrie, les larmes aux yeux : “Oh ! camarade, pas cap… !” Mais, dans le même moment, traversé d’un coup de baïonnette, il s’effondre. » (Florian-Parmentier, L’Ouragan). « Soudain, le bras du soldat français se détend… et v’lan ! la baïonnette, piquée dans l’épaule, entre dans le corps de l’Allemand, qui s’affaisse en hoquetant : “Hâhâhâ !...” » (Jean des Vignes Rouges, Bourru).

[18] Eugène Lemercier, op. cit., p. 41.

[19] Avec un indice de spécificité de 304,5 – sachant que le seuil tenu pour significatif d’un point de vue statistique avec ce logiciel est de 3.

[20] Une étude des cooccurrents du verbe aimer dans les trois genres révèle que, dans les lettres, on « aime sa mère » ; dans le roman on « aime mieux mourir », dans les journaux on « aimerait savoir ».

[21] Ces épreuves sont qualifiées de dures, rudes et cruelles, mais il s’agit avant tout de les accepter : ce verbe est le quatrième cooccurrent du mot "épreuves".

[22] Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Cahier des Annales 3, Paris, Librairie Armand Colin, 1949.

[23] Ce qui donne peut-être tort à Cru qui prétend dans sa critique du roman de Dorgelès que les poilus n’ont pas « l’ignorance des lieux où il se trouve » (Témoins, p. 590).

[24] André Pézard, Nous autres à Vauquois. 1915-1916, Paris, La Renaissance du Livre, 1918, p. 63.

[25] Leur habitat d’une part, les maisons des villages traversés d’autre part. Les dommages infligés aux civils sont un grand choc pour les soldats.

[26] La Boue de Maurice Genevoix, Flammarion, 1921 ; La Boue des Flandres de Max Deauville, M. Lamertin, 1922.

[27] Le classement des œuvres testimoniales en 6 catégories est, rappelons-le, l’un des fruits du travail de Jean Norton Cru dans Témoins.

[28] Contient le texte modifié de Sous Verdun (1916), Nuits de Guerre (1917), Au seuil des guitounes (1918), La Boue (1921) et Les Éparges (1923).

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Pour en finir avec l’autonomie de la littérature, Jean Norton Cru (éloge d’un anticonformiste)

Frédérik Detue

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N°6 / 2015

Pour une critique des témoignages

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